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MALEBRANCHE: Les hommes ne sont pas nés pour devenir astronomes, ou chimistes

Extrait du document

Les hommes ne sont pas nés pour devenir astronomes, ou chimistes pour passer toute leur vie pendus à une lunette, ou attachés à un fourneau ; et pour tirer ensuite des conséquences assez inutiles de leurs observations laborieuses. Je veux qu'un astronome ait découvert le premier des terres, des mers, et des montagnes dans la lune ; qu'il se soit aperçu le premier des taches qui tournent sur le soleil, et qu'il en ait exactement calculé les mouvements. Je veux qu'un chimiste ait enfin trouvé le secret de fixer le mercure [...] : en sont-ils pour cela devenus plus sages et plus heureux ? Ils se sont peut-être fait quelque réputation dans le monde ; mais s'ils y ont pris garde, cette réputation n'a fait qu'étendre leur servitude. Les hommes peuvent regarder l'astronomie, la chimie, et presque toutes les autres sciences comme des divertissements d'un honnête homme ; mais ils ne doivent pas se laisser surprendre par leur éclat, ni les préférer à la science de l'homme. MALEBRANCHE

« « Les hommes ne sont pas nés pour devenir astronomes, ou chimistes pour passer toute leur vie pendus à une lunette, ou attachés à un fourneau ; et pour tirer ensuite des conséquences assez inutiles de leurs observations laborieuses.

Je veux qu'un astronome ait découvert le premier des terres, des mers, et des montagnes dans la lune ; qu'il se soit aperçu le premier des taches qui tournent sur le soleil, et qu'il en ait exactement calculé les mouvements.

Je veux qu'un chimiste ait enfin trouvé le secret de fixer le mercure [...] : en sont-ils pour cela devenus plus sages et plus heureux ? Ils se sont peut-être fait quelque réputation dans le monde ; mais s'ils y ont pris garde, cette réputation n'a fait qu'étendre leur servitude. Les hommes peuvent regarder l'astronomie, la chimie, et presque toutes les autres sciences comme des divertissements d'un honnête homme ; mais ils ne doivent pas se laisser surprendre par leur éclat, ni les préférer à la science de l'homme.

» MALEBRANCHE. La thèse du texte est la suivante et on la trouve à la toute fin de cet extrait : La finalité de l'existence humaine n'est pas de s'adonner à la vaine pratique des sciences, et donc de gaspiller un temps fini et une énergie précieuse à accumuler des connaissances infécondes.

Le prestige même qu'il pourrait en retirer ne serait pour lui qu'une nouvelle occasion de se détourner de sa véritable tâche sur terre : à savoir, bien conduire sa vie, c'est-à-dire découvrir la science de l'homme c'est-à-dire l'authentique morale qui seule peut nous rendre sages et heureux.

Malebranche opère une classification des sciences et donne une primauté à la morale sur les autres disciplines (physique, biologie, etc.). En effet, seule la morale peut nous aider à bien vivre ici-bas et à mériter le bonheur post-mortem.

On sera très sensible aux accents pascaliens de ce passage de Malebranche.

En effet, le terme de "divertissement" à le même sens pour les deux penseurs français. Question 1 Dans une première partie (jusqu'à « observations laborieuses »), Malebranche formule sa thèse : les hommes ne sont pas faits pour se consacrer aux sciences.

Il se réfère implicitement à l'idée de nature humaine, comme en témoigne l'expression « ne sont pas nés pour » la nature (nascior, naître en latin) d'un être correspond précisément à ce pour quoi il est fait (la nature de l'oeil est de voir, du cheval de galoper...).

Ce ne serait donc pas forcer le texte outre mesure que d'affirmer que, pour Malebranche, les sciences sont contre nature, d'où leur caractère « inutile » et « laborieux ». Dans une deuxième partie (jusqu'à « et plus heureux »), Malebranche prouve sa thèse.

Il s'agit d'un raisonnement par l'absurde (on part de la thèse adverse pour la réfuter) que l'on peut recomposer ainsi : si l'homme avait comme vocation naturelle de faire des sciences, alors cette pratique l'accomplirait, il serait grâce à elle heureux et sage.

Or c'est un fait que la pratique des sciences ne rend ni plus sage, ni plus heureux.

Donc les hommes ne sont pas nés pour les sciences. Dans une troisième courte partie (jusqu'à « servitude »), il répond par anticipation à une objection possible : c'est un fait tout aussi établi que la compétence scientifique permet de jouir d'un certain pouvoir auprès des hommes.

On attend beaucoup de ceux qui ont la réputation d'en savoir plus que les autres.

Cette notoriété attachée au savoir ne pourrait-elle pas contribuer au bonheur ? Malebranche répond par la négative : une telle réputation est au contraire, si on y « prend garde » (c'est-à-dire si on y réfléchit bien) un obstacle à une vie libre et accomplie.

La pratique des sciences, loin de rendre heureux, fait au contraire encourir le risque d'un malheur : la soumission aux sollicitations flatteuses de ceux qui nous honorent. Pour finir, dans le dernier paragraphe, Malebranche dégage en guise de conclusion la conséquence pratique de la critique qu'il vient de développer : les recherches scientifiques ne doivent être considérées que comme de simples « divertissements ». Question 2 Nous avons déjà dit que Malebranche affirmait dans ce passage que la dépendance pouvait être la rançon de la gloire scientifique ou, plus communément, le simple revers d'une compétence théorique particulière.

Précisons à présent ce que pourraient être les dangers encourus.

On peut en envisager deux.

Le premier serait de se laisser corrompre par les plaisirs faciles que ne manquent pas d'offrir la gloire, quelle qu'en soit l'origine.

La passion du savoir s'amollirait alors et laisserait peu à peu place à la vanité.

Le souci d'entretenir son image l'emporterait sur la poursuite du travail sérieux. Le divertissement scientifique basculerait donc en mondanités futiles et s'achèverait en imposture.

Le second danger serait celui d'une servitude plus noble, sociale ou morale : celui qui sait a en effet le devoir d'éclairer les ignorants.

La recherche scientifique peut sans doute s'allier, sans se renier, à une pratique d'enseignement.

Mais on demande souvent beaucoup plus aux hommes instruits.

Il n'est pas rare de voir certains professeurs ou scientifiques appelés à des responsabilités politiques.

L'amour du savoir, qui réclame l'indépendance d'esprit, ne peut que pâtir d'une telle charge et la vivre comme une servitude.. »

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