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Merleau-Ponty: Contingence et nihilisme

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« La contingence de l'événement humain n'est pas comme un défaut dans la logique de l'histoire, elle en est la condition. Sans elle, il n'y a plus qu'un fantôme d'histoire. Si l'on sait où l'histoire va inéluctablement, les événements un à un n'ont plus d'importance ni de sens, l'avenir mûrit quoi qu'il arrive, rien n'est vraiment en question dans le présent, puisque, quel qu'il soit, il va vers le même avenir. Quiconque, au contraire, pense qu'il y a dans le présent des préférables implique que l'avenir est contingent. L'histoire n'a pas de sens si son sens est compris comme celui d'une rivière qui coule sous l'action de causes toutes-puissantes vers un océan où elle disparaît. Tout recours à l'histoire universelle coupe le sens de l'événement, rend insignifiante l'histoire effective et est un masque du nihilisme. » M. MERLEAU-PONTY

QUESTIONNEMENT INDICATIF    • Que signifie « contingence »? A quoi s'oppose le concept de « contingence »?  — N'est-il pas pour le moins paradoxal d'affirmer que la contingence est « la condition » de « la logique de l'histoire »?  • Pourquoi, sans la contingence, n'y aurait-il plus, selon Merleau-Ponty, qu' « un fantôme d'histoire ».  • « L'histoire effective » inclut quoi selon Merleau-Ponty ?  • Qu'est-ce qui est désigné par l'expression « l'histoire universelle»?  • En quoi le recours à « l'histoire universelle » serait-il « un masque du nihilisme »?  Que signifie « nihilisme » ici ? (confronter ce terme à « Si l'on sait où l'histoire va inéluctablement, les événements un à un n'ont plus d'importance ni de sens »).  • Quel est l'enjeu de ce texte ?  • En quoi la problématique de Merleau-Ponty est-elle originale ? Sur quoi est-elle fondée ?

« Texte : « La contingence de l'événement humain n'est pas comme un défaut dans la logique de l'histoire, elle en est la condition.

Sans elle, il n'y a plus qu'un fantôme d'histoire.

Si l'on sait où l'histoire va inéluctablement, les événements un à un n'ont plus d'importance ni de sens, l'avenir mûrit quoi qu'il arrive, rien n'est vraiment en question dans le présent, puisque, quel qu'il soit, il va vers le même avenir.

Quiconque, au contraire, pense qu'il y a dans le présent des préférables implique que l'avenir est contingent.

L'histoire n'a pas de sens si son sens est compris comme celui d'une rivière qui coule sous l'action de causes toutes-puissantes vers un océan où elle disparaît.

Tout recours à l'histoire universelle coupe le sens de l'événement, rend insignifiante l'histoire effective et est un nihilisme ». Introduction : Dans ce texte de Merleau-Ponty, ce dernier s'oppose à une conception téléologique de l'histoire, c'est-àdire au déterminisme historique ou à l'idée d'une nécessité voire d'un fatum de l'histoire qui ferait que l'histoire n'aurait plus de sens en tant que cette conception exclurait le choix de l'homme, ce qui aurait pour conséquence d'annihiler sa liberté et sa responsabilité.

C'est pourquoi, pour l'histoire ait toujours un sens, il faut rompre avec cette illusion rétrograde, c'est-à-dire à une reconstruction a posteriori de l'histoire qui nous permettrait alors de concevoir une fin de l'histoire à laquelle tous les évènements doivent se conformer.

Dès lors il y aurait un but a priori de l'histoire : une fin vers laquelle nous tendrions inexorablement ce qui en fin de compte nous conduirait à un nihilisme et à une remise en cause de l'histoire même en tant que science historique.

C'est donc contre ce type de téléologie herméneutique que Merleau-Ponty prend position et défend une contingence du futur donc in fine une liberté de l'homme.

Ainsi le texte s'articule logiquement autour de deux moments : l'illusion de la nécessité en histoire (du début du texte à « rien n'est vraiment en question dans le présent, puisque, quel qu'il soit, il va vers le même avenir ») et la nécessité de la contingence en histoire (de « Quiconque, au contraire, pense qu'il y a dans le présent des préférables implique que l'avenir est contingent » à la fin de l'extrait).

