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Peut-on comprendre la relation de la matière à l'esprit ?

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« VOCABULAIRE: COMPRENDRE / EXPLIQUER : Comprendre, c'est connaître un phénomène de l'intérieur, par son sens, en déchiffrant sa singularité. Dans les sciences, expliquer c'est ramener la diversité des phénomènes à des causes (leurs conditions de production) et à des lois permettant d'en faire des cas particuliers. MATIÈRE: * Ce en quoi les choses sont faites, par opposition à la forme. * En logique (matière d'un raisonnement) : ce qu'énoncent les termes d'un raisonnement, indépendamment des relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres (contraire : forme).

* Chez Aristote, ce qui est susceptible de recevoir une forme.

* En sciences, les éléments constitutifs de la réalité physique (atomes, molécules, etc.). ESPRIT: Du latin spiritus, «souffle» (qui anime la matière). * Dans la langue religieuse (le Saint-Esprit), le souffle ou le principe divin. * Par opposition au corps : principe individuel de la pensée, conscience. * Par opposition à la matière : le monde de la pensée, la réalité spirituelle. * Chez Hegel, l'Esprit (avec une majuscule) est le principe rationnel qui gouverne le monde. Envisager la matière et l'esprit comme objets de connaissance rationnelle revient à essayer de découvrir les lois qui règlent leur fonctionnement respectif.

Mais on se heurte ici à une objection de méthode.

Sont-ce ou non les mêmes lois qui permettent de comprendre la structure et le fonctionnement de ces deux ordres de réalité ? Pour Descartes, la connaissance ne peut atteindre la clarté et la distinction en aucun domaine si elle confond les notions appartenant à ces deux ordres fondamentalement séparés.

Si on pose comme principe fondamental, après Descartes (texte 1) et la tradition mécaniste, que la matière a pour caractéristique essentielle d'être étendue (grandeur, figure et mouvement), et que l'esprit ou la pensée est un ordre de réalité indépendant de la matière, inétendu et immatériel, alors comment comprendre les relations de ces deux dimensions de la réalité ? Le problème est posé spécialement à l'homme, parce que sa spécificité est d'être un composé d'âme et de corps, d'esprit inétendu et de matière étendue.

En fait, pour Descartes, l'union de l'âme et du corps est un fait qui n'est guère susceptible d'être éclairci : l'union en l'homme de l'esprit et du corps n'empêche pas qu'on puisse avoir une idée claire et distincte de ce qui ne peut se connaître « qu'obscurément par l'entendement seul » (texte 2). TEXTE 1 : DESCARTES, Principes de la philosophie (1644) Les Principes de la philosophie sont le dernier ouvrage de Descartes, qu'il a voulu systématique et didactique.

La deuxième partie est consacrée à l'étude de la substance étendue : Descartes y expose les fondements de sa physique. "Que ce n'est pas la pesanteur, ni la dureté, ni la couleur, etc., qui constitue la nature des corps, mais l'extension seule.

En ce faisant, nous saurons que la nature de la matière, ou du corps pris en général, ne consiste point en ce qu'il est une chose dure, ou pesante, ou colorée, ou qui touche nos sens de quelque autre façon, mais seulement en ce qu'il est une substance étendue en longueur, largeur et profondeur.

Pour ce qui est de la dureté, nous n'en connaissons autre chose, par le moyen de l'attouchement, sinon que les parties des corps durs résistent au mouvement de nos mains lorsqu'elles les rencontrent ; mais si, toutes les fois que nous portons nos mains vers quelque part, les corps qui sont en cet endroit se retiraient aussi vite comme elles en approchent, il est certain que nous ne sentirions jamais de dureté ; néanmoins nous n'avons aucune raison qui nous puisse faire croire que les corps qui se retiraient de cette sorte perdissent pour cela ce qui les fait corps.

