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Peut-on dire qu'il existe des passions inutiles ?

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« Définition des termes du sujet La question « peut-on » met en jeu ou bien une capacité physique (est-on capable de ?) ou bien un droit (est-on autorisé à ?).

L'objet interrogé ici, c'est l'affirmation selon laquelle « il existe des passions inutiles ». On entend par passions toute force susceptible de saisir l'homme sans que celui-ci puisse la contrôler (« passion » et « passivité » ont la même racine étymologique). Est inutile ce qui ne sert à rien.

L'objet de cette inutilité est ici l'homme, sa pensée, les processus dans lesquels il est pris.

On peut considérer comme inutile ce qui n'aide aucun processus à avancer ; mais ne pourrait-il pas exister une utilité paradoxale, au sens où on pourrait s'appuyer sur un objet qui nous est inutile pour le repousser et fonder sur cette répulsion une attitude active et constructrice ? On se demandera si l'idée même d'une inutilité des passions est fondée, en examinant les caractères prêtés aux passions ; on pourra alors décider des types d'utilité et/ou d'inutilité que l'on peut attribuer aux passions, et surtout, décider s'il existe des types de passions utiles et des types de passions inutiles, ou bien si cette utilité ou inutilité dépend de l'usage que l'on fait des passions. Proposition de plan I.

Le refus traditionnel de l'idée d'une utilité des passions : l'utilité des passions est illusoire La philosophie a cultivé une méfiance des passions, en ce qu'elles empêchent l'homme de se gouverner et en ce qu'elles entretiennent des illusions, par exemple l'illusion de l'altruisme inhérent à la passion amoureuse, comme le montre Alquié.

Il existe un lien traditionnel en philosophie entre passion, dérèglement de la pensée et illusion : les passions sont néfastes à la pensée, elles sont inutiles à son progrès. Alquié, Le désir d'éternité Peut-on dire [...] que la passion nous permette d'aimer un être autre que nous ? Il n'en est rien et, en aimant le passé, nous n'aimons que notre propre passé, seul objet de nos souvenirs.

On ne saurait aimer le passé d'autrui ; par contre, l'amour peut se porter vers son avenir, et il le doit, car, aimer vraiment, c'est vouloir le bien de l'être qu'on aime, et l'on ne peut vouloir ce bien que dans le futur.

Tout amour passion, tout amour du passé, est donc illusion d'amour et, en fait, amour de soi-même.

Il est désir de se retrouver, et non de se perdre ; d'assimiler autrui, et non de se donner a lui ; il est infantile, possessif et cruel, analogue à l'amour éprouvé pour la nourriture que l'on dévore et que l'on détruit en l'incorporant à soi-même.

L'amour action suppose au contraire l'oubli de soi, et de ce que l'on fut ; il implique l'effort pour améliorer l'avenir de celui que l'on aime. Et si souvent l'aveuglement, et l'on ne sait quelle complaisance pour nos caprices, nous font désirer d'être passionnément aimés, il n'en reste pas moins que celui qui est aimé ainsi sait confusément qu'il n'est pas l'objet véritable de l'amour qu'on lui porte ; il devine qu'il n'est que l'occasion, pour celui qui l'aime, d'évoquer quelque souvenir, et donc de s'aimer lui-même.

A cette tristesse chez l'aimé correspond chez l'aimant quelque désespoir, car le passionné sent bien que sa conscience ne peut parvenir à sortir de soi, à atteindre une extériorité, à s'attacher à une autre personne. Ainsi s'explique que l'inconstance des passions coïncide souvent avec leur violence.

La violence de la passion vient de ce que sa source est l'égoïsme, sentiment d'une grande force, et souffrant mal les obstacles.

L'inconstance de la passion vient de ce que l'objet vers lequel elle se porte n'est jamais que symbolique et accidentel : en son essence, l'amour passion est un amour abstrait.

Tiré du passé de l'amant, il peut convenir a tout ce qui, dans le présent, évoque ce passé, apparaît comme son image.

Aussi le passionné aime-t-il, non l'être réel et présent qu'il dit aimer, mais ce qu'il symbolise.

Dans les cas de demi-lucidité, il aime cette recherche même du passé dans le présent : il aime alors l'amour, ce qui n'est pas aimer. Dans « le Désir d'éternité » (1943), Alquié distingue précisément la passion passive et la passion active : 1 — La passion passive est caractérisée par le refus du temps.

Le passionné est l'homme qui préfère le présent immédiat au futur de sa vie.

« Pour l'ivrogne, l'essentiel est de boire sur-le-champ, pour l'amoureux de retrouver sa belle au plus tôt, pour le joueur de courir au casino.

Mais demain, voici l'amoureux au désespoir, l'ivrogne malade, le joueur ruiné.

Ils ont sacrifié leur bonheur aux sollicitations immédiates, ils n'ont pas su se penser avec vérité dans le futur ».

Cette négation du temps comme avenir est ce que Alquié appelle « le désir d'éternité ».

Or c'est du passé que le présent tient sa puissance de fascination, dans cette forme de passion.

Elle est égocentrisme et résurgence du passé.

Le passionné aime dans l'objet de sa passion le symbole de son passé : l'avarice a souvent pour cause une crainte infantile de mourir de faim, l'amoureux projette sur la femme qu'il aime l'image du visage qui se penchait sur son berceau etc.

De là cette « joie d'enfant » du passionné adorant l'objet passionnel.

Étant refus du temps, la passion passive est vouée à l'inefficacité. 2 — La passion active est unité de l'esprit et volonté réalisatrice.

Elle retrouve le sens du futur comme lieu de son action, elle est autonomie du sujet.

Par exemple, loin d'être infantile, possessif et cruel comme l'amour-passion, l'amour-action sera oubli de soi, effort pour assurer l'avenir des êtres aimés, charité. — La différence nettement établie enfin entre les deux genres de passions est inséparable, comme on le voit, du plan moral.

Au fond la différence est surtout entre l'égoïsme des unes et l'altruisme des autres.

L'ambition est pensée du futur et sera pourtant rangée dans les passions passives, mais si cette ambition prend la forme de la passion de la science, elle risque d'être rangée dans les passions actives.

La vraie différence est bien, comme le. »

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