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Montaigne: L'ignorance s'oppose-t-elle à la vérité ?

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Il s'engendre beaucoup d'abus au monde ou, pour le dire plus hardiment, tous les abus du monde s'engendrent de ce qu'on nous apprend à craindre de faire profession de notre ignorance, et que nous sommes tenus d'accepter tout ce que nous ne pouvons réfuter. Nous parlons de toutes choses par précepte et résolution. Le style à Rome portait que cela même qu'un témoin déposait pour l'avoir vu de ses yeux, et ce qu'un juge ordonnait de sa plus certaine science, était conçu en cette façon de parler : Il me semble ». On me fait haïr les choses vraisemblables quand on me les plante pour infaillibles. J'aime ces mots, qui amollissent et modèrent la témérité de nos propositions : A l'aventure, Aucunement, Quelque, On dit, Je pense, et semblables. Et si j'eusse eu à dresser des enfants, je leur eusse tant mis en la bouche cette façon de répondre enquêteuse, non résolutive : « Qu'est-ce à dire ? Je ne l'entends pas. Il pourrait être. Est-il vrai ? » qu'ils eussent plutôt gardé la forme d'apprentis à soixante ans que de représenter les docteurs à dix ans, comme ils font. Qui veut guérir de l'ignorance, il faut la confesser. Iris est fille de Thaumantis. L'admiration [ndt, L'étonnement] est fondement de toute philosophie, l'inquisition [ndt, la recherche] le bout. Voire dea [ndt, Mais en vérité], il y a quelque ignorance forte et généreuse qui ne doit rien en honneur et en courage à la science, ignorance pour laquelle concevoir il n'y a pas moins de science que pour concevoir la science.

Le texte est tiré des Essais, livre III, chapitre 11, qui est intitulé Des boiteux. Dès le début du chapitre, Montaigne soutient une thèse sceptique, qui consiste à dire que la raison humaine est impuissante à atteindre les causes ultimes des choses. Le texte qui nous occupe a pour fonction de conforter cette thèse sceptique tout en précisant le sens exact que Montaigne entend lui donner. Le problème examiné est celui de savoir d’où viennent les abus, à savoir les mauvais usages que nous faisons des choses : l’ignorance en est-elle cause ? La thèse de Montaigne est que ce n’est pas l’ignorance mais le faux savoir, c'est-à-dire le recouvrement de l’ignorance sous la prétention au savoir, qui nous fait errer dans nos comportements.

Le texte peut être divisé en trois parties. La première qui finit à «il me semble » énonce la thèse du texte, selon laquelle c’est la prétention de savoir, et non l’ignorance, qui amène à mal user des choses. Puis dans la seconde partie, qui termine à « comme ils font », Montaigne expose quelle forme de remède peut être apporté à cet état de fait, notamment par un certain usage du langage et une éducation appropriée. Enfin dans la troisième partie, Montaigne distingue deux types d’ignorance, l’une qui s’ignore elle-même, et l’autre qui se sachant est une docte ignorance (une ignorance savante).

 

« Comme l'a montré Platon, il faut faire un effort, une sorte de pari, pour penser la vérité, pour concevoir l'idée d'une vérité qui serait autre chose qu'une simple opinion parmi d'autres.

Une telle idée semble naître de deux sources. D'abord, nous sommes toujours contraints de comparer nos idées à celles des autres, si bien qu'on en vient naturellement à se demander s'il n'existerait pas une mesure extérieure aux diverses considérations exprimées, une mesure fiable et connaissable, capable de départager entre ce qui vaut et ce qui ne vaut pas.

Ensuite, nulle opinion ne se présente sans s'accompagner d'une adhésion, d'une croyance en celle-ci, et nous ne pouvons éviter de chercher si cette croyance peut trouver hors d'elle-même des appuis ou des confirmations.

À moins de considérer que toute adhésion est justifiée d'emblée, en tant que vérité personnelle. Le réel n'est pas le fondement unique de toute connaissance, ainsi la seule présence des choses ne peut suffire pour définir la connaissance.

