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Peut-on affirmer la valeur d'un préjugé ?

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« Peut-on affirmer la valeur d'un préjugé ? Lorsque nous prononçons le terme de préjugé, beaucoup d'affirmations nous viennent à l'esprit : il ferait froid en Finlande, ou encore les philosophes seraient des gens qui n'auraient pas les pieds sur terre, etc.

La facilité avec laquelle nous pouvons citer un grand nombre de préjugés provient de la définition même de ce terme : il est, littéralement, ce qui a déjà été jugé, mais par d'autres que nous.

Il est ce dont nous n'avons pas nous-mêmes examiné la pertinence par le biais de notre raison ou de notre expérience, mais ce dont nous héritons.

On peut ainsi le qualifier d'irréfléchi.

Parler de valeur nous entraîne dans le champ de la pratique, et plus précisément de la morale : affirmer la valeur d'un préjugé, cela signifie montrer explicitement qu'un énoncé déjà jugé par d'autres, irréfléchi, est bon, juste, utile.

Se demander si on peut affirmer la valeur d'un préjugé amène à s'interroger : quel lien faut-il établir entre ce qui caractérise principalement le préjugé, à savoir d'être irréfléchi, et d'autre part son caractère morale ? Quel rapport doit-on établir entre vérité et action ? Entre raison et morale ? I- Le préjugé n'aurait pas de valeur parce qu'il serait irréfléchi. A - On ne peut pas affirmer la valeur d'un préjugé : en effet, tout préjugé serait mauvais. 1-On doit se référer au Philèbe de P laton exposant le paradoxe socratique : celui qui connaît agit bien, nul n'est mauvais volontairement. 2-Ainsi si ce qui est bon requiert la connaissance, la réflexion, ce qui est irréfléchi est mauvais, et donc le préjugé n'a pas de valeur. B- Et la cause de cette idée est que le préjugé peut être compris comme étant une opinion. 1-C'est là encore le point de vue de P laton.

Le préjugé est une opinion (doxa), c'est-à-dire une croyance, une idée irréfléchie.

C f.

la République de P laton. 2- L'opinion doit être remplacée par le savoir, la connaissance, qui seule a une valeur : l'opinion ne permet pas d'accéder à la vérité. C - C ette opinion, qui se décline d'ailleurs au pluriel comme des opinions, sont ce dont nous héritons dans notre enfance, et nous avons donc toujours déjà des préjugés (sans valeur) 1-Descartes le montre dans le Discours de la méthode, deuxième partie, où il critique la « prévention », autre nom pour lui du préjugé hérité de notre enfance, des précepteurs, etc. 2-La fameuse « méthode » de Descartes consistera dans le fait de se défaire des préjugés afin de rechercher et trouver la certitude dans l'ordre théorique. II- On peut affirmer la valeur d'un préjugé en tant qu'il est utile. A - Mais Descartes lui-même, toujours dans le Discours de la méthode montrera que les préjugés ont une valeur : ils sont utiles, c'est-à-dire qu'ils servent à l'homme dans l'ordre de l'action. 1- C 'est la « morale par provision » de Descartes : on doit agir avant que de connaître la vérité.

Et dans l'urgence de l'action, il faut se fier à ce que disent ceux qui nous entourent. 2- Le préjugé n'est donc pas bon mais il a de la valeur parce qu'il nous aide à vivre, au jour le jour, parce que nous sommes des hommes avant que d'être des savants. B- Les préjugés sont en ce sens nécessaires. 1- Sans préjugé, l'homme est perdu.

On doit alors affirmer la nécessité vitale du préjugé. 2-Si nous devions tout juger tout le temps par nous-mêmes, nous ne pourrions jamais agir. C - Le préjugé peut alors avoir valeur d'exemple. 1- C 'est ce que montre Epictète.

Son Manuel est constitué de maximes que l'on peut consulter pour savoir comment agir. 2 - C es maximes sont des pré-jugés ce qui a déjà été jugé, pensé, par des maîtres, qui du point de vue morale, fournissent des modèles de bonnes idées/actions consultables dans l'urgence de l'action. III- Le préjugé présente une valeur non absolue, mais relative. A - Le préjugé a une valeur relative. 1-Le préjugé est parfois utile, mais peut être dangereux.

Si on se fie aux autres, on n'est pas sûr qu'ils ne cautionnent pas des idées pour nous inadmissibles. 2- Le préjugé peut alors être immoral.

On juge quelqu'un selon des critères inappropriés. B- Le préjugé s'oppose à l'idée d'autonomie. 1- Selon Kant, l'on est autonome si on pense par soi-même et donc si l'on examine raisonnablement les préjugés. 2- Dans Qu'est-ce que les Lumières ? , il montre que le siècle des Lumières met en exergue la valeur relative des préjugés et l'importance de faire usage de sa propre raison. C - Le préjugé n'est pas toujours raisonnable. 1-Telle est finalement l'idée de Kant, qui montre l'importance de l'acte de juger (opposé à celui de préjuger). 2-On peut prendre, comme Kant, l'exemple de la superstition comme préjugé à examiner de manière critique. Conclusion La question de savoir si l'on peut affirmer la valeur d'un préjugé amène à se demander si tout ce que nous n'examinons, ne pensons pas par nous-mêmes, si donc toutes les idées dont nous héritons sont bonnes à être rejetées comme inutiles, irrationnelles ou immorales.

Il faut être nuancé quant à la réponse à cette question.

V érité et action sont liées par le concept de raison.

C ertains préjugés- traditionnels- sont utiles, d'autres sont immoraux.

Finalement c'est tout de même toujours à nous d'en juger.... »

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