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L'oeuvre d'art nous éloigne-t-elle ou nous rapproche-t-elle du réel ?

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« Discussion : Quels rapports A rt et Réalité entretiennent-ils entre eux ? L'A rt fait-il rêver, voyager, ou prend-il pour tâche la reproduction du monde qui nous entoure ? Les deux mouvements coexistent peut-être. La réflexion s'établit à partir des rapports de l'Art et de la Réalité en utilisant par exemple un troisième terme, celui de V érité. Première partie : L'art comme ouverture vers un autre monde On dit que l'artiste crée, et cette création suggère qu'il a usé de son imagination pour engendrer une toute autre réalité que celle dont nous faisons l'expérience quotidiennement.

Si c'est bien ainsi que l'artiste fonctionne, alors il semble que l'art ait pour but de nous détourner de la réalité.

L'art serait alors médication de l'âme malade de ne pas pouvoir s'enrichir de ce que lui offre le quotidien.

Tout dans l'art nous révèle un monde qui n'a pas de commune mesure avec le nôtre.

Les femmes en peinture sont plus belles que dans la réalité.

Les paysages ont quelque chose de magique tant dans la peinture que dans la littérature.

Bref, l'art embellit la nature et lui confère un intérêt nouveau : la réalité ainsi manifestée peut plaire.

D'ailleurs, si l'art ne nous donnait à voir, à entendre que ce que nous connaissons déjà "nous fermerions ensemble le théâtre et le livre pour ne pas les rencontrer deux fois" dit A.

de Vigny. Deuxième partie : Illusion et danger de l'illusion Une telle échappée peut être ou positive - ayant une fonction cathartique - ou négative - au sens où l'art nous divertirait (sens pascalien) c'est-à-dire, nous détournerait de l'essentiel.

Cela signifie que nous aimons l'art pour le divertissement qu'il procure et les illusions qu'il crée.

Or, nous risquons bien de céder à ses charmes, de nous laisser prendre au jeu et d'être dupes de l'illusionniste qu'est l'artiste.

C e dernier masque la réalité, il la recouvre d'un voile de prestige qui peut bien n'être qu'illusoire.

Nous sommes alors dans un univers trompeur, où tout n'est qu'apparence, mais se donne malgré tout comme vrai.

On comprend ainsi, pourquoi Platon chasse les peintres et les poètes de la cité : l'artiste devient le mauvais génie qui nous détourne de l'essentiel, à savoir connaître la réalité, afin d'atteindre la sagesse.

Dans la République (II), Platon n'est pas loin d'exiler de la Cité idéale les poètes s'ils ne se soumettent pas à la vérité.

Il conteste donc l'autonomie de l'art et la liberté de l'artiste. Pourquoi une telle condamnation de l'art ? Parce que l'artiste possède un savoir-faire qui est un savoir-tromper. Les poètes, Homère, Hésiode, ne sont que « faiseurs de contes », en outre contes dangereux car ils véhiculent une fausse image des Dieux et des Héros.

Pour plaire ces fictions doivent avoir l'apparence du vrai.

Le savoir-faire de l'artiste est donc semblable à celui du sophiste puisqu'il permet de produire l'illusion du vrai, de présenter comme vrai ce qui ne l'est pas et n'en a que l'apparence en utilisant les séductions du sensible.

Par exemple le bon peintre est celui qui est capable de représenter dans un espace à deux dimensions un objet qui, lui, occupe un espace à trois dimensions.

L'exactitude de l'art repose sur la déformation du réel sensible.

L'art conforte les hommes dans leur erreur première : ce qui est, est ce qui apparaît. Rousseau au XVIIIe, sur ce point fort différent des philosophes des Lumières, reprendra le flambeau de cette critique. L'art n'élève pas l'âme, bien au contraire.

Apparence, il joue le jeu des apparences.

Tout d'abord parce qu'il est, dans la société bourgeoise - société de la comparaison, du faire-valoir, de l'hypocrisie, de la compétition -, indissociable d'une mise en scène sociale.

On va au théâtre pour exhiber sa toilette et autres signes extérieurs de richesse, pour se comparer, médire, recueillir les potins...

Ensuite parce qu'il nous plonge dans un monde fictif où nous pouvons à bon compte nous illusionner sur nous-mêmes.

