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Merleau-Ponty

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Si le marxisme, après avoir pris le pouvoir en Russie et s'être fait accepter par un tiers du peuple français, semble incapable aujourd'hui d'expliquer dans son détail l'histoire que nous vivons, si les facteurs de l'histoire qu'il avait dégagés sont aujourd'hui mêlés dans le tissu des événements à des facteurs nationaux et psychologiques qu'il considérait comme secondaires, et recouverts par eux, n'est-ce pas la preuve que rien n'est essentiel en histoire, que tout compte également, qu'aucune mise en perspective n'a de privilège, et n'est -ce pas au scepticisme que nous sommes conduits ? La politique ne doit -elle pas renoncer à se fonder sur une philosophie de l'histoire, et, prenant le monde comme il est, quels que soient nos voeux, définir ses fins et ses moyens d'après ce que les faits autorisent ? Mais on ne se passe pas de mise en perspective ; nous sommes, que nous le voulions ou non, condamnés aux voeux, aux jugements de valeur, et même à la philosophie de l'histoire. Merleau-Ponty

« Si le marxisme, après avoir pris le pouvoir en Russie et s'être fait accepter par un tiers du peuple français, semble incapable aujourd'hui d'expliquer dans son détail l'histoire que nous vivons, si les facteurs de l'histoire qu'il avait dégagés sont aujourd'hui mêlés dans le tissu des événements à des facteurs nationaux et psychologiques qu'il considérait comme secondaires, et recouverts par eux, n'est-ce pas la preuve que rien n'est essentiel en histoire, que tout compte également, qu'aucune mise en perspective n'a de privilège, et n'est-ce pas au scepticisme que nous sommes conduits ? La politique ne doit-elle pas renoncer à se fonder sur une philosophie de l'histoire, et, prenant le monde comme il est, quels que soient nos voeux, définir ses fins et ses moyens d'après ce que les faits autorisent ? Mais on ne se passe pas de mise en perspective ; nous sommes, que nous le voulions ou non, condamnés aux voeux, aux jugements de valeur, et même à la philosophie de l'histoire. Analyse du sujet: Même si l'explication marxiste rigide de l'histoire semble incapable de rendre compte totalement de la situation présente, nous ne devons pas nous abandonner au scepticisme: une philosophie de l'histoire reste indispensable.

Insistez sur le lien qu'établit l'auteur entre la politique et la vision à long terme d'une philosophie de l'histoire. Ce texte de Merleau-Ponty fait s'entrelacer plusieurs notions, dont la principale est d'évidence « L'histoire », puisque, selon l'auteur, nous sommes condamnés à la philosophie de l'histoire, un peu comme, selon Sartre, nous sommes condamnés à être libres.

L'expression philosophie de l'histoire nous permet par ailleurs d'avoir recours à la notion « Théorie et expérience » en mobilisant toute une série de repères : Idéal/réel ; En fait/en droit ; En théorie/en pratique, qui nous permettront de cerner au plus près cette tentation du scepticisme dont nous devons, selon Merleau-Ponty, nous déprendre, si nous ne voulons pas renoncer à «La politique », autre notion qui peut nous apporter quelque secours.

Plus profondément, cette nécessaire mise en perspective de toute action humaine que Merleau-Ponty appelle de ses voeux n'est autre que l'affirmation de la nécessité d'une vision d'ensemble permettant de déceler dans le présent les racines du futur, ce qui ne peut être rendu possible que par une sorte de surplomb interprétatif : à rebours de la célèbre formule marxiste, pour comprendre le monde, et éventuellement le transformer, il faut donc d'abord se livrer à « L'interprétation », nouvelle notion à mettre en oeuvre, et donc, que nous le voulions ou non, en proposer une grille de lecture. Une philosophie de l'histoire est-elle nécessaire ? Telle est l'interrogation de Merleau-Ponty dans cet extrait.

Pour répondre à cette question, l'auteur prend l'exemple du marxisme et de sa place prépondérante dans le monde au 20 ième siècle.

Le marxisme, l'histoire nous l'apprend, a dominé et séduit une grande partie du monde.

Or, cette philosophie de l'histoire de Marx n'a pu rendre compte avec précision de la réalité sociale et historique du monde : non seulement elle n’a pu être capable d’expliquer totalement l’histoire que nous vivons, mais on peut remarquer que trente ans après l’écriture de ce texte, le marxisme s’est effondré et a perdu sa place d'idéologie dominante.

Pour comprendre la portée de cette critique de Merleau-Ponty à l'encontre du marxisme, il est nécessaire de rappeler les principales analyses marxistes de l'histoire.

Le marxisme s’attache à décrire que la société capitalistes conduit à des contradictions telles qu’elle est condamnée à disparaître.

La société capitaliste ne serait pas viable car la baisse tendancielle du taux de profit devrait, d'après les marxistes, la ferait disparaître.

Les marxistes pensent également que la révolution prolétarienne (le fameux grand soir !) peut conduire à une disparition du capital et plus loin encore à une disparition de l’État.

Or, l’histoire du 20ème siècle n'a pas donné raison à ces thèses puisque c’est globalement le capitalisme qui semble avoir eu raison du marxisme.

Les analyses de Marx sont fondées sur ce qu’on appelle le matérialisme historique selon lequel « le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus d’ensemble de la vie sociale, politique et spirituelle ». Le matérialisme dialectique chez MARX Le concept de matérialisme dialectique apparaît tardivement (1886) sous la plume de F.

Engels.

Auparavant, le concept de dialectique matérialiste désignait la méthode mise en oeuvre par Marx et Engels, étant entendu qu'il s'agissait de la dialectique de Hegel « remise sur ses pieds ».

Par là, Marx reconnaissait sa dette envers Hegel tout en soulignant le renversement opéré à travers la primauté qu'il accordait au matériel par rapport à l'idéel.

Par ailleurs, selon Marx et Engels, la dialectique n°oeuvre pas seulement dans la pensée, mais dans le réel, dans les mondes organique ou animal et dans l'histoire (d'où d'ailleurs la notion de matérialisme historique forgée ultérieurement par les marxistes). Le premier emprunt à Hegel est celui de contradictions dont Marx et Engels montrent qu'elles traversent toute la vie, la nature et l'histoire, car elles expliquent le mouvement.

Or, le réel est en mouvement permanent, du plus petit (l'atome) au plus grand (l'univers).

La matière n'est pas une substance inerte [Dialectique de la nature].

Bien au contraire, le principe constitutif de la matière est le mouvement.

L'immobilité, la stabilité ou l'équilibre ne sont conçus que comme un moment particulier et momentané du mouvement. « Le mouvement est contradiction ; par exemple, le simple changement mécanique de lieu lui-même ne peut s'accomplir que parce qu'à un seul et même moment, un corps est à la fois dans un lieu et dans un autre lieu, en un seul et même lieu et non en lui.

Et c'est dans la façon que cette contradiction a de se poser continuellement. »

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