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L'interdit

Publié le 15/12/2022

Extrait du document

« L’interdit Accroche : Dans le conte de La barbe bleue sa jeune épouse se trouve confrontée à un interdit : celui de ne pas ouvrir la porte qu’ouvre la plus petite des clés.

L’interdit posé n’explicite pas de châtiment. Celui-ci, implicite, n’est compris par la jeune femme que lorsqu’elle transgresse la règle étiquetée par son mari, qu’elle ouvre la porte et découvre les corps sans vie des femmes qui l’ont précédée.

Ainsi l’interdit représente dans la littérature de jeunesse autant la cause de malheur que la cause de curiosité, ambivalence d’un désir de savoir suscité par l’inconnu. Cette notion de l’interdit provient de la substantivation de l’adjectif qui désigne alors la sphère de l’interdit.

On peut le décliner selon trois axes : moral, religieux et politique.

L’interdit provient du latin « inter dico » qui signifie dire entre, donne le verbe « interrompre » et transmet une idée de rupture ainsi que la conception d’un passage oral de cette règle afin de l’institutionnaliser ou qui marque la dimension culturelle donc subjective de ces interdits.

On peut alors former deux catégories d’interdits, les interdits immanents (coutumes, droit positif) ou transcendants (droit divin, droit naturel, justice). paradoxe Dans les deux cas, l’interdit fonctionne comme une limite posée, les interdits sont des concepts, actions, tendances limitrophes sélectionnées de façon plus ou moins arbitraires par différentes entités autoritaires et transmises parfois même de façon silencieuse, intériorisée.

Ces limites garantissent la vie en société et permettent une forme d’ordre moral lorsqu’elles sont respectées, cependant, tout interdit porte comme caractéristique de n’être pas un obstacle, un empêchement physique mais de porter en lui-même la possibilité d’être franchis.

Cette possibilité semble à la fois être physique et morale.

La particularité de l’interdit pourrait reposer dans le fait d’être atteignable, de constituer une limite que l’on peut toucher, côtoyer et challenger.

De plus l’interdit semble présenter une forme de secret, d’indicible qui pousse à la curiosité, à la transgression de l’interdit. Ainsi l’interdit porte en lui sa propre négation. Il est alors possible de se demander si la fonction structurante, productrice et constructrice (principalement d’une société) que comporte l’interdit ne pourrait-elle pas n’être fondée que par la possibilité de la transgression de celui-ci ? I. L’interdit met en place des limites structurantes pour la société : L’interdit constitue les fondements de la législation d’une société ; si à l’Etat de nature, concept supposé par les philosophes d’une vie avant toute association entre individus (société civile), les hommes jouissent en général d’une liberté non entravée et non limitée.

Le besoin de cette limite est mis en évidence par Hobbes lorsqu’il présente un droit de nature qui permet à chacun d’user de son pouvoir propre pour se protéger mais dont l’égale liberté d’action mène à la guerre.

Ainsi il semble nécessaire de mettre en place des obstacles extérieurs à la liberté d’action des hommes ; des lois. De la même façon, Pour Kant l’homme a un penchant pour s’associer car il se sent plus que homme, il existerait une liberté primitive qui précèderait notre existence commune et nous pousserait à s’associer.

Dépasser notre simple existence individuelle constituerai un gain et chacun s’y conformerait volontairement ; Selon cette logique, elle devient l’outil de la fusion entre le collectif et l’individuel, médiation.

SI j’obéis à la même loi que les autres, j’obéis à une loi supposée augmenter mes intérêts, car c’est par elle, par ces interdictions que j’obtiens de la liberté ; plus j’obéis à la loi plus je fais mon intérêt.

La loi désigne l'ensemble des règles publiques qui organisent la vie sociale 1 dans un État.

Elle contient nos droits et nos devoirs dans de multiples domaines lorsqu'elle s'inscrit dans un code.

Elle fixe dans un État de droit les obligations, protégeant ainsi l'individu contre l'arbitraire et le règne de la force.

La transgression de la loi est punie par le pouvoir judiciaire, évitant ainsi la spirale de la vengeance.

Celles-ci sont donc des interdits communément consentis pour le bien et à l’avantage de chacun.

