Merleau-Ponty
Extrait du document
«
" Le français, ce n'est pas le mot de soleil, plus le mot d'ombre, plus le mot de terre, plus un
nombre indéfini d'autres mots et de formes, chacun doué de son sens propre – c'est la
configuration que dessinent tous ces mots et toutes ces formes selon leurs règles d'emploi
langagier et qui apparaîtrait d'une manière éclatante si nous ne savions pas encore ce qu'ils
veulent dire, et si nous nous bornions, comme l'enfant, à repérer leur va-et-vient, leur récurrence,
la manière dont ils se fréquentent, s'appellent ou se repoussent, et constituent ensemble une
mélodie d'un style défini...
Comme le champ visuel, le champ linguistique d'un individu se termine dans le vague.
C'est que
parler n'est pas avoir à sa disposition un certain nombre de signes, mais posséder la langue comme
principe de distinction, quel que soit le nombre de signes qu'il nous permet de spécifier.
Il y a des
langues où l'on ne peut pas dire : « s'asseoir au soleil », parce qu'elles disposent de mots
particuliers pour désigner le rayonnement de la lumière solaire et réservent le mot « Soleil » pour
l'astre lui-même.
C'est dire que la valeur linguistique de ce mot n'est définie que par la présence ou
l'absence d'autres mots à côté de lui.
" Merleau-Ponty
Conception de l'introduction à l'étude ordonnée d'un texte (rappel méthodologique et remarques
préparatoires portant sur le texte)
L'étude ordonnée d'un texte, telle qu'elle est conçue, a pour fonction d'articuler une explication de
texte et la réflexion sur un problème philosophique clairement défini.
L'« intérêt philosophique »
d'un texte n'est pas autre chose que sa portée singulière dans l'approfondissement d'un problème.
Cela signifie qu'il doit être possible de « mettre en perspective » l'approche explicative à partir d'un tel problème (qu'il s'agira bien sûr
de définir), ou, si l'on veut, d'apprécier l'apport du texte concernant ce problème à partir de son étude ordonnée.
La conception même de l'introduction aura donc pour objet de « mettre en valeur » le texte, soit en le situant par rapport à une
question qui permet de sensibiliser à un problème philosophique, soit, par exemple, en soulignant les difficultés, ou les contradictions,
d'une représentation commune peu rigoureuse.
Le texte proposé s'attache à définir les caractères généraux d'une langue, en tant que configuration de signes n'ayant de valeur que
différentielle, et de la parole, en tant que mobilisation dynamique de ce principe de distinction que constitue la langue.
L'intérêt d'une
telle approche n'est pas simplement linguistique, mais aussi philosophique.
En quel sens ? Si le propre de la linguistique est de rendre
compte de la constitution et du fonctionnement des langues, celui de la philosophie est de préciser l'enjeu et les implications d'une telle
connaissance par rapport aux exigences critiques d'une réflexion maîtrisée, appréhendée dans ses applications existentielles les plus
courantes.
Dans cette perspective, le fait de prendre conscience que l'usage courant de la langue, sa constitution même, dépendent
d'un conditionnement culturel particulier semble de la plus haute importance.
C'est par rapport à ce caractère culturellement déterminé
de la langue courante et des représentations qu'elle véhicule que doit être située l'exigence proprement philosophique.
Ce qui est en
cause, c'est la possibilité même d'un dépassement critique de ces représentations, ou au contraire la soumission passive aux données
particulières d'une culture ; celles-ci, en effet, sont étroitement solidaires d'une langue dans laquelle elles se donnent comme «
naturelles », instituant dans l'habitude des mots et des tournures de phrase toute une vision du monde que chaque individu intériorise
au cours de l'éducation.
Rédaction : un exemple d'introduction rédigée à partir des éléments de réflexion qui viennent d'être proposés
L'utilisation courante de la langue pour les besoins habituels de la vie sociale et de la communication quotidienne donne lieu à des
études très diverses.
Les linguistes se soucient de la constitution propre d'une langue, et de son fonctionnement ; les poètes
s'attachent au pouvoir évocateur des mots, à la richesse qu'ils possèdent sur le plan du sens.
Les philosophes font valoir les exigences
d'une pensée critique, et sont conduits à réfléchir sur les représentations implicites que véhicule une langue : ils conçoivent très souvent
ces exigences à travers un effort de réappropriation du langage courant, qu'il s'agit de mettre à l'épreuve des critères d'une réflexion
maîtrisée, affranchie des préjugés.
Comprendre la façon dont une langue véhicule avec elle toute une représentation du monde devient
alors un objectif critique fondamental, sur lequel s'articule la recherche d'une pensée libre.
L'étude d'un texte de Merleau-Ponty nous
permettra de préciser le sens d'une telle démarche, et de comprendre notamment la différence entre les caractères de la représentation
tels qu'ils sont déterminés par une certaine culture et les exigences de la réflexion telles qu'elles peuvent être définies par l'approche
philosophique de la langue.
MERLEAU-PONTY (Maurice).
Né à Rochefort-sur-mer en 1908, mort à Paris en 1961.
Il fut professeur à l'Université de Lyon, à la Sorbonne, et, à partir de 1952, au Collège de France.
Disciple de Husserl, il fonda avec Sartre
Les temps modernes.
Il s'est surtout occupé de philosophie psychologique, et s'est intéressé à l'existentialisme dans ses rapports avec le
marxisme.
Oeuvres principales : La structure du comportement (1941), Phénoménologie de la perception (1945), Humanisme et terreur (1947), Sens et
non-sens (1948), Eloge de la philosophie (1953), Les sciences de l'homme et la phénoménologie (1953), Les aventures de la dialectique
(1955), Signes (1961)..
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