L'imagination nous détourne-t-elle de l'action ?
Extrait du document
«
[Celui qui se complaît dans l'imagination s'abstient d'agir.
L'imaginatif se satisfait de la rêverie.
Il évite
autant que possible d'agir et de se confronter à une réalité qui pourrait le remettre en question.
L'imagination détourne de la réalité.]
Imaginer n'est pas agir concrètement
Agir, c'est exercer une action physique et volontaire sur la réalité, c'est se tourner vers l'extérieur, c'est, dans
une certaine mesure, transformer le monde.
Or, celui qui imagine n'exerce aucune activité physique, mais
seulement une activité mentale.
En outre, il n'est pas tourné vers la réalité extérieure pour la transformer,
mais vers une «réalité» intérieure n'ayant aucun rapport avec le monde concret.
C'est ainsi que Marx
dénonçant les vaines imaginations métaphysiques des philosophes idéalistes dira: "Les philosophes n'ont fait
qu'interpréter diversement le monde, ce qui importe, c'est de le transformer".
En 1845, Marx écrit les « Thèses sur Feuerbach ».
La onzième précise
que « Les philosophes n'ont fait qu'interpréter diversement le monde, ce
qui importe, c'est de le transformer ».
Contrairement à ce que prétend
une interprétation courante, il ne s'agit pas pour Marx de répudier la
philosophie et le travail de réflexion, mais de le redéfinir, et de lui
donner une nouvelle place, une nouvelle tâche.
Marx ne récuse pas la
pensée, mais sa transformation en idéologie, son éloignement de la
pratique.
La onzième thèse clôt la série de note rédigées par Marx en 1845 qui
constitueront le point de départ de la rédaction, avec la collaboration
d'Engels, de l' « Idéologie allemande » (1846).
Ces thèses, qui ne sont
pas initialement destinées à la publication, paraîtront après la mort de
Marx à l'initiative de Engels, qui les présente comme un document d'une
valeur inappréciable puisque s'y trouve « déposé le germe génial de la
nouvelle conception du mode ».
Etape décisive dans la maturation de la pensée de Marx, cet ensemble
d'aphorismes, en dépit de son apparente limpidité, ne peut être compris
indépendamment de ce qui précède et de ce qui suit le moment de sa
rédaction.
Nul texte, en ce sens, ne se prête davantage au
commentaire, alors même, paradoxalement, que cette onzième thèse
semble dénier toute légitimité à l'activité d'interpréter.
Formé à l'école de la philosophie allemande, lecteur de Hegel avant de
devenir émule de Feuerbach (qui est un « matérialiste » au sens des Lumières), Marx construit sa propre
compréhension du monde en « réglant ses comptes avec sa conception philosophique antérieure ».
Le terme de « philosophie » désigne ici la représentation théorique dominante à son époque, qui fait de la
transformation des idées la condition nécessaire et suffisante de la transformation du monde.
(Ce qui
constitue une vision « idéaliste » de l'histoire et des rapports de la théorie à la pratique.)
Brocardant ceux qui possèdent « la croyance en la domination des idées », Marx leur oppose l'affirmation que
« les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent [...] comme l'émanation
directe de leur comportement matériel ».
Là gît le fond du désaccord avec Feuerbach : si celui-ci affirme bien la nécessité de faire commencer la
philosophie avec et dans la « non-philosophie », dans la vie réelle, il réduit celle-ci à l'existence individuelle
d'un homme pensé de manière abstraite, coupé des rapports sociaux (et par suite restreint à sa dimension
sensible).
L'opération critique effectuée ici par Marx consiste à redéfinir la réalité humaine.
Il s'agit de rejeter la thèse de
l'existence d'une nature humaine et de lui substituer l'analyse d'une réalité sociale complexe et structurée, où
les hommes édifient historiquement leur individualité en « produisant leurs conditions d'existence ».
Il s'agit donc de récuser une vue abstraite et éloignée du réel pour s'attacher à ce que sont les hommes
concrets et leur évolution historique.
La sixième thèse énonce que « L'essence humaine n'est pas une abstraction inhérente à l'individu pris à part,
dans sa réalité, c'est l'ensemble des rapports sociaux.
» Il ne s'agit aucunement, contrairement à ce que
maintes lectures hâtives ou prévenues affirment, de réduire l'individu aux rapports sociaux, mais d'affirmer que
l'essence humaine n'a pas la forme du sujet pensé par la psychologie.
Autrement dit, que la clé de la compréhension de la personnalité concrète ne se trouve pas dans la
conscience individuelle.
Mais, à l'inverse, celle-ci ne se détermine singulièrement que dans le cadre de.
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