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L'union de l'esprit et de la matière ?

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« Ce que l'analyse philosophique de la perception révèle c'est que la matière qui s'offre aux sens ne signifie réellement quelque chose pour la conscience de celui qui perçoit que lorsque la sensation s'accompagne d'une activité de l'entendement.

Dans la Phénoménologie de l'esprit (A.

« Conscience »/II.

« La perception ou la chose et l'illusion »), Hegel montre, à partir d'une célèbre analyse du « cristal de sel », comment dans un premier temps la conscience est conscience sensible ; elle se confond alors avec la matière perçue ; puis, dans un second temps, cette conscience, au départ sensible, va s'opposer à la matière sentie ; ce moment de la perception est le moment de la connaissance de la matière dans toutes ses déterminations.

C'est à ce moment que l'on comprend que toute perception, toute représentation repose sur une habile composition de sens et de pensée, l'union d'une matière et d'un esprit dont l'activité permet d'en synthétiser la diversité (cf.

chapitre sur la perception). L'activité scientifique ne nous révèle pas autre chose : si la nature est la matière première du scientifique, ce dernier sait bien que la réalité des objets du monde extérieur et de leurs relations ne se révèle jamais directement dans la perception.

La nature ne parle qu'à celui qui l'interroge et qui échafaude au préalable des hypothèses qui sont le point de départ de ses investigations.

La matière ne se dévoile qu'à l'esprit qui la questionne, et la perception sensible ne nous offre que des données qui permettent à l'esprit d'inférer, de remonter de ces données aux lois générales qui les rendent possibles et leur donnent sens.

Il n'y a donc de connaissance du monde que dans et par l'union d'une matière et d'un esprit. Enfin, l'art n'est-il pas le lieu privilégié d'une telle union ? En effet, si l'art s'identifie au pouvoir de créer, quel est ce pouvoir sinon la puissance d'un être, sa capacité à incarner un esprit dans de la matière ? Hegel, dans l'Esthétique, concevait ainsi l'oeuvre d'art comme « l'accord du sensible et du spirituel », elle est une passerelle, une transition entre la matière et l'esprit : « l'oeuvre artistique tient le milieu entre le sensible immédiat et la pensée pure ».

L'art est le lieu de la spiritualisation de la matière, celui où l'esprit s'identifie complètement avec elle, et sa tâche n'est autre que « de faire disparaître cette opposition entre la matière et l'esprit, d'embellir le corps (– Hegel parle alors de sculpture –), de rendre cette forme plus parfaite, de l'animer et de la spiritualiser ». Il serait donc vain de vouloir opposer le spirituel et le matériel, et cette opposition doit être dépassée.

Le réel n'existe et n'a de sens que pour une raison qui l'investi, l'interroge et en synthétise la diversité.

Sans une matière à partir de laquelle l'entendement exerce son activité, l'esprit ne vaut rien ; sans un esprit qui l'ordonne, l'organise ou l'informe, la matière ne vaut guère plus. Envisager la matière et l'esprit comme objets de connaissance rationnelle revient à essayer de découvrir les lois qui règlent leur fonctionnement respectif.

Mais on se heurte ici à une objection de méthode.

Sont-ce ou non les mêmes lois qui permettent de comprendre la structure et le fonctionnement de ces deux ordres de réalité ? Pour Descartes, la connaissance ne peut atteindre la clarté et la distinction en aucun domaine si elle confond les notions appartenant à ces deux ordres fondamentalement séparés.

Si on pose comme principe fondamental, après Descartes et la tradition mécaniste, que la matière a pour caractéristique essentielle d'être étendue (grandeur, figure et mouvement), et que l'esprit ou la pensée est un ordre de réalité indépendant de la matière, inétendu et immatériel, alors comment comprendre les relations de ces deux dimensions de la réalité ? Le problème est posé spécialement à l'homme, parce que sa spécificité est d'être un composé d'âme et de corps, d'esprit inétendu et de matière étendue. En fait, pour Descartes, l'union de l'âme et du corps est un fait qui n'est guère susceptible d'être éclairci : l'union en l'homme de l'esprit et du corps n'empêche pas qu'on puisse avoir une idée claire et distincte de ce qui ne peut se connaître « qu'obscurément par l'entendement seul ». L'esprit est matériel. «L'âme est formée de molécules imperceptibles.» Lucrèce, De la nature. • En distinguant un monde sensible et un monde intelligible, Platon avait séparé nettement le corps et l'âme, donc la matière et l'esprit.

Mais cette séparation pose un problème, car il faut alors penser /e lien qui existe entre les deux. Des expériences comme la prise de décision, mais aussi la douleur ou les passions attestent la réalité de ce lien. Comment peut-il y avoir un lien entre le corps et l'esprit s'il s'agit de deux réalités totalement différentes? • Lucrèce propose une solution matérialiste au problème: l'esprit et la matière sont liés parce que l'esprit est luimême matériel.

Pour Lucrèce, l'univers tout entier est composé d'atomes, qui se poussent les uns les autres ou s'accrochent selon leurs formes respectives.

La pensée même n'échappe pas à cette règle.

Elle est seulement composée de molécules particulièrement subtiles et rapides, qui agissent de manière très fine sur celles, plus grossières, du corps.

La connaissance : l'âme est matérielle, composée d'atomes, mais elle ne peut subsister seule ; elle est protégée par un corps plus solide, elle permet la sensation.

Chaque corps émet par sa surface une multitude de petites images, de simulacres faits à sa ressemblance.

Ces simulacres flottent dans l'espace où ils se déplacent : ce sont eux qui pénètrent en nous par nos sens pendant la veille, qui s'introduisent par les pores de la peau pendant que nous dormons, de là les rêves.

Ces sensations, à force de s'accumuler, permettent la connaissance, la précision ; par répétition de sensations semblables, l'homme forme des concepts, c'est-à-dire une notion générale. L'imagination consiste à former des images mentales en assemblant des éléments qui n'existent pas seuls dans la réalité : c'est là l'origine de l'erreur.

Une connaissance qui ne résulte pas d'une sensation est nécessairement fallacieuse, il en est ainsi, en particulier, de toutes les spéculations religieuses.. »

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