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Peut-on concevoir une matière pensante ?

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« Concevoir une chose est l'activité par laquelle nous nous la représentons, par laquelle nous la figurons devant nos yeux.

Mais concevoir, par delà cette acception courante du terme, c'est aussi formuler le concept d'une chose, c'est-à-dire la définition de sa nature propre. La matière est la substance qui constitue les corps, ce dont les corps sont faits et constitués.

Elle peut être de différentes natures, comme la matière organique des être vivants ou la matière minérale des êtres inanimés. Traditionnellement, la matière a été pensée dans un rapport d'altérité par rapport a la pensée.

La matière serait la composante des corps, la pensée une faculté attachée au corps mais non corporelle : c'est l'esprit qui est pensant, non la matière.

Cette dualité et cette incompatibilité ont été représentées au moyen du couple de l'âme et du corps : le corps serait matériel et l'âme de nature spirituelle, il s'agirait de deux substances absolument hétérogènes dont la difficulté est de penser la communication. Cependant, peut être est-il possible de concevoir l'âme et le corps non comme des substances hétérogènes, mais de manière à faire de la matière elle-même une substance pensante.

Nous nous demanderons si le concept de matière pensante est une contradiction dans les termes, ou s'il est possible de concevoir la matière comme une substance à laquelle appartient en propre la pensée. I. a. Une matière pensante est paradoxale, donc inconcevable Une contradiction dans les termes Parler de « matière pensante » est une contradiction dans les termes.

En effet, la matière est ce qui constitue les corps, alors que la pensée est la faculté propre de l'esprit.

Ce n'est donc jamais la matière elle-même qui pense, qui peut être dit pensante, mais l'esprit qui possède cette faculté que l'on nomme la pensée.

Dans les Méditations Métaphysiques, Descartes propose un modèle permettant de comprendre l'union de cette faculté qu'est la pensée, faculté immatérielle, avec la substance matérielle qu'est le corps : il s'agit du modèle dualiste de l'âme et du corps. L'âme et le corps sont entièrement unies, de sorte que le corps peut avoir des effets sur la pensée, et la pensée commander au corps, mais cette union générale est plus intime encore dans la glande pinéale, au cœur du cerveau, où se fait la communication entre les deux substances (substance inétendue, la pensée, et substance étendue, le corps).

Par conséquent, c'est par un abus de langage, ou par facilité, que l'on parle de matière pensante.

La matière est seulement unie à l'âme en laquelle se trouve la faculté de penser. b. Une conception poétique mais non philosophique Par conséquent, nous dirons que si l'on peut concevoir une matière pensante, c'est seulement au sens trivial de concevoir, c'est-à-dire se représenter, imaginer.

Les fictions poétiques sont pleines d'exemples où la matière parle et pense, où le monde inerte est doué de la faculté de penser : que l'on pense aux Métamorphoses d'Ovide, ou à la poésie de Saint John Perse qui prête aux éléments du monde la faculté de penser, comme dans son splendide recueil intitulé Vents.

Il n'y a donc pas de conception philosophique de la matière pensante, mais seulement une conception poétique et fictionnelle.

Un concept philosophique de matière pensante est l'union d'éléments hétérogènes, une sorte d'oxymore intellectuel. II. a. Pour le matérialisme, la pensée est une propriété de la matière Le monisme, solution de la communication des substances hétérogènes ? Cependant, le modèle dualiste cartésien a été largement remis en question dans la suite de l'histoire de la philosophie, notamment par le monisme matérialiste de Diderot.

Ce dernier postule qu'il n'y a qu'une substance, à savoir la matière, et que cette substance unique règle le problème de la communication des substances.

En effet, la glande pinéale cartésienne n'explique nullement comment se fait la communication entre la chose étendue et la pensée.

Elle localise le problème mais ne le résout pas.

À l'inverse, le monisme matérialisme d'un Diderot permet de régler le problème du dualisme, puisque tout est matière.

C'est donc la matière elle-même qui pense, et non l'âme unie mystérieusement au corps. b. La pensée est une propriété intrinsèque de la matière. »

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