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Ma situation contingente dans l’espace et dans le temps ?

Extrait du document

« Définition des termes du sujet: ESPACE (n.

m.) 1.

— (Sens vulg.) Milieu où nous situons tous les corps et tous les mouvements, souvent SYN.

de étendue au sens 1.

Les particularités d'une représentation déterminée de la spatialité sont souvent rapportées à celles des objets qu'on y rencontre (espace pictural), du sens qui la saisit (espace visuel, tactile) ou de l'activité qui s'y déploie (espace vital).

2.

— Philosophiquement, l'espace correspond plus à un problème qu'à un concept déterminé ; toute définition vise à ressaisir unitairement l'expérience concrète de la spatialité et la conceptualisation qu'en donne la physique ; pour ARISTOTE, l'espace ou le lieu est une enveloppe immobile ; DESCARTES confond l'espace physique et l'étendue géométrique ; LEIBNIZ conçoit l'espace comme un ordre idéal de coexistence (par opposition à cette conception qui rend l'espace relatif aux corps que l'on y rencontre, les newtoniens parlent d'espace absolu).

KANT fait de l'espace une forme a priori de la sensibilité.

3.

— Espace géométrique : expression employée pour désigner le concept d'espace utilisé par la géométrie et la phys.

class., et qui se caractérise par cinq propriétés : continuité, infinitude, tridimensionalité, homogénéité (identité de tous les points), isotropie (identité de toutes les droites passant par un même point).

4.

— Espace abstrait (math.) : structure abstraite qu'on peut définir par ses dimensions (un point est déterminé par n nombres), sa métrique (définition de la distance entre deux points) et des propriétés de celles-ci. Bien souvent, par exemple pour constituer un dossier d'examen, vous avez rempli des fiches, où, à la suite de votre nom, on vous demandait d'inscrire : né à ....

le....

Pourquoi êtes-vous né à cette date plutôt qu'à une autre et pourquoi en tel lieu ? C'est ainsi, vous n'y pouvez rien.

Vous êtes tributaire du hic & du nunc, de l'ici & du maintenant.

Ces caractéristiques définissent votre situation dans le monde en ce qu'elle a de contingent et vous limitent incurablement.

Vous pouvez comme une vieille baronne défraîchie « triché » sur votre âge ; mais la date sur votre passeport témoigne irrévocablement contre vous...

Vous n'avez pas le don d'ubiquité, vous ne pouvez pas « transcender », dépasser les conditions de votre incarnation temporelle : impossible pour vous de vivre au Moyen Age ou d'aller faire un tour en l'an 3000.

Comme le dit encore Lamartine : « Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges, Jeter l'ancre un seul jour ? ».

Par ces vers le poète nous donne, par la métaphore de fleuve, les trois caractères du temps : il est un flux ininterrompu, irréversible et régulier. De plus, cet espace et ce temps dont je suis prisonnier sont pour moi incompréhensibles.

Mon imagination ne peut s'empêcher de les supposer infinis, ce que mon entendement ne peut comprendre.

Nous pouvons toujours supposer un « après » et un « plus loin » et « l'imagination, comme dit Pascal, se lasserait plutôt de concevoir que la nature de fournir », ce dont l'auteur des « Pensées » concevait de « l'effroi ». C'est un Pascal janséniste, et non plus savant, qui écrit cette phrase.

Génie scientifique d'une précocité surprenante et grand représentant de l'essor extraordinaire des sciences, Pascal se détourne de ses recherches mathématiques et physiques pour se consacrer à un christianisme intransigeant et austère, qui refuse tout compromis avec le monde : il devient janséniste.

Cette phrase se situe dans la partie consacrée à « La misère de l'homme sans Dieu » (206). « Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie » sonne comme un cri de détresse et d'angoisse.

Ce qui cause ce frisson n'est d'autre que la disproportion entre le sujet et l'éternité, l'infinité du monde.

Devant un silence éternel, devant des espaces infinis, comment ne pas sentir sa vanité ? Non seulement l'univers n'a rien à m dire, mais il me terrasse et il me plonge dans la désolation.

Il se dégage de cette phrase un sentiment d'abandon, de déréliction.

L'homme y est seul ; c'est toujours un moi singulier qui est effrayé : seul mais confronté à la richesse de l'infini et de l'éternel.

La frayeur ici résulte de ce que ce monde glacé ne parle plus à l'individu qui s'y trouve englouti. Cette angoisse, cet abandon définit la condition de l'homme sans Dieu.

Pascal veut montrer que le monde, la nature, ne sont plus pour nous un refuge, ne nous entretiennent plus de Dieu ni de la communauté humaine, mais nous renvoient à une solitude accablante, à une perte d'orientation et de sens : « Car enfin qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout [...] Que fera-t-il sinon d'apercevoir quelque apparence au milieu des choses, dans un désespoir éternel de connaître ni leur principe ni leur fin ? » Ce qu'entreprend Pascal dans les « Pensées », c'est de montrer la gloire du christianisme et les insuffisances de la raison à comprendre l'homme et le monde.

Pascal est l'homme qui désespère de la raison, et qui, comprenant au mieux les découvertes et les méthodes scientifiques de son temps, s'en détourne en pensant qu'elles nous sont inutiles pour comprendre ce qui nous concerne au plus près : ce que nous sommes et quelle est notre place dans le monde. En parlant des « espaces infinis », Pascal prend d'abord acte des progrès de la science de son temps. Avec les découvertes de Galilée, on commence à comprendre l'univers comme infini : l'espace qui nous entoure n'a pas de frontières, et le monde entier est compris comme un espace indifférent offert aux lois de la physique, au calcul mathématique. Mais Pascal est aussi contemporain du microscope, c'est-à-dire de la découverte de l'infiniment petit.