D'où il suit que la nature ne consiste pas en la dureté que nous sentons quelquefois à leur occasion, ni aussi en la pesanteur, chaleur et autre qualités de ce genre ; car si nous examinons quelque corps que ce soit, nous pouvons penser qu'il n'a en soi aucune de ces qualités, et cependant que nous connaissons clairement et distinctement qu'il a tout ce qui le fait corps, pourvu qu'il ait de l'extension en longueur, largeur et profondeur : d'où il suit aussi que, pour être, il n'a besoin d'elles en aucune façon et que sa nature consiste en cela seul qu'il est une substance qui a de l'extension." Descartes, Principes de la philosophie, § 16, éd.

F.

Alquié, Garnier frères, 1973, deuxième partie, articles 16 et 20. TEXTE 2 : DESCARTES, Lettre à Élisabeth (1643) À une époque où l'échange épistolaire est le principal moyen de communication à distance, Descartes a laissé une correspondance importante, non seulement avec des savants, mais aussi des personnes de haut rang s'intéressant à la philosophie, comme Élisabeth, princesse palatine vivant en Hollande depuis que ses parents avaient été proscrits de Bohême.

En relation avec Descartes depuis 1642, devenant l'une de ses principales correspondantes, elle lui avait demandé dans une lettre précédente de préciser la manière dont il entendait l'union de l'âme et du corps.

La princesse demandait comment l'âme, substance pensante, peut bien déterminer le corps et susciter des actions volontaires.

Le texte qui suit est un extrait de la réponse que lui adresse Descartes. "Premièrement, je considère qu'il y a en nous certaines notions primitives, qui sont comme des originaux, sur le patron desquels nous formons toutes nos autres connaissances.

Et il n'y a que fort peu de telles notions ; car, après les plus générales de l'être, du nombre, de la durée, etc., qui conviennent à tout ce que nous pouvons concevoir, nous n'avons pour le corps en particulier, que la notion de l'extension, de laquelle suivent celles de la figure et du mouvement ; et pour l'âme seule, nous n'avons que celle de la pensée en laquelle sont comprises les perceptions de l'entendement et les inclinations de la volonté ; enfin, pour l'âme et le corps ensemble, nous n'avons que celle de leur union, de laquelle dépend celle de la force qu'a l'âme de mouvoir le corps, et le corps d'agir sur l'âme, en causant ses sentiments et ses passions. Je considère aussi que toute la science des hommes ne consiste qu'à bien distinguer ces notions, et à n'attribuer chacune d'elles qu'aux choses auxquelles elles appartiennent.

Car, lorsque nous voulons expliquer quelque difficulté par le moyen d'une notion qui ne lui appartient pas, nous ne pouvons manquer de nous méprendre ; comme aussi lorsque nous voulons expliquer une de ces notions par une autre ; car, étant primitives, chacune d'elles ne peut être entendue que par elle-même.

Et d'autant que l'usage des sens nous a rendu les notions de l'extension, des figures, et des mouvements beaucoup plus familiers que les autres, la principale cause de nos erreurs est que nous voulons ordinairement nous servir de ces notions pour expliquer des choses à qui elles n'appartiennent pas, comme lorsqu'on veut se servir de l'imagination pour concevoir la nature de l'âme, ou bien lorsqu'on veut concevoir la façon dont l'âme meut le corps, par celle dont un corps est mû par un autre corps. C'est pourquoi, puisque dans les Méditations que votre Altesse a daigné lire, j'ai tâché de faire concevoir les notions qui appartiennent à l'âme seule, les distinguant de celles qui appartiennent au corps seul, la première chose que je dois expliquer ensuite, est la façon de concevoir celles qui appartiennent à l'union de l'âme et du corps, sans celles qui appartiennent au corps seul ou à l'âme seule." Lettre de Descartes à Élisabeth, Egmond du Hoef, 21 mai 1643 (AT-III, p, 663-668), version française de Clerselier, tome I, lettre 29, p. 89-92.. »

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