l'intérêt présent est-il le seul mobile qui incite à apprendre ?
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Introduction :
L'intérêt constitue le mobile, c'est-à-dire la raison qui pousse les hommes à agir en vue d'obtenir un gain.
Apprendre
consiste à s'assimiler des connaissances que l'on ne possédait pas encore auparavant; aussi l'assimilation du
nouveau exige un effort, c'est-à-dire un travail du sujet sur lui-même.
Or dans la mesure où tout apprentissage
comporte une pénibilité due à l'effort, il faut que le gain à obtenir par cet apprentissage soit particulièrement
important et pressant.
Ainsi l'unique mobile qui pousse un individu à s'assimiler des connaissances nouvelles réside
dans l'espoir d'en obtenir un gain dans un avenir proche.
Par conséquent l'intérêt présent serait le seul mobile qui
inciterait à apprendre.
Cependant s'il en était vraiment ainsi, cette conception aurait pour conséquence la
restriction de nos connaissances à la sphère immédiate des besoins individuels.
Or le savoir humain, loin de se limiter
aux individus et au présent, traite de l'universel.
Il faudrait alors référer cette connaissance à une autre source que
l'intérêt présent et de penser la possibilité d'un désir d'apprendre désintéressé.
Cependant il n'en reste pas moins
que l'apprentissage réclame un effort dont la pénibilité nous semble désigner l'intérêt présent comme son seul
mobile.
Nous sommes alors confrontés à ce problème : l'espoir d'un gain à obtenir dans un avenir proche est-il
la seule raison qui pousse les hommes à apprendre des connaissances nouvelles ou bien l'apprentissage
peut-il être suscité par le désir d'apprendre lui-même ?
I Seul l'intérêt présent incite à apprendre
_ Nous n'agissons jamais que dans l'espoir d'obtenir un bien dans un avenir proche.
En effet tout action exige une
dépense d'énergie qui doit par la suite être compensée et même augmentée par ce gain en efficacité par exemple.
La nécessité de satisfaire nos besoins exige de notre part un apprentissage constant tout au long de notre vie.
C'est alors l'intérêt que nous avons à pouvoir nous conformer adéquatement à ce qui arrive qui nous incite à
apprendre.
En effet comme le montre Machiavel au chapitre XXV du Prince, il s'agit pour les hommes politiques
d'apprendre à épouser sans cesse la fortune afin de ne pas être malmenée par elle.
Ainsi l'homme politique apprend
parce que sa position est sujette à être renversée, il doit donc sans cesse prévoir ce qui peut se passer et changer
lui-même avant que la fortune ne le contraigne à changer.
En ce sens, la politique conçue par machiavel est plus un
art qu'une science, c'est-à-dire une technique guidée par l'intérêt présent pour s'orienter à travers les turbulences
de l'histoire.
_ L'histoire, en bouleversant le présent, modifie profondément sa nature et nous oblige sans cesse à apprendre afin
de pouvoir y vivre.
Cependant si l'histoire ne modifiait le présent et que nous vivions dans l'éternité c'est-à-dire
dans un temps qui n'a pas plus commencé qu'il ne terminera, nous n'aurions aucun mobile qui nous inciterait à
apprendre.
La corollaire de cette absence d'intérêt actuel à apprendre, c'est que nous ne ferions aucun effort pour
assimiler de nouvelles connaissances dans la mesure où elles seraient inutiles à un état caractérisé par la
constance.
Ainsi si nous nous référons à la Genèse, Adam et Ève vivant dans le jardin d'Eden, jouissaient de la
prodigalité de la nature hors de l'histoire.
Aussi n'avaient-ils aucun besoin d'apprendre et ne savaient rien.
Le péché
originel constitue justement cette rupture mystérieuse dans l'éternité qui consiste à cueillir et à manger le fruit de
l'arbre de connaissance alors qu'Adam et Ève n'en avaient nullement besoin.
Par conséquent, seul l'intérêt présent
incite à apprendre.
Cependant si Adam commet le péché de connaissance en l'absence de tout intérêt présent à apprendre, c'est peut
être que l'homme a dans sa propre nature le désir d'apprendre.
Aussi ce ne serait que pour la satisfaction des
besoins les plus primaires que l'apprentissage serait suscité par l'intérêt présent.
II Le désir d'apprendre désintéressé
_ Si les hommes n'étaient incités à apprendre qu'en fonction de leurs intérêts présents, le savoir humain se limiterait
à la sphère étroite des besoins.
Or le savoir humain dépasse largement cette sphère étroite comme le prouvent
l'existence des sciences, des arts, de la philosophie ou de la littérature.
C'est donc que l'incitation à apprendre ne
peut se réduire à l'intérêt présent : si un touriste perdu a milieu d'un pays étranger a un intérêt immédiat et urgent
à apprendre quelques mots qui lui permettront de survivre, qu'est-ce qui pousserait un individu à étudier des langues
qu'il n'a jamais l'occasion de parler comme le grec ou le latin ? Pour comprendre ce désir d'apprendre, il faut
s'extraire de l'intérêt présent et supposer en l'homme un désir d'apprendre qui ne se réduise pas à l'intérêt.
_ Le désir d'apprendre en l'homme serait un désir qui n'aurait pas nécessairement d'intérêt extérieur à lui-même.
Autrement dit le gain escompté dans l'intérêt présent constitue dans la perspective d'un désir d'apprendre
désintéressé la connaissance elle-même.
Ainsi comme le dit Aristote au livre alpha, chapitre 1 de la Métaphysique,
« les hommes désirent par nature connaître comme on peut le vérifier a pliais que nous prenons aux sensations
visuelles dès la naissance.
Or le plaisir pris à ses sensations n'est pas lié à un intérêt présent, il est au contraire
séparé de tout plaisir immédiat, ce qui prouve en l'homme l'existence d'un désir théorique de comprendre et
d'apprendre hors de tout intérêt immédiat.
Le désir d'apprendre hors de tout intérêt pratique immédiat provient de la
nature constitutive de l'homme qualifié d'animal rationnel.
L'homme est en effet un animal qui se distingue des autres
animaux par la raison.
Or la raison est traversée par le désir d'apprendre sans cesse de nouvelles choses comme le
prouve son fondement originaire: l'étonnement.
_ L'étonnement est la conscience que l'homme prend de son ignorance et qui le pousse du même coup à apprendre.
Comme l'écrit Aristote, dans le même ouvrage en alpha 2, « apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître
sa propre ignorance ».
Ainsi, par l'étonnement, l'homme reconnaît sa propre ignorance et cherche alors à lui
échapper en la supprimant par l'apprentissage du savoir.
Ainsi si la philosophie est née d'une fuite devant
l'ignorance, le savoir était poursuivi pour lui-même.
Ce qui le prouve, c'est que la satisfaction de besoins était
nécessaire pour l'avènement de la philosophie.
Ainsi si la satisfaction des besoins naturels est nécessaire pour.
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