La lunette astronomique avait ouvert la voie de l'infiniment grand de l'espace, de l'univers ; le microscope nous ouvre la voie, tout aussi merveilleuse, de l'infiniment petit.

L'homme se voit confronté à un double infini, dont il tient le milieu, il est inscrit dans un monde dont « le centre est partout et la circonférence nulle part ». Un chrétien comme Pascal comprend immédiatement que cet univers est vide de Dieu.

L'univers des scientifiques du XVII ième est un univers où ne règnent que de la matière et les lois de la physique.

Un univers muet qui ne parle plus à l'homme, à son coeur.

Il ne nous entretient plus de Dieu, il n'est plus un univers merveilleux dont la perfection nous incite à la louange du Créateur.

C'est l'univers glacé des lois scientifiques.

Un univers effrayant, parce que l'homme et ses inquiétudes n'y ont plus de place et n'y trouvent plus de réponses. Telle est la leçon janséniste.

Dieu n'est plus visible dans la nature, le Dieu auquel on doit croire est « un Dieu caché ». La conséquence que Pascal tire donc des sciences de son temps, c'est la « disproportion de l'homme ».

il y a disproportion entre l'homme et l'univers, entre le fini de l'humaine condition et l'infini de l'univers ; il y a disproportion entre l'homme et lui-même, dans la mesure où nous sommes incapables de nous comprendre nous-mêmes sans Dieu et le secours des Ecritures. Pascal montre donc à l'homme qu'au regard de l'infinité de l'espace, il n'est que dans un « petit cachot », dans un morceau ridicule d'espace, mais aussi que, fouillant la plus petite parcelle de matière, il retrouvera « une infinité d'univers ». « Qui se considérera de la sorte s'effrayera de soi-même, et, se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée, entre ces deux abîmes de l'infini et du néant, il tremblera dans la vue de ces merveilles, et je crois que sa curiosité se changeant en admiration, il sera plus disposé à les contempler en silence, qu'à les rechercher avec présomption.

» Nous touchons là au second sens de l'effroi devant l'infinité et le silence de l'univers.

Il faut vaincre la présomption scientifique.

Il faut réapprendre à l'homme à trembler, il faut lui faire comprendre que par la raison il ne comprendra jamais ni l'univers, ni lui-même. L'univers est vide de Dieu, et il est offert à la recherche scientifique.

Il faut montrer au savant que ses recherches sont dérisoires, que le seul vrai souci est le souci de Dieu.

Et c'est en montrant qu'il y a une disproportion extrême entre l'infini qui nous submerge et notre condition faible et mortelle, qu'on pourra affirmer : « Nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espaces imaginables, nous n'enfantons que des atomes au prix de la réalité des choses [...] ne cherchons point d'assurance et de fermeté.

Notre raison est toujours déçue par l'inconstance des apparences ; rien ne peut fixer le fini entre les deux infinis qui l'enferment et le fuient.

» Ce qu'il y a d'effrayant dans le monde tel que le conçoit le XVII ième savant, est qu'il est un univers froid, dont Dieu s'est retiré, et où l'infini nous engloutit, où la nature ne nous parle plus.

Mais ce qu'il y a de plus effrayant encore, c'est que les savants entreprennent de comprendre cet univers grâce à la raison naturelle, en se détournant ainsi de la quête de Dieu.

L'univers est visible, mais froid et silencieux, Dieu est caché.

Les savants s'arrêtent à l'univers au lieu de rechercher Dieu.

C'est pourquoi il faut humilier la raison, et lui montrer les contradictions dans lesquelles elle s'empêtre.

C'est pourquoi il faut dire à l'homme de science que sa raison ne lui fournira aucune certitude, c'est pourquoi il faut souligner la disproportion entre le fini et l'infini. Par là s'expliquent les attaques contre Descartes et la fameuse formule « Descartes inutile et incertain ».

Descartes est inutile car il n'est que savant, et que la raison n'atteint que l'inessentiel en l'homme ou en la nature.

Il est incertain parce que jamais la raison ne peut nous fournir de certitude véritable, et que, pour le janséniste qu'est Pascal, l'essentiel est la connaissance non pas d'un Dieu dont on prouve l'existence, mais de J.C.

auquel on croit : « Je ne puis pardonner à Descartes ; il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, se pouvoir passer de Dieu ; mais il n'a pu s'empêcher de lui faire donner une chiquenaude pour mettre le monde en mouvement ; après cela, il n'a plus que faire de Dieu.

» Le monde des savants est celui où Dieu n'a plus d'autre fonction que de créer la matière et de lui imprimer du mouvement ; après cela, Dieu disparaît. Ce n'est pas la compréhension de l'univers matériel qui importe.

Pire, elle risque de faire écran à la saisie de l'essentiel : la charité, c'est-à-dire l'amour de Dieu. Pourtant s'il est vrai que l'espace et le temps sont « nos plus cruels tyrans » (Unamuno), notre situation n'est pas tout à fait la même à l'égard de l'un et de l'autre.

Il peut sembler que si notre servitude à l'égard du temps est complète, nous avons quelque liberté à l'égard de l'espace.

Lagneau disait même que « l'espace est la forme de ma puissance, le temps, la forme de mon impuissance ». [1] Contingent s'oppose à nécessaire.

Ce qui est nécessaire, c'est ce qui ne peut pas ne pas être, ce que je déduis rigoureusement par la raison.

Ce qui sont contingent, c'est ce qui est donné sans raison, sans explication.. »

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