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Peut-on concevoir une morale sans obligation ?

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« Introduction -La morale, c'est la théorie par laquelle on passe de l'être au devoir-être, c'est-à-dire d'un état donné à un état normatif de notre action.

A insi, la morale contient en elle l'exigence interne du devoir, c'est-à-dire la containte à obéir à des règles données. -La morale semble donc indéfectiblement liée à une forme d'obligation, car elle contient en elle une exigence qui suppose le dépassement de notre condition propre d'homme ; or, cette exigence suppose elle-même, précisément, un effort particulier pour dépasser cette condition, et c'est cet effort qui est constitutif de l'obligation. -Quelles sont les modalités de l'obligation que peuvent revêtir la théorie morale chez l'homme ? Q ue cette obligation nous apprend-elle sur la condition spécifique de l'homme ? I.

L'obligation morale est liée à une exigence épistémique (Platon). -L'homme est un être sensible, au même titre que les autres êtres vivants.

Mais en temps que doué d'une âme, et, plus précisément, en tant que cette âme contient en elle une partie proprement intellectuelle, il participe également du monde intelligible.

T out l'effort de l'individu humain, ainsi, doit tendre à l'effort d'une conversion de l'âme vers elle-même, afin qu'elle ressaisisse en soi les principes intelligibles du monde sensible. - C ette exigence épistémique, qui consiste à tendre vers des vérités inconditionnées et absolues, implique une morale, celle du "naturel philosophe", telle qu'elle est thématisée dans le Phédon : le penseur dialectique va se détacher de toutes les sollicitations du corps et de la sensibilité, pour se concentrer sur l'activité de sa pensée.

A insi, toute recherche de la vérité s'accompagne d'une ascèse qui prend la forme d'une obligation morale, celle de se détacher du sensible. II.

L'obligation morale est liée à l'état social, qui implique subordination et paternalisme (Rousseau). -Dans l'état de nature, l'homme ressent en lui les deux vertus naturelles intrinsèques au coeur humain : l'amour de s o i e t la pitié.

La pitié, qui constitue la répugnance à voir souffrir un autre être sensible, est l'extension de l'amour de soi.

L'on peut ainsi se conduire de façon vertueuse en écoutant simplement son coeur, sans faire appel à une morale extérieure : une morale sans obligation semble possible. La réflexion sur la sociabilité de l'homme conduit Rousseau à insister sur le rôle des sentiments.

A insi, le sentiment naturel de la pitié pour nos semblables (Discours sur l'origine de l'inégalité), qui nous pousse à nous identifier à celui qui souffre, est une manière de nous unir aux autres par affection plutôt que par intérêt.

La pitié est à l'origine des vertus sociales. Le sentiment n'est pas limité au caractère sociable de l'homme.

Il est aussi bien ce qui nous révèle notre spiritualité, la foi naturelle en une intelligence divine à laquelle invite l'ordre de l'univers, que ce qui nous permet de décider du bien ou du mal, du vrai et du faux.

A insi, les connaissances évidentes sont, pour Rousseau, celles auxquelles, dans la sincérité de mon coeur, je ne peux refuser mon consentement (P rofession de foi du vicaire savoyard). -Or, cet état vertueux constitue précisément un état amoral, car dénué de tout sens social.

C 'est au sein de la société que se constitue la moralité, et par conséquent, aussi, la moralité ; celle-ci prend la forme d'une obligation d'obéissance à un corps de prescriptions extérieures.

Il s'agit à d'un modèle paternaliste de rapport à l'autre, puisque la modalité de notre relation dépend d'une obéissance passive à un corps de règles extérieures. III.

La morale implique l'obligation de se soumettre à la légalité propre de la loi morale interne à la raison pure pratique (Kant). -Il est possible d'agir conformément au devoir, mais sans agir par devoir ; en obéissant conformément au devoir, on obéit à une loi extrinsèque, mais seulement parce que celle-ci va dans le sens de notre intérêt particulier ; l'intention reste non morale, puisqu'elle est déterminée par des intérêts sensibles, bien qu'elle s'inscrive dans le cadre de la égalité extéireure. Il n'y a pas ici d'obligation morale au sens strict, mais une simple obéissance : il n'y a donc pas de morale. -L'homme est un être libre en ce qu'il obéit à ses propres lois : c'est l' autonomie.

La liberté, c'est ainsi la détermination de la volonté par la forme de la loi morale, celle de l'impératif catégorique, qui constitue la forme pure du devoir.

Etre libre, c'est obéir à la loi donnée par la forme de la raison pure (en tant que non dérivée de l'expérience) pratique (en tant qu'elle sert ici à un usage moral, et non théorique).

La morale, c'est ainsi l'obligation de réaliser la loi morale, en obéissant à la forme pratique de la raison pure, et ce au travers de la liberté. Le principe de la moralité réside dans l'autonomie, soit la faculté de s e déterminer soi-même de par une législation rationnelle.

L'homme est lié à son devoir par une loi qui ne lui est pas extérieure.

A ucun intérêt ne vient le forcer à faire son devoir, aucune force étrangère à sa propre volonté ne vient le contraindre. Si le devoir procédait d'une contrainte, l'homme ne serait pas libre mais hétéronome, c'est-à-dire sous la dépendance d'une loi qui ne procède pas de lui-même.

Le devoir ne se définit que par l'autonomie de la volonté.

Être libre et moral, c'est agir conformément à sa propre volonté législatrice universelle. C ette loi du devoir, bien qu'en nous, vise l'universalité.

Le principe suprême du devoir est inconditionné et absolu.

La volonté n'y est pas intéressée, et elle n'est pas non plus motivée par la crainte d'un châtiment ou d'une sanction s'il y a désobéissance.

Dans l'accomplissement du devoir, la volonté est fondée sur un principe d'autonomie : "L'autonomie de la volonté est cette propriété qu'a la volonté d'être à elle-même sa loi (indépendamment de toute propriété des objets du vouloir).

Le principe de l'autonomie est donc : de choisir de telle sorte que les maximes de notre choix soient comprises en même temps comme lois universelles dans ce même acte de vouloir." Conclusion -La morale semble impliquer d'elle-même la notion d'obligation. -Or, l'obligation doit être distinguée de l'obéissance : la moralité, ce n'est pas l'obéissance à ce qui nous est extérieur, sans quoi l'on ne fait qu'obéir à un mode paternaliste de relation à l'autre, ce mode étant socialement déterminé. -La seule obligation à laquelle nous contraint la morale, c'est donc celle d'une obéissance à sa propre loi, celle qui est interne à la raison elle-même. -En définitive, une morale sans obligation est bien concevable, mais seulement si l'on entend par là que la moralité se distingue de l'obéissance : la morale n'est pas une obligation, mais une exigence ; et cette exigence implique l'obligation de ne pas agir sous la contrainte extérieure.

Toute la dimension de la moralité se saisit dans cette distance entre l'obligation et la contrainte, qui rejoint celle entre l'exigence et l'obéissance.. »

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