Les interdits légaux permettent alors de former un ordre. Cet ordre est par ailleurs garanti par une forme de hiérarchie qui institue des lois ; l’Etat est le pouvoir politique qui gouverne la société grâce à des institutions dans un société civile qui résulte de l’accord volontaire des individus.

Pour Hobbes cet accord, pour fonctionner, doit relever d’un pacte de soumission, convention passée avec un maitre.

C’est alors celui-ci qui met en place les lois et en surveille le bon respect des interdits.

Il y aurait alors un rapport hiérachique entre l’Etat et l’individu que ne conçoit pas Kant dans le schéma de l’association qu’il présente ; en fonction du système en place les lois peuvent alors être dictées de façon quasi indépendante de moi ou résulter de ma propre volonté.

L’interdit est-il alors un construction étiquetée par un individu pour soi même ? Cependant L’interdit connait aussi deux autres sources qui visent à réguler la vie privée, morale autant que la vie en société : la religion et la morale ces interdits sont plus diffus en ça que dans une société donnée ils ne sont pas communs à tous et certains transcendent le cadre d’une société ou même d’une époque.

L’interdit connait alors une forme universelle.

C’est le cas pour Freud de trois interdits fondamentaux, trois tabous universels qui forment le socle des conditions d'existence de la culture : les tabous du cannibalisme, de l'inceste et du meurtre.

...

C'est une injonction qui impose qu'un acte soit prohibé. Pour Levi Strauss de la même façon fait de l'interdit de l'inceste un préalable nécessaire à la structuration des sociétés humaines. Freud dans L'Avenir d'une illusion, présente trois temps de cet interdit refus = une pulsion ne puisse être satisfaite, interdit = disposition qui établit ce refus, et privation = l'état qui en découle. Il faut distinguer interdits culturellement variables, locaux ou particuliers, qui ne touchent qu'une catégorie sociale, et interdits fondamentaux, universels = conditions d'existence de la culture ellemême. Or, l’interdit contribue aux limites organisatrices de la psyché.

Il proscrit et prescrit.

Il est acte d’autorité : en amont, il fonde l’autorité ; en aval, il la légitime quand elle défaille.

Il indique les points butoirs à partir desquels il faut composer et aménager, donc se constituer en sujet.

L’interface du subjectif et du culturel.

C’est en cette qualité que Freud le considère comme indispensable. Les interdits fondamentaux cependant sont considérés tout autres dans la religion : Les premiers interdits sont les tables de la loi de l’ancien testament, formulé pour plus de la moitié à l’aide de négations.

Ces dix commandements se posent en fondement de la vie en société et comme condition de la bonne pratique religieuse.

Ces fondements traversent ainsi les époques « tu ne feras point d’image » « tu ne commettras point d’adultères »… Interdits qui touchent à la vie privée qui semblent marquer une limite qui ne vise plus seulement à garantir une bonne vie en société mais placerait une limite entre le pur et l’impure, le faste et le néfaste et l’interdit deviendrait alors la limite qui marque la relation entre l’homme et le sacré. Si l’interdit peut comporter une quelconque valeur il faut qu’il soit maintenu par une forme de logique.

L’interdit n’est pas dans sa définition une forme d’obstacle à la réalisation d’une action ; il s’agit de provoquer l’obéissance à ses limites. Pour certains philosophes la réponse à ce besoin est de rediriger le désir de transgresser.

Ainsi la force du désir peut être contenue, mieux encore, infléchie.

Dans le mariage, par exemple, la libido est selon saint Augustin réfrénée et redirigée vers un objectif légitime, la procréation.

L’amour désintéressé du prochain, la charité chrétienne, est quant à lui un détournement de l’ég oïsme spontané.

Mais le grand recentrement du désir ramène toujours à Dieu, qui est le Bien et la Vérité.

Et c’est là la manière de recouvrer sa liberté, liberté face aux désirs du corps qu’il 2 considère comme la réelle privation de liberté. Cependant cela soutend une autre forme de maintient de l’interdit : l’interdit du doute.

C’est La raison principale qui pousse Freud à refuser la foi religieuse, en effet le dogme chez les croyants fait reposer l'expérience religieuse sur un interdit de penser tout ce qui pourrait remettre en cause la conviction partagée par le groupe.

Ainsi la foi devient-elle un empêchement à la pensée libre, personnelle et critique, et maintient les individus dans les illusions infantiles qui satisfont leurs besoins névrotiques.

