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Peut-on concilier le pouvoir de l'État et la liberté individuelle ? ?

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« Est-il paradoxal de vouloir accorder le pouvoir de l'État et la liberté individuelle ? Cette question montre bien le caractère problématique de cet accord : la finalité de l'État, qui règle la vie du groupe, va-t-elle de pair avec la finalité de l'individu ? La sécurité peut-elle se concilier avec la liberté que Rousseau dit être inaliénable ? La liberté de l'individu peut-elle s'accomplir dans l'État ? Ont-ils les mêmes intérêts ? À cette question, la réponse de Spinoza est sans ambiguïté : seul l'État garantit la liberté de chacun. En effet, le pouvoir de l'État incarne l'intérêt général.

Il ne domine pas les individus, il ne les aliène pas.

Au contraire, il permet à la liberté de chacun de se manifester plus librement que dans le monde naturel de la violence individuelle.

Le pouvoir de l'État est celui des citoyens : sinon, il exerce une fonction contraire à sa fonction première. L'État institue un droit positif et chaque citoyen vit sous sa loi.

La fin de l'État est la sécurité contre la crainte, l'accroissement des richesses contre les besoins.

«La fin de l'État est donc en réalité la liberté », c'est-à-dire la fin consciente de l'homme raisonnable et de ceux qui aspirent à l'être.

L'homme raisonnable est capable d'opinions libres, d'indignation, de révolte même.

C'est pourquoi l'État qui bafouerait la sécurité et la liberté de ses citoyens, se détruirait lui-même.

Un État qui voudrait interdire la liberté de penser et de s'exprimer ne pourrait que survivre puis mourir. Les exigences de la vie en une société organisée n'interdisent à personne de penser, de juger et, par suite, de s'exprimer spontanément.

A condition que chacun se contente d'exprimer ou d'enseigner sa pensée en ne faisant appel qu'aux ressources du raisonnement et s'abstienne de chercher appui sur la ruse, la colère, la haine ; enfin, à condition qu'il ne se flatte pas d'introduire la moindre mesure nouvelle dans l'État, sous l'unique garantie de son propre vouloir.

Par exemple, admettons qu'un sujet ait montré en quoi une loi est déraisonnable et qu'il souhaite la voir abroger.

S'il prend soin, en même temps, de soumettre son opinion au jugement de la souveraine Puissance (car celle-ci est seule en position de faire et d'abroger des lois), s'il abstient entre-temps de toute manifestation active d'opposition à la loi en question, il est –au titre d'excellent citoyen- digne en tout point de la reconnaissance de la communauté.

Au contraire, si son intervention ne vise qu'à accuser les pouvoirs publics d'injustice et à les désigner aux passions de la foule, puis, s'il s'efforce de faire abroger la loi de toute manière, ce sujet est indubitablement un perturbateur et un rebelle. Spinoza s'interroge ici sur le droit de regard dont peut disposer l'individu à l'égard des lois: que puis-je légitimement faire si une loi me déplaît, me désavantage ou si je la trouve injuste ? La position de Spinoza est de prôner une action franche mais insérée dans une démarche rationnelle et institutionnelle et non pas passionnée et révolutionnaire. Son raisonnement peut valoir aussi bien pour les citoyens auxquels il conseille la liberté de pensée et d'expression dans des limites raisonnables, que pour les dirigeants auxquels il vaut montrer que ces libertés ne sont pas dangereuses en elles-mêmes et doivent même être encouragées pour mieux isoler et réprimer proprement dite: les libertés de pensée et d'expression ne sont en rien contraires aux "exigences de la vie en une société organisée". Le citoyen dispose de sa liberté d'opinion de respecter la puissance souveraine qui dirige l'Etat: il est alors un bon citoyen.

Toute action ou parole attaquant le Souverain constitue un acte de rébellion.

Pour Spinoza, toute manifestation active ou violente (verbale ou non) qui s'oppose aux lois de l'Etat est inacceptable. L'architecture du texte est simple: il s'agit de l'énoncé du principe général suivi d'une illustration par l'exemple.

Le principe général est celui de la liberté de pensée et d'expression limitée par trois conditions:. »

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