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L'imagination est-elle le refuge de la liberté ?

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« Problématique: La capacité d'imaginer permet de se soustraire à une réalité ou de mieux la comprendre pour mieux préparer l'avenir. Mais elle peut aussi être le refuge névrotique de celui qui ne peut pas affronter une réalité qu'il ressent comme insupportable. 1) La difficulté du sujet réside dans le fait que deux notions du programme s'y trouvent engagées.

On prendra bien soin de faire porter l'analyse sur le rapport entre liberté et imagination -non pas n'importe quel rapport, mais celui qui est contenu dans le terme de "refuge".

Il faut se faire une idée exacte de son sens.

Un refuge n'est pas une demeure (habituelle), c'est un lieu protégé, dans lequel, en cas de danger, on se met à l'abri.

Dire que l'imagination est le refuge de la liberté, c'est postuler que la liberté se trouve menacée de dangers dont elle ne se sauve que grâce à l'imagination.

Il faudra donc préciser quels dangers menacent la liberté et voir comment l'imagination peut la sauver de ces dangers. 2) On sera tenté de comprendre le refuge offert par l'imagination à une liberté menacée de la façon suivante.

Le monde qui s'impose à nous comme réel est une sorte de prison.

Nous nous y trouvons soumis, par la force des choses, à des contraintes, nous y rencontrons des nécessités qui rendent impossible la satisfaction de nos désirs ou de nos aspirations.

Dans l'imaginaire, ces contraintes et ces nécessités se trouvent abolies.

Les oeuvres de l'imagination (rêves, jeux ou fictions) seront donc libres, puisqu'elles seront exemptées de devoir se soumettre aux déterminations du réel.

On en viendra à soutenir qu'il n'y a de liberté que par l'imagination et dans l'imaginaire.

Cette façon de comprendre le refuge offert par l'imagination à la liberté se heurte à des objections immédiates. a) On peut difficilement soutenir que celui qui exerce sa liberté dans l'imagination est réellement libre.

Supprimer en imagination des obstacles et des contraintes, des nécessités et des impossibilités ce n'est guère autre chose que pratiquer la politique de l'autruche: l'imaginaire risque d'être le refuge que d'une liberté illusoire. b) C'est d'une conception peu satisfaisante de la liberté que ce propos s'autorise.

On suppose qu'être libre, c'est faire ce qui plaît, ne rencontrer aucun obstacle à la satisfaction de ses désirs.

On perçoit alors comme menaçant notre liberté soit ce qui oppose des obstacles à notre action, soit ce qui exerce sur elle une contrainte.

Le fait qu'une telle liberté ne puisse être réellement exercée devrait déjà faire douter de la vérité de l'idée qu'on en forme. 3) On formera donc une idée de la liberté telle qu'elle puisse être celle de l'être réel que nous sommes (assujetti à des besoins, dépendant du milieu et de la société, exposé à des événements qui ne dépendent pas de nous). Supprimer en effet toutes les conditions et les déterminations qui nous font hommes, ce n'est pas poser une liberté absolue, c'est pouvoir faire ce que nous pouvons raisonnablement vouloir.

Et ce qui menace notre liberté, c'est d'abord, en nous-mêmes, notre assujettissement à nos propres fantasmes.

Souvent, l'imagination a été dénoncée comme ce qui nous détermine à agir d'après des représentations fausses ou incomplètes.

Loin d'être en ce cas, le refuge de la liberté, elle sera son principal adversaire. 4) Le problème sera alors de savoir comment concevoir l'imagination pour qu'elle puisse être considérée comme le refuge d'une authentique liberté.

On pourra exploiter de ce point de vue le texte 3.

On pourra aussi penser que ce qui menace notre liberté, tout autant que la violence et le caprice des passions, ce sont les habitudes que nous avons contractées, l'incapacité où elles nous mettent de voir le réel autrement que selon des images toutes faites. Exercer notre imagination, ce sera alors sauvegarder l'aptitude à la découverte, et à l'invention. Enfin, il y a une espèce de la fiction qui mérite d'être considérée comme refuge d'une véritable liberté, c'est l'utopie. On sait que ce terme vient du titre donné par More à un ouvrage qui comporte deux parties.

L'une où il dresse un bilan extrêmement sombre des maux dont il souffre la société de son temps et où il discute la question de savoir si le philosophe que révolte la misère publique et les injustices ne pourrait pas, sinon y remédier, du moins les diminuer en essayant d'infléchir le pouvoir du Prince par de sages conseils.

Comme il conclut à l'impossibilité d'une telle stratégie ("En voulant guérir la folie des autres, je tomberais en démence avec eux"), il ne lui reste plus qu'à dire, en construisant l'image d'une société organisée selon la justice, ce qu'il s'avère impossible de faire.

C'est l'objet de la seconde partie qui présente le royaume d'utopie.

On pensera évidemment à la cité juste de Platon propose dans la "République" -que More connaissait- et qui a vu le jour dans des conditions similaires, après les échecs de Platon à modifier le comportement des tyrans de Syracuse. Trop souvent, on considère l'utopie comme une simple chimère.

Or elle ne s'enracine pas dans un simple désir mais dans une aspiration à la justice et d'autre part elle comporte une cohérence systématique qui témoigne de la capacité constructive de l'imagination.

De plus, face à une situation difficile permet de mobiliser les énergies et de fournir un motif à l'espoir de libération.

C'est pourquoi Auguste Comte a pu conseiller aux prolétaires de son temps "d'adhérer énergiquement" à l'utopie communiste: elle a selon lui, le mérite de maintenir posée ce qu'on appelait alors la "question sociale" et par là de préparer sa solution.

L'utopie peut être considérée comme un refuge de la liberté.. »

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