l'inconscient n'est-il qu'une conscience obscurcie ?
Extrait du document
«
Les variations d'intensité de la conscience.
La conscience, en tant que phénomène, présente, comme le souligne Freud, « une large échelle de gradations dans
l'intensité ou la clarté ».
Ainsi, Leibniz affirme-t-il qu'il y a en nous, à tout moment, une infinité de perceptions, mais
sans aperception et sans réflexion, c'est-à-dire des changements dans l'âme même « dont nous ne nous apercevons
pas, parce que les impressions sont ou trop petites et en trop grand nombre ou trop unies, en sorte qu'elles ne
puissent être distinguées, mais jointes à d'autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se faire sentir au
moins confusément dans l'assemblage » (Nouveaux Essais sur l'entendement humain).
Il y a donc en nous des
pensées, des sentiments qui ne sont pas assez forts pour attirer notre attention.
Leibniz dans l'Essai sur
l'entendement humain lorsqu'il évoque les petites perceptions.
Il montre ainsi
que notre perception consciente est composée d'une infinité de petites
perceptions.
Notre appétit conscient est composé d'une infinité de petits
appétits.
Qu'est-ce qu'il veut dire quand il dit que notre perception
consciente est composée d'une infinité de petites perceptions, exactement
comme la perception du bruit de la mer est composée de la perception de
toutes les gouttes d'eau ? Les passages du conscient à l'inconscient et de
l'inconscient au conscient renvoient à un inconscient différentiel et pas à un
inconscient d'opposition.
Or, c'est complètement différent de concevoir un
inconscient qui exprime des différentiels de la conscience ou de concevoir un
inconscient qui exprime une force qui s'oppose à la conscience et qui entre en
conflit avec elle.
En d'autres termes, chez Leibniz, il y a un rapport entre la
conscience et l'inconscient, un rapport de différence à différences
évanouissantes, chez Freud il y a un rapport d'opposition de forces.
"D'ailleurs il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une
infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion,
c'est-à-dire des changements dans l'âme même dont nous ne nous
apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites ou en trop
grand nombre ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant à
part, mais jointes à d'autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se
faire sentir au moins confusément dans l'assemblage.
C'est ainsi que
l'accoutumance fait que nous ne prenons pas garde au mouvement d'un moulin ou à une chute d'eau, quand nous
avons habité tout auprès depuis quelque temps.
Ce n'est pas que ce mouvement ne frappe toujours nos organes, et
qu'il ne se passe encore quelque chose dans l'âme qui y réponde, à cause de l'harmonie de l'âme et du corps, mais
ces impressions qui sont dans l'âme et dans le corps, destituées des attraits de la nouveauté, ne sont pas assez
fortes pour s'attirer notre attention et notre mémoire, attachées à des objets plus occupants.
Car toute attention
demande de la mémoire, et souvent quand nous ne sommes plus admonestés pour ainsi dire et avertis de prendre
garde, à quelques-unes de nos propres perceptions présentes, nous les laissons passer sans réflexion et même sans
être remarquées ; mais si quelqu'un nous en avertit incontinent après et nous fait remarquer par exemple, quelque
bruit qu'on vient d'entendre, nous nous en souvenons et nous nous apercevons d'en avoir eu tantôt quelque
sentiment (...).
Et pour juger encore mieux des petites perceptions que nous ne saurions distinguer dans la foule,
j'ai coutume de me servir de l'exemple du mugissement ou du bruit de la mer dont on est frappé quand on est au
rivage.
Pour entendre ce bruit comme l'on fait, il faut bien qu'on entende les parties qui composent ce tout, c'est-àdire les bruits de chaque vague, quoique chacun de ces petits bruits ne se fasse connaître que dans l'assemblage
confus de tous les autres ensemble, c'est-à-dire dans ce mugissement même, et ne se remarquerait pas si cette
vague qui le fait était seule." Leibniz, Nouveaux Essais sur l'entendement humain.
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