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Nos tendances primitives (nos instincts) sont-elles égoïstes ?

Extrait du document

« Observation.

— La question n'a de sens qu'a condition de bien préciser le sens du terme égoïstes. Position de la question.

On sait que LA ROCHE FOUCAULD a soutenu que « l'amour-propre », c'est-à-dire l'amour de soi, l'égoïsme, est le secret ressort de toutes nos actions et que « les vertus se perdent dans l'intérêt comme les fleuves dans la mer ».

Mais il y a là une équivoque qu'une analyse psychologique plus approfondie doit éclaircir. I.

Apparence de justification. A première vue, il semble que le point de vue de LA ROCHEFOUCAULD puisse, en partie, se justifier.

Toutes nos tendances partent en effet de nous-même; elles expriment notre moi et LA ROCHEFOUCAULD a raison, en un sens, quand il écrit : « Nous ne pouvons rien aimer que par rapport à nous.

» Même nos tendances les plus désintéressées nous procurent, lorsqu'elles sont satisfaites, quelque plaisir ou quelque joie. II.

Réfutation. A.

— C'est ici, précisément, que gît l'équivoque.

La question est de savoir si c'est ce plaisir ou cette joie qui ont été recherchés, pris pour but, — auquel cas la tendance pourrait être taxée d'égoïsme, — ou bien s'ils ne sont que des « condiments de l'acte ».

Or il est bien des exemples (ainsi, celui, cité par DURKHEIM, de la mère qui se réjouit d'avoir pu sauver son enfant) où il est bien évident que c'est cette seconde solution qui s'impose.

« Normalement, dit DURKHEIM, ce que nous aimons, ce que nous recherchons, ce sont les choses mêmes vers lesquelles nous tendons.

» Selon la conception de M.

PRADINES, la tendance est essentiellement tendance vers un objet situé hors de nous.

On peut soutenir qu'il y a là « un égoïsme élargi ».

Mais alors « c'est la notion même d'égoïsme qui perd son sens en perdant ses limites...

L'on n'en sortirait plus des subtilités si l'on voulait maintenir contre l'expérience populaire la notion d'un égoïsme capable de s'attacher hors de soi sans se détruire » B.

— Il est nécessaire de définir de façon plus précise l'égoïsme.

Il n'y a égoïsme proprement, dit que lorsque le sujet se prend lui-même pour but de façon consciente et volontaire.

Autrement, il n'y a que la tendance naturelle de l'être « à persévérer dans son être », selon la formule de SPINOZA, et non proprement égoïsme. Celui-ci suppose donc la prise de conscience du moi par lui-même.

Or cette condition n'est réalisée, ni chez l'enfant, encore tout englué dans son égocentrisme, lequel est tout autre chose que l'égoïsme puisqu'il est confusion du moi avec le non-moi et avec autrui — ni chez le primitif, dont « la personne est diffuse dans le groupe » (M.

LEENHARDT) et chez qui le personnage tient lieu de personnalité individuelle. C.

— L'égoïsme n'est donc pas quelque chose de primitif.

Bien au contraire, on peut dire qu'il se développe sous l'influence d'un certain milieu social très évolué, qui favorise la prévoyance, le calcul, la mentalité utilitaire. Conclusion.

Doit-on en conclure, avec M.

PRADINES, que « toutes nos tendances sont spontanément altruistes » parce que « toutes sans exception portent l'être vivant en dehors de lui-même »? Ce serait une autre exagération.

Car l'altruisme proprement dit implique, comme l'égoïsme, prise de conscience des buts de notre conduite et volonté délibérée : c'est le dévouement et, le cas échéant, le sacrifice consentis à la personne de nos semblables.

Au niveau de spontanéité où elle se situe, la tendance n'est encore ni égoïste ni altruiste au sens propre des termes.. »

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