Ne produisons-nous pas nous-mêmes nos idées ? On peut donc se poser la question critique, celle du critère, grâce auquel on reconnaît la connaissance véritable.

Faut-il privilégier son caractère universel et abstrait, ou singulier et concret ? Serait-ce son utilité ou son efficacité pratiques ? Ou est-ce plutôt sa valeur ? Ou encore le rapport harmonieux qui peut s'instaurer entre nos facultés subjectives ? Diverses vérités ou formes de vérité, relativement arbitraires, guident notre existence ; ne sommes-nous pas obligés d'avouer leur fragilité, et de ce fait notre ignorance ? D'autant plus que chaque forme de savoir est limitée par sa nature même : elle ne sait que ce qu'elle peut savoir. ontaigne : Il s'engendre beaucoup d'abus au monde ou, pour le dire plus hardiment, tous les abus du monde s'engendrent de ce qu'on nous apprend à craindre de faire profession de notre ignorance, et que nous sommes tenus d'accepter tout ce que nous ne pouvons réfuter.

Nous parlons de toutes choses par précepte et résolution. Le style à Rome portait que cela même qu'un témoin déposait pour l'avoir vu de ses yeux, et ce qu'un juge ordonnait de sa plus certaine science, était conçu en cette façon de parler : Il me semble ».

On me fait haïr les choses vraisemblables quand on me les plante pour infaillibles.

J'aime ces mots, qui amollissent et modèrent la témérité de nos propositions : A l'aventure, Aucunement, Quelque, On dit, Je pense, et semblables.

Et si j'eusse eu à dresser des enfants, je leur eusse tant mis en la bouche cette façon de répondre enquêteuse, non résolutive : « Qu'est-ce à dire ? Je ne l'entends pas.

Il pourrait être.

Est-il vrai ? » qu'ils eussent plutôt gardé la forme d'apprentis à soixante ans que de représenter les docteurs à dix ans, comme ils font.

Qui veut guérir de l'ignorance, il faut la confesser.

Iris est fille de Thaumantis.

L'admiration [ndt, L'étonnement] est fondement de toute philosophie, l'inquisition [ndt, la recherche] le bout.

Voire dea [ndt, Mais en vérité], il y a quelque ignorance forte et généreuse qui ne doit rien en honneur et en courage à la science, ignorance pour laquelle concevoir il n'y a pas moins de science que pour concevoir la science. Avez-vous compris l'essentiel ? 1 Ignorer, est-ce se tromper ? 2 Faut-il se satisfaire de l'ignorance ? 3 Quand on sait, l'ignorance a-t-elle disparu ? Réponses: 1 - Non, et même au contraire, car l'ignorance nous met en garde contre les dangers de la certitude. 2 - Non.

Si on se contente de les déclarer, ignorance et certitude sont toutes les deux insuffisantes, bien que l'ignorance soit plus près de la vérité. 3 - Non.

Savoir, c'est s'étonner et chercher, donc savoir seulement un peu mieux pourquoi et comment on ignore. Introduction Le texte est tiré des Essais, livre III, chapitre 11, qui est intitulé Des boiteux.

Dès le début du chapitre, Montaigne soutient une thèse sceptique, qui consiste à dire que la raison humaine est impuissante à atteindre les causes ultimes des choses.

Le texte qui nous occupe a pour fonction de conforter cette thèse sceptique tout en précisant le sens exact que Montaigne entend lui donner.

Le problème examiné est celui de savoir d'où viennent les abus, à savoir les mauvais usages que nous faisons des choses : l'ignorance en est-elle cause ? La thèse de Montaigne est que ce n'est pas l'ignorance mais le faux savoir, c'est-à-dire le recouvrement de l'ignorance sous la prétention au savoir, qui nous fait errer dans nos comportements. Le texte peut être divisé en trois parties.

La première qui finit à «il me semble » énonce la thèse du texte, selon laquelle c'est la prétention de savoir, et non l'ignorance, qui amène à mal user des choses.

Puis dans la. »

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