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Naît-on moral ?

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« Lorsque quelqu'un agit avec générosité et qu'on le loue pour cela, il n'est pas rare de l'entendre dire: "A ma place, vous auriez fait la même chose".

Lorsque, à l'inverse, quelqu'un fait quelque chose de choquant, la remarque est : « C'est contre nature.

» Presque spontanément, nous associons morale et nature.

Mais a-t-on raison de le faire ? Si l'on est généreux par nature, c'est que l'on n'a aucun mérite à cela.

Pourquoi dès lors louer le généreux ? « Il est né généreux », devrait-on dire.

« C'est sa nature.

C'était son destin d'être généreux.

» Félicite-t-on quelqu'un d'avoir les cheveux blonds ? De même, il faudrait être logique et ne pas se récrier face à un acte contre nature.

Si la morale est naturelle, l'immoralité l'est aussi.

Quelqu'un est-il avare ? C'est sa nature, devrait-on dire.

D'ailleurs, les avares ne s'en privent pas.

Ni les voleurs.

Quand on leur reproche de faire ce qu'ils font, ils invoquent la nature pour dire qu'ils agissent ainsi parce qu'ils sont ce qu'ils sont.

On le voit donc, traiter la morale en termes de nature est plus qu'ambigu, puisque cela revient à donner trop peu aux uns en leur enlevant tout mérite et trop aux autres en les déchargeant de toute responsabilité. Au cours du 18e siècle, cette question de la nature de la morale a conduit Kant à critiquer Rousseau. L'homme est bon par nature, c'est la société qui le corrompt (Rousseau) Cette idée maîtresse recouvre bien des ambiguïtés.

On peut l'interpréter comme une condamnation radicale de toute société qui dépravant l'homme le rendrait malheureux.

Et ce sera la postérité romantique de Rousseau qui exaltera l'individu incompris.

Le Werther de Goethe appartient à cette lignée.

Mais pour Rousseau, il ne faut pas l'entendre dans un sens aussi radical.

La Société n'est pas corruptrice par essence, mais seulement un certain type de société.

A vrai dire, toutes celles qui reposent sur l'affirmation de l'inégalité naturelle des hommes, oppriment l'immense majorité au profit d'une minorité de privilégiés de la naissance et de la fortune.

Si en effet, on examine attentivement les inégalités entre les hommes, seules celles de leurs possessions matériel-les qui, par des mécanismes comme l'héritage, sont provoquées par le type d'organisation de la société, sont indéniables.

Mais c'est un sophisme, ou à tout le moins un jugement précipité de conclure que de telles inégalités ont pour origine des différences de nature.

Si l'on dépouille par la pensée l'homme de tout ce qui chez lui relève du social, et donc du hasard, c'est bien l'égalité qui nous frappera : l'habileté de l'un peut compenser la force de l'autre. Rousseau reprend ici l'affirmation de l'égalité naturelle proclamée par les penseurs de l'école du droit naturel.

L'homme de la nature, c'est donc la nature de l'homme. • L'homme diffère essentiellement des autres êtres naturels et en particulier de l'animal par sa perfectibilité.

Ce qu'il est naturellement en puissance ne peut s'actualiser que dans la vie en commun.

Ce n'est que parce qu'il vit en société que l'homme peut devenir moral, substituer dans sa conduite la justice à l'instinct.

Il est donc le produit de l'homme, aussi bien par son éducation que par le système de législation.

Et le problème fondamental sera dès lors de trouver une forme de société dans laquelle l'homme puisse préserver sa liberté naturelle et assurer sa sécurité. Si l'on ne saurait dire que l'homme est méchant par nature, ainsi que l'a fait Hobbes, tant cela conduit à fournir une excuse facile à la violence, on ne saurait non plus dire que l'homme est bon par nature, comme l'a fait Rousseau, tant cela enlève du mérite à sa bonté.

Aujourd'hui, cette critique de Kant demeure pertinente.

Il est dangereux de parler de la nature mauvaise de l'homme et de vouloir, par exemple, rechercher l'origine biologique du mal.

Quand un nazi nous explique qu'il est un nazi en vertu de sa constitution génétique, nous voyons là, à juste titre, une excuse facile.

Méfions-nous donc d'expliquer le mal par la génétique, comme le faisaient les nazis pour le racisme.

De même, il est dangereux de dire que les hommes n'ont aucun mérite à être généreux.

Ceux qui défendent cette thèse le font dans un souci égalitaire, afin de ne pas créer de classes dans la société.

Mais s'ils défendent l'égalité, n'est-ce pas qu'ils ont choisi de le faire ? C'est donc Kant qui a raison face à Hobbes comme face à Rousseau.

L'homme n'est ni bon ni méchant par nature.

Car la morale n'est pas une question de nature.

On ne naît pas moral en vertu d'un destin ou d'un programme génétique.

On le devient en vertu d'un engagement.

Plus qu'une nature donnée au départ, la morale est une vocation qui appelle les hommes afin qu'ils aient un avenir.

En ce sens, nous parlons de nature en ce qui concerne la morale afin de mieux parler de ce qui constitue la vocation de l'humanité.

L'homme a pour nature non pas de rester dans la nature, mais de quitter celle-ci afin d'avoir un avenir et une vocation.

En ce sens, la morale est sa nature parce qu'elle doit le devenir.

Et ce, parce qu'il lui faut naître deux fois pour être véritablement homme.

D'abord comme être biologique.

Ensuite comme être doué de conscience et d'esprit.

C'est pour cela que Socrate s'est fait « l'accoucheur des âmes ».

Pour faire naître les hommes une deuxième fois, dans la profondeur de leur propre conscience. La nature est apparue comme concept philosophique afin de se délivrer de la religion et de sa tutelle.

Ce qui n'est pas simple.

Quand la religion disparaît, comment faire comprendre que la morale ne s'invente pas ? Si l'homme s'invente la morale, chacun fait ce qu'il veut.

On tombe dans l'arbitraire.

La morale est morale parce qu'elle n'est pas arbitraire.

Elle ne s'invente pas.

Elle s'impose.

Mais comment s'imposer sans violence ? On y parvient quand il est question du sens.

Le sens précède l'homme.

Il invente celui-ci.

C'est ainsi qu'il s'impose en lui sans le contraindre. Rousseau s'est donné la nature afin de penser le sens de l'homme.

Ce qui est ambigu.

Si l'homme a du sens, tout ce qu'il fait n'est pas sensé.

Le sens permet de penser cette dualité.

Pas la nature.

D'où l'intérêt du sens.

L'homme a de l'avenir. C'est là sa nature.

Elle est devant lui.

Non derrière.

Il est sensé que l'homme donne du sens à ce qu'il est.

Il est alors authentiquement ce qu'il est.

Il fait ce pour quoi il est fait.

Avoir de l'avenir.. »

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