Par exemple nous versons de chaudes larmes en assistant an spectacle des malheurs d'autrui et nous restons froids et impassibles lorsque nous avons l'occasion de lui porter secours.

Mais cependant nous avons pu croire à notre bonté naturelle. L'art n'est cependant pas réductible à un monument d'illusions, sans quoi il serait impossible de comprendre l'esthétique de la vérité. Troisième partie : Art et mimésis Si l'art n'est que simulacre, la beauté existe en elle-même, elle est une Idée et précisément une des plus belles.

Qu'est-ce qu'un beau cheval ? N'est-ce pas un cheval conforme à l'Idée du cheval ou archétype, à l'idée de ce que doit être un cheval sensible pour être pleinement un C heval.

Un cheval est plus ou moins beau et son degré de beauté est proportionnel à sa conformité au modèle idéal ou Idée.

C omme la perfection n'est pas de ce monde, comme le cheval dans le pré ne sera jamais la copie exacte et sans défaut du modèle mais toujours une imitation imparfaite, la beauté la plus grande, réelle, est celle des Idées.

Est beau ce qui existe pleinement et ce qui existe pleinement ce sont les Idées.

La beauté est la perfection ou plénitude de l'Etre.

La laideur est l'imperfection, l'incomplétude.

Par conséquent, lorsque le peintre et le sculpteur reproduisent un beau cheval ou un beau corps d'athlète, leur oeuvre, pâle esquisse de la beauté idéale, en est tout de même le reflet.

Le poète inspiré est sorti de la caverne, a contemplé l'idée du Beau et peut entraîner dans son sillon ses auditeurs. A quelle condition l'art est-il miroir de la réalité ? Miroir, reflet ou encore restitution de ce qui est : pour s'identifier à cela, l'art doit OU BIEN être plus vrai que nature, OU BIEN se montrer neutre en lui-même.

Ainsi que le dit L.

de Vinci : "l'esprit du peintre doit se faire semblable au miroir".

Un art plus vrai que nature est un art qui exagère, mais plus au sens positif du terme : c'est-à-dire qui amplifie des éléments du réel, afin de les rendre signifiants. L'exagération est donc de mise dans l'art, en tant qu'elle serait le moyen d'assurer une lisibilité du réel, à partir d'un sens que l'oeuvre met à jour.

Un art qui se montrerait neutre, serait comme une photographie, voire une radiographie du réel à un instant "T".

Cette image prise sur le vif, aurait la vertu de donner à voir, à sentir, à comprendre, ce qui d'habitude ne se donne jamais comme tel, c'est-à-dire un moment, une portion de la réalité, arrachée à l'écoulement incessant du temps et de l'activité des hommes.

On voit donc que cet instantané ne saurait être parfaitement neutre : l'artiste choisit ce moment, ou cette tranche de vie, qu'il arrache au quotidien, et de surcroît, il lui donne une nouvelle vie en lui conférant un sens qui émane de sa subjectivité.

L'art peut être miroir du réel, à condition donc de préciser qu'il ne s'agit jamais d'une pâle imitation de la réalité. Conclusion : L'art sera révélateur de la réalité, s'il n'est ni pure création -produit d'une imagination exubérante déliée de tout rapport au réel ; ni pure imitation- fade copie de ce qui existe déjà.

On peut donc poser que l'art ne nous détourne du réel que pour mieux y revenir.

Il reste à déterminer ce "mieux".

L'art, avonsnous dit, est un monde métaphysiquement tout autre, où (dit Hegel) toute la réalité y est apparente.

L'art est donc bien illusion, mais au sens où il y a du JEU dans l'art -l'écart entre le monde de l'artiste et le nôtre et l'invitation à jouer de cet écart, pour découvrir la réalité, autrement.

C'est sans doute le propre du génie, de donner au public une nouvelle vision du monde qui guidera vers une ouverture de l'esprit.

Dès lors, l'art pourrait bien être éducateur de l'homme -non pas en le divertissant simplement, ni même en lui donnant à voir, sentir, ce qu'il connaît déjà, mais en ouvrant les portes de sa conscience. L'art nous montre ainsi, "en nous et en dehors de nous des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience" dit Bergson.

A u terme de cette étude, il apparaît donc que l'art ne nous détourne momentanément d'une réalité quotidienne, que pour mieux nous amener à en prendre conscience.. »

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