Aide en Philo

L'imagination est-elle la cause de notre malheur ?

Extrait du document

« Introduction On peut définir l'imagination en l'opposant à la fois au réel et à la raison.

L'imagination s'oppose au réel : elle nous porte en effet dans un monde où tout est possible, où les fantaisies les plus délirantes deviennent plausibles (chevaux ailés, dragons...).

Mais l'imagination s'oppose aussi à la raison : en effet, elle a affaire à des images, autrement dit à des caractères et des marques sensibles ; la raison, au contraire, a affaire à des concepts. Dès lors, n'est-il pas clair que l'imagination nous éloigne à la fois du réel et de la raison ? Ne constituerait-elle pas un obstacle à notre savoir, et la principale cause de notre ignorance ? À ceci s'ajoute que nous ne pouvons nous affranchir de l'imagination : en tant que nous sentons et construisons des images, nous sommes forcés d'imaginer. Imaginer est donc une activité nécessairement liée' à la condition humaine en général ; mais elle signale en même temps son impuissance à faire face au réel, et à exercer adéquatement sa raison.

L'imagination serait-elle donc la cause essentielle d'une impuissance fondamentale de l'homme, d'une faiblesse intrinsèquement liée à la condition humaine, bref, de notre malheur ? 1.

L'imagination comme malheur de l'homme A.

L'imagination comme source d'illusions Comme le montre Pascal dans ses Pensées, l'imagination est bien cette « maîtresse d'erreur et de fausseté », la source des illusions qui marque la condition humaine : « cette faculté trompeuse qui semble nous être donnée exprès pour nous induire à une erreur nécessaire » détermine en effet toutes les actions humaines : guerres d'ambition, amours, etc.

Elle nous donne une vision faussée de la réalité et de nous-mêmes en nous déterminant à juger d'après nos propres impressions.

Si bien que « l'imagination dispose de tout », tout en étant au service d'une illusion généralisée. De plus l'imagination a deux grands torts aux yeux de Pascal : d'une part, elle dissimule sa propre fausseté : elle se révèle parfois vraie, lorsque par exemple nous imaginons un événement qui se produit réellement.

Si bien qu'en imaginant, nous ignorons si nous nous trompons.

D'autre part, il n'est pas possible de se débarrasser de l'imagination : elle persiste, même lorsque l'on s'est rendu compte de sa propre erreur.

L'imagination est donc illusion plus qu'erreur. B.

L'imagination et le pouvoir D'après Pascal, l'imagination est aussi la source de toute domination politique et sociale.

Elle fonde ainsi la soumission du peuple aux « grands ».

Elle exerce une très forte contrainte sociale : elle fait croire qu'un signe extérieur de noblesse (le port d'une perruque, d'une épée) renvoie à un caractère réel de la personne.

Elle est donc à l'origine d'un pouvoir arbitraire, fondé sur une illusion, car il s'agit bien d'un pouvoir imaginaire.

Pascal affirme ainsi : « Qui dispense la réputation ? Qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante ? » Pascal fait ainsi apparaître l'imagination comme la cause essentielle d'un malheur de l'homme : malheur lié à ses illusions ; malheur lié à sa condition sociale et politique.

Mais d'un autre point de vue, l'imagination n'apporte-t-elle pas des remèdes à ce malheur ? 2.

L'imagination comme remède au malheur A.

La satisfaction imaginaire En effet, si l'imagination porte à se détourner de la réalité, elle permet aussi la satisfaction imaginaire de désirs que la réalité ne permet pas d'accomplir.

Ainsi Freud montre-t-il qu'un désir, refoulé parce qu'incompatible avec la réalité (ex.: inceste), trouve une satisfaction « hallucinatoire » dans le rêve ou la névrose. Le détour par l'imagination est donc ici une solution au conflit entre le désir et la réalité.

Parce que l'imagination éloigne de la réalité, elle est aussi une solution pour échapper à ses impératifs contraignants.

L'imagination permet ainsi de remédier à la condition malheureuse de l'homme, qui implique nécessairement le refoulement d'un certain nombre de désirs contredisant les normes sociales. B.

L'imagination comme consolation Ce rôle consolateur de l'imagination avait déjà été bien perçu par Épicure.

II affirme ainsi dans la Lettre à Ménécée que le souvenir et l'image de plaisirs passés peuvent servir de remèdes et de consolation face à des maux présents (maladie, vieillesse).

L'imagination, en tant que mémoire, permet de rendre présents, actuels, des biens que la réalité peut faire croire définitivement perdus. Une fois encore, c'est précisément parce que l'imagination contredit la réalité présente qu'elle constitue un remède au malheur de l'homme.

La même propriété de l'imagination peut donc avoir des effets contraires : engendrer le malheur, ou inversement faire revenir le bonheur.

L'imagination n'est donc pas, par essence, la cause d'un supposé malheur de l'homme.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles