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N'y a-t-il de bonheur de que dans l'instant ?

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« Si le bonheur n'existe que dans l'instant, est-il indépendant de notre volonté ? Si l'on ne peut être heureux que dans l'instant, comment en faire une quête ? S'il ne peut être prolongé, comment peut-il exister des principes pour être heureux ? Épicure (Lettre à Ménécée) donne des règles pour accéder au bonheur, pour faire du bonheur un état durable.

Si le bonheur est un état d'esprit, cela implique à la fois que le bonheur n'est pas simplement dans un instant, mais que ce n'est pas non plus un état dans lequel on peut s'installer.

C'est comme une coloration des choses, une attitude plus qu'un état (peut-être une attitude qui consiste à aimer ce qui se présente).

Une telle définition permet d'intégrer l'idée de contingence et de dépasser le point de vue épicurien selon lequel certaines choses ne dépendent pas de nous dont il faudrait se séparer pour atteindre le bonheur.

Ici, au contraire, l'idée serait que le bonheur est dans l'accord avec la contingence. [Introduction] La remarque n'est pas neuve, mais elle demeure sans doute valide : il est peu d'hommes qui ne cherchent pas le bonheur.

Mais une fois reconnue cette quasi-unanimité, force est de constater que l'accord est moins facilement réalisable lorsqu'on cherche à simplement définir le bonheur.

Les philosophes ne s'accordent ni sur sa nature, ni sur ses conditions, et l'on en viendrait presque à penser que ce mot risque de ne correspondre qu'à un idéal impossible à atteindre.

À moins de considérer le terme avec la plus grande modestie, et d'admettre qu'il ne peut y avoir de bonheur que dans l'instant.

Mais une telle conception n'est-elle pas la négation même du bonheur ? [I.

Bonheur et chance] L'étymologie enseigne que le bonheur est du côté de la chance, du hasard, de ce qui peut nous échoir sans que l'on comprenne immédiatement pourquoi.

Mais cette acception est immédiatement contredite par l'espoir habituel de s'arranger pour que ce bonheur dure le plus longtemps possible. S'il est attribué par chance, le bonheur risque bien d'être fugace, de ne durer qu'un « instant ».

Encore convient-il de ne pas prendre ce dernier terme au sens strict, et de concevoir que l'instant peut quand même être doté d'une petite durée, qui le rend d'autant plus appréciable.

Il n'en reste pas moins que, en m'arrivant indépendamment de ma volonté, le bonheur risque bien de repartir de même, au bout d'un temps qui me paraîtra sans doute toujours trop bref. Ainsi, seraient du bonheur les moments où je suis comblé par ce qui m'entoure.

On voit alors que le bonheur, même s'il est fugace, doit être en correspondance avec une attente de ma part.

avec une orientation de mon esprit. Faute de quoi il faudrait admettre que le bonheur est imprévu, non seulement dans son surgissement, mais également dans son « contenu » - ce qui semble plus difficile : comment pourrais-je être heureux de quelque chose dont je n'ai aucune expérience antérieure, ou même aucune notion ? Lorsque je déguste un nouveau plat, cela peut constituer, selon notre analyse, un moment de bonheur, mais c'est parce que je savais que j'allais pouvoir manger quelque chose de nouveau, dont on m'avait peut-être prévenu que c'était délicieux ou dont il était sous-entendu, par la situation dans laquelle je me trouvais, que ce pourrait être une expérience agréable.

Si, en revanche, je suis incapable de prévoir si peu que ce soit ce qui va se produire (imaginons que j'ai un bandeau sur les yeux et que j'ignore ce qui se passe autour de moi), il est fort peu vraisemblable que je ressente un petit bonheur en avalant la bouchée que l'on m'a placée sans un mot dans la bouche. Il semble donc exister des conditions qui, bien qu'extérieures à ce qui peut me rendre momentanément heureux, déterminent ma réceptivité au bonheur.

Et l'on doit affirmer qu'il ne peut y avoir de bonheur sans conscience du bonheur présent - ce pourquoi ce n'est que métaphoriquement que l'on peut considérer qu'un animal, ou même un enfant, est heureux.

Mais cette conscience est peut-être d'abord conscience du présent, avec tout ce qui l'a constitué : situation actuelle niais aussi souvenirs ou projets le déterminant.

C'est d'ailleurs pourquoi l'« instant » du bonheur ne peut être trop bref : pour que j'en aie conscience, et pour que je puisse le savourer. [II.

Bonheur et durée] La tendance spontanée de l'individu est de prolonger ce qui lui plaît.

Il y aurait donc dans le bonheur limité à l'instant quelque chose d'insatisfaisant, puisqu'en profiter, ce serait aussi savoir que le plaisir ne durera pas. Si l'on conçoit le bonheur comme un moment d'exaltation, on devine que celle-ci doit nécessairement décroître assez rapidement : nous ne pouvons supporter, ni physiquement ni mentalement, une forte dépense trop longtemps. Le bonheur serait alors ce qui vient interrompre la vie ordinaire, selon une périodicité variable.

Cela ne lui retirerait pas son intérêt : lorsqu'il est là, j'en profite pleinement, et lorsqu'il n'est pas là, je peux attendre, sinon prévoir, son retour (on sait que chez les épicuriens, le souvenir d'un moment heureux permet de rendre supportable une situation présente pénible).

Ces ponctuations de bonheur rendraient la vie plus riche, plus satisfaisante.

Et c'est précisément pour les multiplier que l'on peut alors être tenté de mieux maîtriser le bonheur, d'en faire autre chose que le résultat d'une chance. C'est bien ce qu'ont tenté la plupart des sagesses de l'Antiquité, qui affirment une relation entre le bonheur et la vertu.

En pratiquant la vertu, ce qui relève de notre volonté, nous devons atteindre un bonheur qui, même s'il n'est pas permanent, sera plus durable.

Cela suppose que l'on sépare cette fois le bonheur du simple plaisir, décidément trop éphémère, et que l'on admette que la vie heureuse est celle qui vise le Souverain Bien.

Ainsi Aristote peut-il affirmer que le bonheur réside dans l'activité, et la vertu dans l'aptitude qui est propre à chaque être : il en déduit que, puisque la vertu de l'homme est de penser (d'user de sa raison), une vie heureuse consiste pour l'homme à être délivré des besoins primaires et à pouvoir se tourner vers l'activité intellectuelle.. »

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