C'est suivant ces deux moments que nous entendons rendre compte du texte. I – La nécessité en histoire a) La contingence s'oppose à la nécessité.

Elle est ce qui peut ne peut pas être ou être autrement.

Autrement dit, un événement est dit contingent s'il aurait pu ne pas advenir ou être différent de la manière dont il se présente à nous.

Elle offre alors la capacité d'un choix.

La nécessité quant à elle est ce qui ne peut pas ne pas être ou être autrement.

Elle n'offre aucune possibilité d'être autrement.

L'évènement dans l'histoire aurait dû arriver quoi qu'il se passe.

C'est en ce sens que l'on a pu penser que l'histoire était écrite à l'avance.

Ainsi il était nécessaire que César passa le Rubicon.

La nécessité est absolue et un homme qui aurait la connaissance de l'univers à un instant t, selon la fameuse fiction du démon de Laplace, pourrait connaître l'histoire dans sa totalité.

C'est pourquoi on a pu dire que l'histoire n'était qu'un grand livre que l'on devait découvrir.

L'histoire, suivant cette nécessité, serait à interpréter ; et l'historien devrait pratiquer l'herméneutique. b) Or comme le remarque comme le remarque Merleau-Ponty, on pourrait penser que l'histoire du point de vue contingent est un défaut dans la mesure où l'histoire a posteriori nous apparaît comme ayant dû arriver comme s'il n'y avait aucun hasard.

C'est une manière de relire l'histoire à l'envers.

C'est pourquoi il arrive que l'on pense que l'histoire était nécessaire alors que cette idée n'est qu'une illusion rétrospective, c'est-à-dire un mouvement rétrograde du jugement vrai.

Plus simplement, on part de l'arrivée dans l'histoire et l'on remonte événement après événement.

On comprend alors que ce déterminisme de l'histoire ne doit sa possibilité d'existence qu'à une pétition de principe.

On part du fait final pour montrer que cela ne pouvait pas se passer autrement.

C'est pour cela que l'on pense que la « logique de l'histoire » voudrait que tous les évènements soient nécessaires depuis l'existence de l'univers, qu'il n'y ait véritablement aucune place pour le choix, le hasard, c'est-à-dire la contingence, que tout était déjà écrit.

Mais dès lors il n'y aurait plus de liberté. c) Or sans la contingence il ne peut pas y avoir de véritable histoire car tout serait nécessaire et établi d'avance. L'histoire ne peut exister que si la liberté est possible c'est-à-dire si les futurs sont contingents.

Sans elle, on est alors face à ce qu'on appelle le destin ou la fatalité.

Il ne servirait à rien d'agir puisque tout doit advenir suivant un plan déterminé.

Bien plus, l'historie est aplanie et n'a plus de reliefs.

Dire que l'histoire est nécessaire c'est supposer un plan de l'historie, c'est-à-dire avoir un point de vue téléologique, c'est-à-dire envisager un but final de l'histoire : une fin qui serait le prisme et la grille de lecture à travers laquelle il faudrait analyser toute l'histoire.

Dès lors, un événement n'a pas plus de sens qu'un autre et n'est qu'une marche de plus vers cette fin.

C'est pourquoi on peut parler d'herméneutique de l'histoire puisqu'il faut interpréter tout événement à l'aune de cette fin de l'histoire.

Le présent permet alors irrémédiablement de sa valeur, il n'est pas le vivant même du temps et de l'histoire, il n'a plus une importance primordiale ; il perd de sa vigueur en se diluant dans la téléologie.

Le présent n'a pas d'importance parce quoi qu'il arrive, le futur est assuré d'aboutir à cette fin de l'histoire.

Il n'y a donc pas plus de sens à faire une chose plutôt qu'une autre puisque de toute façon le futur est déjà écrit et il adviendra.

L'homme en perdant sa liberté face à l'histoire perd alors aussi sa responsabilité ainsi que le sens et la valeur des choses.

Toute chose est égale. Transition : Ainsi penser l'histoire comme nécessaire est commettre un contresens profond sur le sens de l'histoire et la liberté. »

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