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Montesquieu

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Comme dans les démocraties le peuple paraît à peu près faire ce qu'il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernements, et on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple. Il est vrai que dans les démocraties le peuple paraît faire ce qu'il veut ; mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l'on veut. Dans un Etat, c'est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être point contraint de faire ce que l'on ne doit pas vouloir. Il faut se mettre dans l'esprit ce que c'est que l'indépendance, et ce que c'est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent ; et si un citoyen pouvait faire ce qu'elles défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir. Montesquieu

« "Comme dans les démocraties le peuple paraît à peu près faire ce qu'il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernements, et on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple. Il est vrai que dans les démocraties le peuple paraît faire ce qu'il veut ; mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l'on veut.

Dans un État, c'està-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être point contraint de faire ce que l'on ne doit pas vouloir. Il faut se mettre dans l'esprit ce que c'est que l'indépendance, et ce que c'est que la liberté.

La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent ; et si un citoyen pouvait faire ce qu'elles défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir." MONTESQUIEU QUELQUES DIRECTIONS DE RECHERCHE • C omment est définie ici « la liberté » ? • De quelle liberté s'agit-il ? • Différence entre « indépendance » et « liberté » ? • Différence entre « faire ce qu'on veut » et « faire ce que l'on doit vouloir »? • P ourquoi « Dans un État...

la liberté ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être point contraint de faire ce que l'on ne doit pas vouloir.

»? • Quel est l'enjeu de ce texte, son intérêt philosophique? L'idée principale est que la liberté politique doit être soigneusement distinguée de l'indépendance qui consiste à faire ce que l'on veut.

La liberté politique consiste dans un certain rapport aux lois. Montesquieu commence par dénoncer une confusion fréquente à propos de la démocratie: on pense que son principe est la liberté de faire ce que l'on veut.

Or, démocratie signifie "pouvoir du peuple" et non "liberté du peuple". Pour éviter cette confusion, Montesquieu propose alors une définition précise de la liberté politique dans un Etat de lois justes.

Le citoyen est libre lorsqu'il peut faire ce qu'il doit et n'est pas contraint de faire ce qu'il ne doit pas. L'auteur peut, grâce à cette définition, préciser la distinction entre indépendance et liberté, et rappeler que la liberté est indissociable de l'obéissance aux lois qui la garantissent. "on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple": Montesquieu dénonce ici une fausse idée à propos de la démocratie.

Etymologiquement, ce mot veut dire "le pouvoir du peuple", ce qui signifie que le peuple, directement ou par le biais de représentants, est consulté régulièrement et prend part aux décisions politiques et au travail législatif.

autrement dit, le peuple n'est pas soumis à l'arbitraire d'un tyran. En quoi ce pouvoir est-il distinct de la liberté ? En ce qu'il ne signifie pas que le peuple n'est soumis à aucune autorité et que chaque individu fait ce qu'il veut. Dans une dictature, le peuple n'est absolument pas libre car il est soumis à la volonté du tyran; dans une démocratie le peuple est politiquement libre car il est soumis à l'autorité de lois qu'il a lui-même votées, mais qui n'en demeurent pas moins obligatoires. "la liberté ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être point contraint de faire ce que l'on ne doit pas vouloir": Dans la société, nos actions ne sont pas purement indifférentes, elles se répartissent en fonction du juste et de l'injuste, du légal et de l'illégal.

C 'est pourquoi nous ne pouvons pas dire simplement que nous faisons tout ce que nous voulons, mais il y a des choses que nous devons vouloir (le bien, le juste) et d'autres que nous devons refuse (le mal, l'injuste).

Nous ne nous réglons pas sur notre bon plaisir mais sur notre conscience, éclairée par notre raison et tout ce que la société nous a apporté en termes d'éducation civique et morale. Pourquoi Montesquieu affirme-t-il que le citoyen n'aurait plus de liberté s'il pouvait faire ce que les lois défendent ? On aperçoit mieux le sens de l'affirmation de Montesquieu si l'on remplace le singulier par le pluriel: si les citoyens peuvent faire ce que les lois défendent, alors nul n'est plus en sécurité, chacun devient le tyran de l'autre ou sa victime.

