L'illusion du naturel ?

« Le naturel comme idéologie • Kart Marx a voulu démasquer des mécanismes qu'il range sous le nom d'idéologie.

Par exemple, les économistes anglais du XIXe siècle produisent un système de lois qu'ils considèrent comme les lois éternelles de l'économie, là où on peut y voir l'expression d'un mode d'organisation sociale très particulier, le système de production capitaliste.

Transformer subrepticement une situation historique en situation naturelle, afin d'en assurer la permanence, là se niche le ressort de toute idéologie. L'homme, selon Marx (Contribution à la critique de l'économie politique), se distingue des autres animaux par la production de ses propres moyens de subsistance.

À la base de l'existence concrète de l'homme, il y a donc la production.

C'est pourquoi l'homme en général, séparé, isolé, n'existe pas.

Il n'existe que socialement, c'est-à-dire dans une société donnée, à un moment de l'histoire, et entretenant avec les autres hommes des rapports qui sont le résultat de la place qu'il occupe dans la production. C'est dire du même coup que sa conscience, c'est-à-dire ses idées, les représentations qu'il se fait du monde et de lui-même, ne sont pas indépendantes de cette place qu'il occupe.

Elles sont, à leur tour, le produit des conditions d'existence de l'homme.

Ce que Marx appelle idéologie (Idéologie allemande) désigne alors la relation des idées et de la situation concrète de l'homme.

Ce qui apparaît comme l'oeuvre libre de l'esprit, des systèmes philosophiques et religieux aux institutions politiques et juridiques, est en fait déterminé par l'organisation sociale. • Roland Barthes prolonge cette analyse.

Selon lui, le naturel est « l'alibi dont se pare une majorité sociale ».

Son organe est le bon sens, qui « définit un monde homogène, où l'on est chez soi, à l'abri des troubles et des fuites du rêve ».

Dire de quelque chose que c'est tout naturel, c'est en appeler à « ce qui va de soi », moyen pour un groupe de se rassurer, de produire un consensus qui ne sera pas questionné. L'impasse cynique • On confond souvent le spontané avec le naturel.

Un apprentissage sans effort apparent suggère l'existence d'un don inné.

La réalisation sans entraves de mes désirs correspondrait au naturel, opposé au factice. • Le cynisme antique s'est voulu une arme de combat contre l'hypocrisie sociale : c'est toujours la nature qu'il invoque pour montrer le caractère arbitraire des conventions.

L'exemple de Diogène est censé montrer la possibilité d'une vie naturelle, libre des préjugés avec lesquels les hommes ont recouvert leur existence. • Ces appels au retour du naturel tombent sous la critique de l'idéologie : et si Diogène voulait masquer, sous le nom de « vie naturelle », son désir d'échapper à la complexité sociale, son besoin personnel de vérité morale absolue ?. »