Il reste que lorsque la croyance religieuse recule, sa force de conviction qui faisait accepter les renoncements pulsionnels s'affaiblit et il n'est pas sûr que les individus continuent à accepter les interdits nécessaires, ceux du meurtre et de l'inceste ? d'autant que notre culture a connu une inflation des interdits (monogamie, fidélité, chasteté de l'adolescente, etc.).

Il serait donc essentiel de montrer rationnellement aux individus pourquoi les interdits sont nécessaires. C’est alors par la menace que fait peser la sanction, le châtiment sur celui qui le transgresse que l’interdit peut se maintenir.

Le châtiment que la transgression de l’interdit enclenche permet le maintient d’une force structurante de l’esprit ou de la société.

La punition semble à la fois confirmer l’état car authentique autorité, elle a une objectivité, celui qui s’y soustrait peut être contraint, sans punition la loi n’est pas la loi mais la punition ôte à la loi son être, ce n’est pas la loi. L’autorité est l’émanation de la liberté des sujets mais est contraire à sa liberté.

Au lieu d’émanciper l’homme de sa nature humaine elle semble menacer son humanité ; « chatiments » image des supplices et des violences qui sont une offense à l’humanité même. Ainsi, se pose la question de la légitimité des interdits comme valeur arbitraire ou implémentée par une loi non viable.

La remise en question de ces interdits mène à la transgression des interdits. Ainsi on peut se demander si l’interdit peut réellement être maintenu de façon légitime ou si sa transgression est inévitable. Selon l’exemple de Barbe bleue, Roméo et Juliet, dès l’enfance notre imaginaire est bercé d’interdit comme part inhérente de la société, comme une mise en garde contre une curiosité qui nous pousserait à les transgresser… parfois même cependant comme glorification de cette transgression. Si les amours de Roméo et Juliet sont coupés cours, leur transgression de l’interdit parental forme l’une des plus belles histoires d’amour jamais écrite.

De même dans le conte de la barbe bleue c’est la transgression de l’interdit qui sauve finalement la jeune femme d’un destin sanglant.

L’interdit comme horizon marque alors une forte ambivalence entre un désir de le franchir et une crainte II.

Transgresser l’interdit : tentation et désir L’interdit comme loi peut être la marque sociale de tensions internes, de haines religieuses et étique ou encore d’une volonté de puissance d’un dictateur ; ainsi il y aurait une légitimité à la transgression de la l’interdit défini comme immanent.

Cette transgression serait alors utilitaire, l’interdit et sa transgression deviennent les moyens d’une revendication et n’existent plus comme règle pure.

Ils deviennent instruments ou représentation d’un système défaillants ou vu comme tel. Dans une société où les interdits se multiplient la viabilité de chacun n’est pas garantie.

Si la loi doit être la même pour tous elle doit suivre d’autres indicateurs pour pouvoir porter le statut de garant des libertés d’une société.

En effet une loi qui ne se baserait pas sur la morale deviendrait alors instrument d’un tyran.

L’interdit ne doit rentrer en concurrence avec l’humanité de l’homme et ce tout en sachant que la sensibilité à ce qui relève de l’humain ou de l’inhumain évolue de façon 3 presque constante.

Si l’interdiction de l’avortement a été maintenue en France jusqu’en 1975 certains mouvements tentent encore aujourd’hui de le ré implémenter ou le maintenir dans différents pays.

C’est cette limite entre le droit positif et le droit naturel qui remettrait en cause la légitimité de ces interdiction, surtout dans un contexte de multiplication. c’est ainsi que cette logique qu’ émerge en 1968 dans les manifestations étudiantes française comme symbole fort « Il est interdit d’interdire », ce slogan paradoxal répond en partie à la question, c’est une formule dont on dit qu’elle se mord la queue, puisque si l’on ne doit faire aucun interdit, on ne peut pas interdire, c’est une boucle ! Ne rien interdire cela prend plusieurs noms : c’est la permissivité, c’est le libertarisme, c’est l’anarchie.

les Anarchistes (étymologiquement : absence de commandement), ceux qui refusent toute tutelle gouvernementale, aucune entrave extérieure, avec tous un point commun, la haine de l’entité étatique, « le meilleur Etat » est pour eux, « là où il n’y a pas d’Etat » et dans une formule moins abrupte, « un Etat réduit à ses seules fonctions régaliennes (police, justice, armée) certains interdits deviennent alors non seulement des droits mais des devoirs envers l’anarchie. – Le philosophe qui sera repris comme référence des Libertaires est l’écrivain étatsunien Gustave Henri Thoreau, lequel ayant refusé de payé un impôt, ira en prison.

