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Peut-on apprendre à percevoir ?

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« POUR DÉMARRER C e sujet pose un problème fondamental lié à la notion de perception : s'agit-il d'un acte de l'esprit résultant de l'organisation de celui-ci ou au contraire estce le produit d'un apprentissage ? Il est clair que la définition de la perception que vous donnerez joue un rôle déterminant dans votre devoir. CONSEILS PRATIQUES V ous devez parcourir ici successivement les différentes théories concernant la notion de perception telles qu'elles vous ont été enseignées, pour répondre à chaque fois à la question posée.

Souvenez-vous que la perception a été longtemps considérée comme l'organisation et l'interprétation des sensations ; ensuite, dans la conception contemporaine, elle est devenue expérience corporelle et saisie de structures globales.

A u fond, la perception est-elle savoir ou appréhension non cognitive ? Connaissance ou processus d'organisation ? BIBLIOGRAPHIE LAGNEAU, C élèbres leçons et fragments, PUF. M.

MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, Tel-Gallimard. [Introduction] C e sujet contient un étrange paradoxe: la vue semble être, en effet, un don de la nature et non le résultat d'un apprentissage.

Les yeux du petit enfant se dessillent très vite sans que personne lui apprenne à voir.

L'énoncé du sujet semble donc sous-entendre que, nous qui croyons spontanément voir le monde correctement, nous ne le verrions en réalité peut-être pas assez précisément.

Il nous serait donc possible, comme à l'issue de tout apprentissage, de faire des progrès dans notre manière de voir.

Mais qui pourrait nous apprendre à mieux voir? Nous nous interrogerons d'abord pour savoir si notre vue s'avère parfois défaillante et pour quelles raisons.

Puis nous rechercherons qui pourrait nous apprendre à mieux voir. [Voyons-nous mal le monde? A quoi sommes-nous aveugles?] Les philosophes, de Platon à Descartes, n'ont pas cessé de mettre en cause le caractère trompeur des sens.

Nos sens ne sont pas « ajustés au monde », ajoutera Hannah A rendt.

Ils sont notre principale source d'information sur la réalité mais cette source est imparfaite.

« Tout ce que j'ai reçu jusqu'à présent pour le plus vrai et assuré, je l'ai appris des sens, ou par les sens: or, j'ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs, et il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés » : ainsi Descartes fait-il le constat d'échec des sciences et particulièrement celui de la vue au XVIIe siècle, c'est-à-dire au moment où les découvertes de Galilée faisaient apparaître que la Terre tournait sur son orbite, contrairement à ce que nos yeux nous avaient imposé avec la plus absolue certitude. Non seulement nos yeux ne nous donnent pas une représentation exacte du monde mais nous avons nous-mêmes tendance à être bien peu observateurs: « Il fallait être Newton pour percevoir que la Lune tombe sur la Terre quand chacun voit qu'elle ne tombe pas », disait Paul V aléry.

Ne préférons-nous pas une apparence sommaire mais confortable plutôt qu'une vérité qui dérange? L'histoire des sciences regorge de situations dans lesquelles autant nos sens que notre crédulité ont été pris en défaut. Nous avons trop tendance à nous fier aux apparences autant dans les efforts que nous faisons pour connaître le monde par l'intermédiaire de la science que dans les rapports que nous entretenons avec autrui.

Dans un dialogue de P laton, Le Banquet, A lcibiade compare Socrate à ces coffrets dans lesquels les Grecs rangeaient leurs bijoux et qu'ils avaient coutume d'orner de figures monstrueuses.

Chez Socrate, soutient A lcibiade, comme dans les coffrets à bijoux, la véritable beauté est intérieure.

N'avons-nous pas souvent tendance à préférer la superficielle beauté que nous révèle la vue à la beauté véritable souvent cachée? [Qui peut nous apprendre à voir?] Si nous voyons mal les êtres et le monde et s'il nous faut apprendre à voir, qui peut nous aider dans cet apprentissage? Quels peuvent être les professeurs qui nous aideront à avoir une meilleure vision du monde? Il nous semble que trois personnages peuvent prétendre à un semblable titre: le philosophe, le savant et l'artiste. « C 'est l'étonnement qui poussa les premiers penseurs aux spéculations philosophiques », écrit A ristote dans La Métaphysique.

Le philosophe possède cette capacité d'arrêter son regard là où ordinairement on ne le fixe pas.

La philosophie est un effort pour aller au-delà des apparences.

Elle arme notre vue de l'outil le plus indispensable à la connaissance du monde : le doute philosophique, radical et méthodique, qui met à l'épreuve de la raison notre vision ordinaire des choses. « La philosophie est écrite dans ce livre gigantesque qui est continuellement ouvert à nos yeux, mais on ne peut le comprendre si d'abord on n'apprend pas à comprendre la langue et à connaître les caractères dans lesquels il est écrit.

Il est écrit en langage mathématique, et les caractères sont des triangles, des cercles, et d'autres figures géométriques, sans lesquelles il est impossible d'y comprendre un mot » : ainsi Galilée décrivait-il la physique moderne dont il est le fondateur.

Le scientifique peut nous aider à voir le monde avec plus de netteté parce que l'observation qu'il fait des phénomènes n'est pas celle du sens commun.

Il arme sa vue d'un dispositif expérimental qui lui permet de révéler ce que les yeux ne peuvent voir et il traduit les données de son expérimentation dans un langage mathématique capable de leur donner la forme d'une loi. L'artiste, lui, est capable de traquer la réalité là où on ne l'attend pas.

Parfois beaucoup plus rapidement que le savant ou le philosophe, il est capable de révéler aux hommes ce que leur vue ne leur montrait pas.

Bergson reconnaissait à l'artiste un rôle de révélateur semblable au produit dont se servent les photographes: au fur et à mesure que les artistes « nous parlent, des nuances d'émotion et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraient invisibles: telle l'image photographique qui n'a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera.

[...] Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes ». [Conclusion] I l n'est pas sûr que nous sachions voir correctement le monde.

Philosophes, savants et artistes sont là pour nous apprendre à voir.. »

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