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MALEBRANCHE: deux fois deux font quatre

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Je vois, par exemple, que deux fois deux font quatre, et qu'il faut préférer son ami à son chien ; et je suis certain qu'il n'y a point d'homme au monde qui ne le puisse voir aussi bien que moi. Or je ne vois point ces vérités dans l'esprit des autres, comme les autres ne les voient point dans le mien. Il est donc nécessaire qu'il y ait une Raison universelle qui m'éclaire, et tout ce qu'il y a d'intelligences. Car si la raison que je consulte, n'était pas la même qui répond aux Chinois, il est évident que je ne pourrais pas être aussi assuré que je le suis, que les Chinois voient les mêmes vérités que je vois. Ainsi la raison que nous consultons quand nous rentrons dans nous-mêmes, est une raison universelle. Je dis : quand nous rentrons dans nous-mêmes, car je ne parle pas ici de la raison que suit un homme passionné. Lorsqu'un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur. Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas raisonnables, parce qu'elles ne sont pas conformes à la souveraine raison, ou à la raison universelle que tous les hommes consultent. MALEBRANCHE

« "Je vois, par exemple, que deux fois deux font quatre, et qu'il faut préférer son ami à son chien ; et je suis certain qu'il n'y a point d'homme au monde qui ne le puisse voir aussi bien que moi.

Or je ne vois point ces vérités dans l'esprit des autres, comme les autres ne les voient point dans le mien.

Il est donc nécessaire qu'il y ait une Raison universelle qui m'éclaire, et tout ce qu'il y a d'intelligences.

Car si la raison que je consulte, n'était pas la même qui répond aux Chinois, il est évident que je ne pourrais pas être aussi assuré que je le suis, que les Chinois voient les mêmes vérités que je vois.

Ainsi la raison que nous consultons quand nous rentrons dans nous-mêmes, est une raison universelle.

Je dis : quand nous rentrons dans nous-mêmes, car je ne parle pas ici de la raison que suit un homme passionné. Lorsqu'un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur.

Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas raisonnables, parce qu'elles ne sont pas conformes à la souveraine raison, ou à la raison universelle que tous les hommes consultent." MALEBRANCHE. 1) Dégagez l'idée principale du texte et les différentes étapes de l'argumentation 2) Expliquez la différence que l'auteur établit entre « avoir ses raisons » et être raisonnable ». 3) De quels genres de "vérités" parle ici Malebranche ? 4) Les idées développées par l'auteur impliquent-elles la notion de "nature humaine" ? Dites pourquoi. Réponses rédigées 1.

La connaissance du vrai et du bien, éprouvée comme certitude intérieure, atteste l'existence en tout homme d'une raison universelle. Le texte s'organise en quatre moments principaux, dont le point commun est de solliciter le témoignage du lecteur pour lui faire admettre, à partir d'exemples bien choisis et d'une interprétation inductive de ces exemples, l'existence d'une raison universelle, définie comme faculté de distinguer le vrai et le bien. * Premier moment du texte Énoncé de deux types de propositions, reconnues comme vraies, dans l'ordre de la connaissance (exemple mathématique) et dans l'ordre des valeurs morales (un homme vaut mieux qu'un animal). * Deuxième moment du texte Analyse de la modalité d'existence de ces vérités en chaque homme, et de ce qu'elle implique. * Troisième moment du texte Interprétation de ce qui précède : raisonnement inductif conduisant à l'hypothèse de l'existence d'une raison universelle, seule capable d'expliquer une certitude accessible à tout homme « qui rentre en lui-même ». * Quatrième moment du texte Exemple servant à illustrer la distinction entre la raison universelle et la pseudo-raison d'un homme passionné.

Cet exemple, à fonction critique, permet de récuser l'invocation de certains faits pour démentir l'existence d'une raison universelle (qu'un insensé puisse préférer la vie de son cheval à celle de son cocher ne peut contredire à celle-ci). 2.

Tout d'abord, il faut remarquer l'opposition des deux verbes : avoir, et être.

La possession se distingue nettement de la disposition interne de l'être, par quoi justement un être se définit essentiellement.

On peut, occasionnellement, ou plus durablement, avoir ses raisons, mais lorsqu'on est raisonnable, on manifeste ainsi une propriété de l'être luimême.

La disposition à l'action raisonnable peu certes rester virtuelle, ou ne se manifester que de temps à autre ; elle n'en figure pas moins dans l'être.

En revanche, les raisons que l'on se donne, et que l'on a, d'agir de telle ou telle façon, restent en quelque sorte extérieures à l'être lui-même.

En fait, le mot raison n'a plus du tout le même sens lorsqu'il est au pluriel, et qu'il recouvre, de façon plus ou moins nette, les motifs, voire les mobiles personnels, qu'a un individu d'agir ou de penser comme il le fait.

L'adjectif possessif « ses » est ici un élément de relativisation, au regard duquel on soulignera l'exigence d'objectivité qui est évoquée dans l'expression « agir conformément à la raison ».

Avoir ses raisons, c'est donc avoir ses motifs personnels, qui peuvent coïncider, ou non, avec des raisons « objectives » (relevant de la raison), mais ne sont pas a priori acceptables comme tels.

Être raisonnable, c'est penser et/ou agir conformément aux exigences de la raison, celle-ci étant dotée d'un minimum d'existence objective en tant que faculté de distinguer le vrai et le faux, ou idéal de rationalité dans la conduite de la pensée et de l'action.

Dire que l'on a « ses raisons » est donc très équivoque ; on peut toujours s'illusionner sur ses propres motifs, et leur conférer une valeur d'objectivité qu'ils n'ont pas effectivement.

Le sentiment d'« avoir raison », tout simplement, se substitue à la conscience des raisons que l'on peut avoir, et l'intolérance n'est pas loin si l'on confond les deux.

On peut aussi avoir de « bonnes raisons », ou de « mauvaises raisons », de faire ceci ou cela.

Les premières seront appréciées par rapport à une exigence de vérité et d'authenticité, auxquelles les secondes ne satisfont pas. 3.

Malebranche évoque ici deux genres de vérités.

Celles qui concernent la connaissance, entendue comme découverte. »

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