On oublie souvent de préciser que cet impôt était celui recouvert par l’administration chargée de surveiller les esclaves.

Il écrira « le devoir de désobéissance civile ».

Sa désobéissance est un symbole.

C’est le premier texte théorique sur la résistance passive, dont s’inspireront le Mahatma Gandhi pour mener son action politique contre les Anglais, et le pasteur Martin Luther King pour la reconnaissance des droits civils des Noirs américains.

« N’obéissez qu’aux lois qui vous paraissent morales ».

Obéir à la loi c’était en un temps obéir aux lois de Vichy, dénoncer son voisin juif puisque le gouvernement le demandait, c’était collaborer avec l’occupant, et plus récemment dénoncer les parents sans papier d’enfants scolarisés. Ainsi la désobeissance civile se caractérise comme publique, passive et pour le bien commun. D’autre part cependant, la transgression n’existe pas que sous forme de manifestation civile de droits et de devoirs mais bien comme tentation égoïste ou simplement personnelle.

Cette tentation de la transgression est fortement représentée dans l’art ou l’artiste se permet de côtoyer l’interdit, le représenter, le mettre en scène parfois même le glorifier.

Ainsi dans la tragédie grecque sont représentés le meurtre, l’inceste, le viol, par La catharsis des philosophes de L'Antiquité.

Le terme de catharsis vient du grec katharsis qui signifie « purification ».

La catharsis est une notion tout d'abord médicale utilisée par le médecin Hippocrate (460-370 avant JC) : c'est le processus par lequel le corps est purifié d'une substance (ou humeur) trop abondante par rapport aux autres substances. Le corps est ainsi guéri de la maladie résultant du déséquilibre entre les humeurs.

Or, Aristote, toujours dans la Poétique, crée un lien étroit entre les notions de mimésis (imitation) et de catharsis : L'imitation comprend donc une dimension esthétique car elle peut être belle en tant qu'art, indépendamment du modèle ; surtout l'imitation de situations immorales (crimes, cruauté, ambition, violence, inceste, etc.) déclenche la catharsis: les passions mauvaises des hommes sont purgées et la cité est préservée des actes malfaisants qui auraient pu découler de ces passions sans la catharsis. Pour Aristote, cette imitation se réalise donc dans l'art et notamment la tragédie, qui est « une imitation faite par des personnages en action et non par le moyen de la narration, et qui par l'entremise de la pitié et de la crainte, accomplit la purgation des émotions de ce genre » (chapitre VI).

Dans le chapitre XIV, il mentionne explicitement la dimension de plaisir que comprend la catharsis : « puisque c'est par la pitié et par la terreur que le poète tragique doit produire le plaisir, il s'ensuit que ces émotions doivent sortir de l'action même ».

De plus, pour que la tragédie déclenche la catharsis, Aristote recommande que « les actions les plus capables de produire la terreur et la pitié […] se fassent par des personnes qui s'aiment; si c'est un frère qui tue [...] son frère, un fils son père, une mère son fils, un fils sa mère […] c'est alors qu'on est ému ». Ainsi, la catharsis selon Aristote se définit comme la purgation des émotions du spectateur.

Cette purgation passe par les sentiments de crainte et de pitié qu'inspire le spectacle, où les passions sont 4 exprimées de façon symbolique, mais elle passe aussi par le plaisir de ressentir ces émotions, plaisir qui vient du fait que la tragédie est une imitation de la réalité. Il existe alors un lien fort entre le désir et l’interdit qui révèlerait des passions. Braver les interdits revient à assouvir notre besoin fondamental de conquête de notre liberté. Outrepasser un interdit nous procure un plaisir coupable.

Nous sommes alors conscients du « risque » lié à notre acte mais en contrepartie nous aimons nous sentir maîtres de la situation et autonomes dans notre appréciation, notre gestion du danger. Cette.... »

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