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L'oeuvre d'art est-elle la preuve de la liberté de l'esprit ?

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« Kant affirme que l'oeuvre, dans sa constitution même, c'est-à-dire en raison de l'impression de finalité interne qu'elle produit, symbolise la moralité. Comprenons que sa contemplation éveille en nous l'écho du fonctionnement qui est celui de la moralité : de même que cette dernière suppose le refus des intérêts égoïstes et l'obéissance à la loi morale universelle, de même l'oeuvre d'art s'affirme comme rassemblant ses propres éléments dans une totalité nouvelle qui la fait exister.

Si l'on approuve cette idée kantienne, on peut comprendre (à la condition toutefois — ce qui est sans doute contestable dans la mesure où certaines versions de la « beauté » paraissent fondées sur le « bizarre » comme le formulait Baudelaire ou sur la surprise, sinon sur la terreur — d'admettre la validité universelle de la notion de finalité interne) que toute oeuvre, si elle symbolise la moralité, nous « parle » en effet d'une dimension propre à l'homme. Hegel objecte à Kant que la capacité symbolique ne concerne que les débuts de l'art.

Mais c'est pour proposer une définition de l'oeuvre comme « manifestation sensible d'une idée », ce qui — s'il y a idée implicite — renvoie bien une fois de plus à l'homme. C'est peut-être encore Hegel qui nous permet le mieux de comprendre que l'oeuvre parle toujours de l'homme, et surtout comment elle en parle : d'après lui, l'art est manifestation de l'esprit en tant que tel, et c'est à ce titre que l'homme y est toujours en question, y compris, peut-on ajouter, lorsqu'elle peut paraître la plus « froide » ou la plus éloignée de l'humanité : lorsque Marcel Duchamp décide qu'un porte-bouteille acquis dans une quincaillerie peut accéder, parce qu'il en décide, au statut d'oeuvre d'art, que fait-il d'autre que proposer une nouvelle conception de l'oeuvre, c'est-à-dire une preuve supplémentaire de la capacité qu'a l'esprit à ' dépasser ses propres acquis ? On se demande si toute oeuvre d'art doit nécessairement avoir un sens, ou si elle peut être absurde.

Est-il nécessaire que le sens que nous trouvons dans l'oeuvre ait été voulu ou choisi par l'auteur, qu'il résulte d'une intention de dire ? On peut s'interroger par ailleurs sur ce qui fait la matière de la communication : s'agit-il d'exprimer des idées, ou de communiquer seulement une émotion ? Le processus est-il conscient ou inconscient ? L'artiste crée-t-il pour lui-même ou parle-t-il aux autres ? On rattache souvent l'activité artistique à un don.

Mais outre qu'un tel talent naturel a quelque chose de mystérieux en lui-même, il faut s'efforcer de penser le rapport qu'il entretient avec l'éducation ou le travail esthétiques. L'habileté ou le savoir-faire technique qui accompagne la création est souvent pensé, surtout dans les arts plastiques, comme une capacité d'imitation ou de reproduction du réel.

La problématique de l'imitation conduit plus radicalement à s'interroger sur la fonction de l'art.

L'art a-t-il une fonction bien définie et laquelle ? Peut-on concevoir un art qui n'aurait aucune fonction particulière ? L'art peut-il être considéré comme l'expression d'une pure liberté, dépourvue de toute contrainte ? Quelle est la force de l'art, comment peut-il agir sur le spectateur ? Cette question conduit à revenir sur le statut du plaisir, car il apparaît que cette notion ne rend pas compte de toute la richesse de l'expérience esthétique ; en effet, que dire de ces oeuvres qui nous troublent, voire nous choquent profondément ? Doit-on exercer sur les arts la fonction critique de l'entendement ? L'exigence rationnelle de vérité a-t-elle un rôle à jouer dans l'expérience esthétique ? Lorsque nous disons qu'une oeuvre d'art doit être « reconnue comme telle, nous attribuons une fonction importante au jugement.

Or celui-ci n'est-il qu'une affaire personnelle, ou est-il un problème de société ? Jugement personnel ou jugement social, voire préjugé ? Ce qui nous conduit à ces deux questions : l'art doit-il s'efforcer d'échapper à l'époque, à la particularité, pour ne considérer que l'éternel, ou doit-il s'efforcer, au contraire, de saisir le passager, l'éphémère ? Autre question : la reconnaissance qu'une époque accorde à telle ou telle oeuvre du temps, ou du passé, n'est-elle liée qu'à sa capacité de se reconnaître elle-même dans cette oeuvre ? N'en va-t-il pas de même, du reste, pour le jugement personnel ?. »

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