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Peut-on attribuer a la matière la puissance de penser ?

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« Dans les Méditations métaphysiques Descartes découvre ce qui se donne comme la première vérité, celle ayant résisté au doute hyperbolique, le Je suis, celui-ci étant supposé par le Je pense.

Or chez Descartes penser est une activité de l'âme, dès lors si l'on veut tenter de nouer matière et pensée il faudra s'affranchir du dualisme cartésien et prendre acte d'autres conceptions de la matière.

Il est clair cependant que notre expérience du monde ne nous pousse pas à croire à une adéquation entre matière et pensée, toutefois la base d'une pensée possible, le psychisme ne pourrait-il pas avoir quelque rapport avec la matière ? I- La relation de la matière à la pensée dépend de l'ontologie choisie. Si l'on se situe dans le dualisme cartésien il est interdit d'attribuer à la matière la puissance de penser.

En effet, l'essence de la matière est réduite à son étendue géométrique, c'est-à-dire à une pure extériorité réciproque des parties entre elles.

Seule l'âme est douée de la pensée et son être est irréductible à l'essence de la matière, il y a un clivage entre l'âme et le corps, l'esprit et la matière. Si l'on prend le parti d'un réductionnisme de type matérialiste où toute vie spirituelle est réduite à des combinaisons physico-chimiques sous-jacentes alors on choisi d'expliquer la naissance de la pensée à partir de la matière. Cela revient à réduire la faculté de penser à un jeu de connexion interne au tissu cérébral.

La pensée dériverait ainsi de structures positives, complexes, tout à fait matérielles et tangibles. Cette position est très critiquable, il suffit pour se rendre compte de sa limite de poser la question : comment de la pensée peut-elle se former, surgir, de la matière ? C'est incompréhensible, on aura beau pousser l'analyse scientifique, convoquer synapses, neurones, biochimie, cartographier le cerveau, on ne parviendra qu'à compliquer l'explication mais jamais on ne rendra compte de cette idée bien peu philosophique selon laquelle le matériel peut faire naître la pensée (cf notamment Bergson, Matière et mémoire). II- L'hypothèse nécessaire d'une matière qui ne se réduit pas au partes extra partes. S'il paraît impossible et désespéré de vouloir faire surgir la pensée de la matière, ne peut-on pas à l'inverse montrer que la matière contient déjà en elle-même quelque chose de la pensée ? Il faut donc renverser les choses : la pensée est irréductible à la matière mais la matière contiendrait déjà quelque chose de la pensée.

Or cela est impossible si l'on reste tributaire de la conception classique de la matière comme extériorité réciproque de parties, en effet la pensée se fonde sur une intériorité, la matière doit donc être conçue comme possédant elle aussi une intériorité. Nous suivons ici le cheminement de pensée de Hans Jonas au début du Phénomène de la vie.

A l'appui d'une inférence il défend sa conception de la matière : il part de l'hypothèse que l'homme est le plus haut degré d'accomplissement de la vie, l'Etre le plus compliqué, et, s'il y a continuité d'essence entre l'homme et la matière (car on est dans un monisme) la concrétude de l'homme doit être semblable à celle de la matière.

La concrétude de mon corps est palpable en ce qu'il m'est en même temps intérieur et extérieur.

En effet, je fais constamment l'épreuve de mon corps à la fois comme interne et externe, une même partie de mon corps peut au même moment me paraître intérieure si j'éprouve à son endroit une sensation et extérieure si je la vois.

De ce caractère : être concret c'est posséder à la fois une intériorité et une extériorité, Jonas induit que la matière, sous-entendue telle qu'on l'envisage dans sa concrétude, ne se réduit pas au partes extra partes et peut elle aussi avoir un horizon interne. L'exercice consiste dans un premier temps à faire l'expérience phénoménologique de notre corps, puis dans un deuxième temps il s'agit de renoncer à considérer la matière seulement dans son apparaître phénoménal, et de supposer qu'elle ne se réduit pas ontologiquement à ce que ma perception en révèle, ainsi il est possible de procéder à l'analogie et de reconnaître pour la matière que, comme l'écrit Jonas « son être étendu n'est pas nécessairement tout son être ».

Cela exige de renoncer à l'inférence selon laquelle ma perception est adéquate à l'être des choses.

L'effort philosophique est de prêter à la matière une existence telle qu'elle ne se donne jamais dans l'expérience que nous en faisons.

Il y'a une dimension de la matière pour l'appréhension de laquelle nos facultés sont en défaut.

Phénoménologiquement je ne vis qu'un aspect de la matière, la totalité de ses déterminations m'échappe, à moi n'échoue qu'une abstraction. III- La matière ne pense pas mais le psychisme commence avant le cerveau. Le défaut épistémologique de cette analogie tient évidement à ce qu'elle exige un effort de pensée que rien ne vient corroborer, sa vérité est suspendue, indécidable. Cette hypothèse intériorité de la matière nous permet-elle de lui prêter quelque chose comme la pensée ? Certainement non, le paradigme de la physique quantique nous fournit le cas d'une matière douée d'une « intériorité » au sens où nous sommes incapable d'étaler son contenu dans l'espace ni même de l'appréhender objectivement.

Or le comportement des électrons ne nous paraît pas appeler une ressemblance avec la pensée. Toutefois certaines observations biologiques mettent en évidence non que la matière puisse penser mais que le psychisme, au sens d'une conduite unifiée (habitude, réflexe, capacité d'apprendre), se lit dans certaines espèces dépourvues de tout système cérébral.

C'est notamment le cas du « paradoxe de l'amibe », laquelle est un protozoaire sans aucun système sensori-moteur ou nerveux et qui malgré cette carence est tout a fait capable d'habitudes, de réflexes, bref son observation donne présents tous les indices d'un psychisme de base. Conclusion : On ne peut conséquemment opter pour un réductionnisme qui fasse naître la pensée des connexions cérébrales, car comment croire que simplement par leur forme (puisque c'est par une forme qu'ils diffèrent des autres tissus du corps) les vaisseaux et tissus cérébraux seraient aptes à produire de la pensée ? Si la matière doit avoir quelque rapport avec la pensée c'est peut-être que celle-ci se préfigure dans celle-là, il faut donc conséquemment faire l'hypothèse d'une matière ayant quelque intériorité.

Enfin, s'il paraît impropre de se faire correspondre pensée et matière néanmoins il faut voir que le psychisme semble directement liée à la matière vivante la plus basique comme nous l'a montré le cas de l'amibe.. »

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