Si les lois n'ont plus d'autorité, alors les citoyens ne disposent plus de la sécurité nécessaire pour pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et soumis aux plus forts ils risquent d'être souvent contraints de faire ce qu'ils ne doivent pas vouloir. Remarque Le texte est centré sur la définition du concept de liberté politique, par opposition à un ensemble d'opinions non réfléchies et donc fausses ou superficielles. Montesquieu cherche à éviter un certain nombre de confusions entre expressions ou termes voisins : faire ce que l'on veut/faire ce que l'on doit, pouvoir du peuple/liberté du peuple, indépendance/liberté.

C e travail de clarification conduit l'auteur à considérer la liberté et la démocratie (au moins en apparence) comme deux notions séparées. 1 - Les idées principales a) Faire ce que l'on veut/faire ce que l'on doit Montesquieu oppose ces deux expressions en indiquant que c'est la seconde qui définit l'Etat libre, alors que la première décrit ce qui paraît caractériser le fonctionnement de la démocratie.

C omment comprendre cette distinction ? Il est clair que pour l'auteur, « faire ce que l'on veut » signifie se comporter selon son caprice ou son désir, c'est-à-dire sans règles fixes, préalablement établies.

A u contraire, la liberté politique consiste non pas à suivre sa fantaisie, mais à se conformer aux lois.

C es dernières commandent à nos agissements.

L'Etat libre sera celui où il est possible de vivre selon la loi : « pouvoir faire ce que l'on doit vouloir ».

Ici, une double condition : faire son devoir, et être assuré de n'en être point empêché (par le désordre, l'arbitraire, etc..) On retrouve ce point de vue chez Rousseau, pour qui seule l'obéissance à la loi est liberté, mais aussi chez un révolutionnaire comme Saint-Just qui oppose la liberté, obéissance aux lois, à la licence, soumission à ses désirs. b) Indépendance et liberté C ette distinction éclaire l'opposition entre indépendance et liberté.

La première est un comportement qui ne renferme aucune obligation, et aucune limite : elle définit un état où l'individu ne suit que ses propres inclinations.

La liberté, au contraire, comporte des limites et des exigences : elle oblige à obéir aux lois, faute de quoi elle débouche sur le chaos et le désordre.

Montesquieu perçoit ce qui va devenir la pierre angulaire de la philosophie politique qui lui succédera : l'importance de la., loi comme principe organisateur de la liberté.

Il entrevoit aussi l'idée d'une liberté qui doit se définir à l'intérieur de limites contraignantes si elle veut acquérir une valeur générale.

En revanche, le vocabulaire de Montesquieu ne sépare pas l'aspect moral et l'aspect politique : faire ce que l'on doit peut aussi faire référence à la loi morale. c) Démocratie et liberté Dans le texte, Montesquieu fait remarquer que la démocratie, telle qu'elle paraît se caractériser, est un régime qui n'est pas soumis à des lois, mais à la volonté du peuple.

Il faut comprendre le mot de volonté comme le verbe vouloir précédemment : il s'agit ici de la satisfaction des passions.

La démocratie ainsi conçue n'est pas un état libre, mais comme on confond volonté du peuple et exercice de la liberté, on se trompe, selon Montesquieu, sur la nature de ce régime.

L'auteur opère ici une distinction capitale entre pouvoir du plus grand nombre et droit.

En effet, le désir du plus grand nombre n'est qu'une tyrannie comme une autre (si ce n'est qu'elle est majoritaire) s'il ne s'exprime pas au travers de lois.

Montesquieu perçoit ici ce que pourrait être une tyrannie de la majorité si d'aventure elle s'exerçait sans l'ordre que la loi permet d'instaurer.

Il a sans doute en mémoire certaines formes de tyrannie de la Grèce A ntique qui s'appuyait, sans autre médiation, sur les sentiments souvent primaires et versatiles de la foule.. »

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