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Peut-on définir le devoir comme ce qui nous coûte ?

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« Peut-on définir le devoir comme ce qui nous coûte ? Introduction.

— On oppose couramment le devoir à ce qui plaît, et les modèles de fidélité au devoir qu'on nous propose se sont distingués par leur courage à renoncer à leurs désirs et à leur vie même pour accomplir ce que leur demandait la conscience. Le devoir implique donc quelque chose d'austère.

Mais cette austérité lui est-elle essentielle, en sorte qu'on puisse le définir comme ce qui nous coûte ? Nous répondrons à cette question en prenant successivement le mot devoir dans ses deux principales acceptions : acception concrète et acception abstraite. Pris concrètement, « devoir » — un devoir, des devoirs — désigne l'acte même qui est imposé.

Cette acception est tout à fait courante et particulièrement nette dans le vocabulaire des écoliers qui parlent de leurs devoirs de mathématiques et d'anglais. Au sens abstrait, on entend par « devoir » — le devoir —l'obligation même d'accomplir certains actes ou le caractère obligatoire de ces actes.

Ainsi, le soldat a le devoir d'obéir à ses chefs. Après cette distinction, la question posée peut se subdiviser ainsi: 1° Ce que nous devons faire, c'est-à-dire que nous exécutons pour satisfaire à une obligation morale, est-il essentiellement coûteux ou pénible ? 2° Le fait de devoir le faire, c'est-à-dire d'y être obligés, le rend-il nécessairement pénible ? I.

— CE QUE NOUS DEVONS FAIRE EST-IL ESSENTIELLEMENT PÉNIBLE ? A.

Le devoir coûte.

— On a beau être optimiste, il faut bien reconnaître que la fidélité à la loi morale n'est pas facile. Si nous nous abandonnions à nos tendances spontanées, nous nous écarterions bientôt de la ligne du devoir et aboutirions aux plus grossières aberrations des peuples sans culture.

Il n'y a pas de moralité possible sans une maîtrise de soi dont la conquête et la conservation exigent bien des sacrifices, sans une répression toujours pénible des penchants naturels. Le devoir coûte : il est inutile d'insister sur une affirmation qui fait figure de truisme. B.

Mais il ne lui est pas essentiel de coûter.

— Au contraire, précisément à cause de l'évidence de l'affirmation précédente, il ne sera pas inutile de s'arrêter plus longtemps à la restriction qu'il convient de lui apporter : si la vie morale n'est pas une partie de plaisir et si normalement le devoir coûte, il ne lui est pas essentiel de coûter. De cette thèse, il serait facile de fournir une preuve rationnelle et a priori : ce que la conscience nous demande et ce que la loi morale nous impose, c'est la réalisation d'un certain ordre et non la peine que nous éprouvons à le réaliser ; je dois, par exemple, aider ceux qui sont dans la misère, mais non obligatoirement par les moyens les plus difficiles pour moi ; c'est le résultat qui importe et non la difficulté à l'obtenir.

La difficulté est un accident sur le chemin ; ce n'est nullement le but.

Par suite, si le devoir coûte, il ne lui est pas essentiel de coûter, et celui qui ferait son devoir sans qu'il lui en coûte ne sortirait pas pour autant de la ligne de la moralité. On pourrait dire, il est vrai, que, cette hypothèse étant chimérique et le devoir étant toujours pénible, on peut le définir comme ce qui coûte.

Mais c'est seulement par un étrange préjugé qu'on tient pour chimérique l'hypothèse d'un devoir agréable à accomplir.

Observons les faits : nous verrons que l'expérience, comme la raison, montre qu'il n'est pas essentiel au devoir de coûter.

il est même des devoirs auxquels il coûterait de renoncer. En effet, si la vie morale des êtres que nous sommes implique une lutte contre les tendances naturelles, elle ne se réduit pas à cette lutte.

Si certaines tendances doivent être réprimées parce qu'elles nous portent à des actes opposés au devoir, il en est d'autres, au contraire, qui nous poussent dans le sens du devoir bien compris qui, alors, ne nous coûte plus.

Il n'est pas pénible pour une mère normale de se priver, de s'oublier, de veiller pour son enfant. Il ne lui en coûte pas d'accomplir fidèlement ses devoirs de mère ; c'est plutôt de s'en décharger sur d'autres qui lui coûte. Il est ensuite des devoirs qui, pénibles à l'origine, deviennent aisés et même agréables en sorte qu'on s'en acquitte sans avoir à faire d'effort sur soi-même ou, du moins, sans un effort qui coûte.

C'est le cas de beaucoup de travaux professionnels auxquels on s'attache.

Bien plus, il est une certaine lutte contre soi-même qui devient comme naturelle et ne coûte guère plus. A la première question que nous nous étions posée, nous devons donc répondre par la négative : si le devoir nous coûte souvent ou même ordinairement, il ne nous coûte pas toujours ; il ne lui est pas essentiel de coûter ; par suite, on ne peut pas le définir comme ce qui coûte. II.

- LE DEVOIR REND-IL NÉCESSAIREMENT PÉNIBLE CE QU'IL IMPOSE ? En définitive, la conscience et la loi morale nous commandent le bien.

Or, le bien répond à une de nos aspirations les plus plus profondes.

Il semblerait donc que, pris judicieusement, il ne devrait pas nous coûter.

S'il nous coûte, n'estce pas parce qu'il s'impose comme une obligation, comme un devoir ? A.

Raisons de le croire.

— C'est un fait d'expérience vulgaire : il suffit d'imposer comme un travail une occupation à laquelle on se livrait comme à un jeu, pour la rendre pénible et pour faire naître le désir de l'esquiver.

D'une façon plus générale, il nous en coûte d'obtempérer aux ordres d'autrui ; un travail nous coûte bien moins quand nous l'avons entrepris par initiative personnelle et le menons à notre guise.

On dirait qu'il se produit une importante baisse de potentiel quand notre énergie doit se mouvoir dans les cadres fixés par d'autres, comme dans la masse d'eau qu'une conduite forcée oblige à de nombreux changements de direction. On pourrait donc croire que si, souvent, les actions exigées par le devoir ne sont pas pénibles en elles-mêmes, il. »

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