Liberté naturelle et liberté civile ?
Extrait du document
«
Ordre social et liberté
• Toutefois, l'ordre social ne peut pas plus reposer sur la vertu – sur une disposition naturelle ou acquise à faire le
bien et à éviter le mal – qu'il ne se fonde sur le sentiment moral qui, du fond de notre conscience, nous dicterait ce
qui est juste et ce qui ne l'est pas.
L'ordre social ne peut être fondé sur la religion, en tant qu'elle incite à la vertu,
ou sur la morale comprise comme expression d'une conscience infaillible que l'homme porte en lui.
Il ne peut être
garanti par deux approches qui croient que l'homme peut être bon.
• Si tel était le cas, les hommes ne se seraient jamais dotés de lois qui, conventionnelles, distinctes de tout
sentiment et de toute foi, communes au groupe et pas seulement aux individus, ont besoin d'être garanties par
l'usage éventuel de la force.
Sans l'État, dont le rôle est de garantir les lois et le droit, l'ordre, facteur de stabilité
sociale, et la liberté ne sont-ils pas compromis ?
L'État garant de la liberté
• Dans cette perspective, l'État est nécessaire pour garantir que le passage de la liberté naturelle à la liberté civile
ne signifie pas l'abandon pur et simple de toute liberté.
On peut penser, comme l'écrit Rousseau dans le Contrat
social (livre I, chapitre 8), que dans le passage de l'état de nature à la société l'homme perd sa liberté naturelle,
c'est-à-dire son droit à s'approprier tout ce qu'il désire, sans autres bornes que celles que lui assignent ses forces.
• Pour que l'abandon de sa liberté naturelle ne soit pas une perte, il faut donc que la liberté civile, qui s'étend
jusqu'aux bornes que lui fixe la liberté d'un autre individu, soit plus sûre, plus fondée que la liberté naturelle dont le
seul secours est la force de l'individu.
Il faut que, restreinte, la liberté civile soit cependant garantie par la loi et le
droit, eux-mêmes étant garantis par la force publique inhérente à l'État.
« Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant
dans sa conduite la justice à l'instinct.
»
ROUSSEAU.
Le « Discours sur l'inégalité » (1755), qui faisait suite au « Discours
sur les sciences et les arts » (1750), impliquait lui-même une suite.
Rousseau avait montré les effets catastrophiques du luxe et de l'inégalité,
deux conséquences du passage de la vie primitive à la civilisation.
Aiguillonné
par l'amour-propre, cherchant toujours à surpasser ses semblables, l'homme
civilisé est devenu moins bon et moins heureux que ses lointains ancêtres.
La question qui restait en suspens était donc : que faire ? Faut-il se
borner à constater le désastre ? Rousseau ne le pense pas, et puisqu'un
retour en arrière s'avère tout à fait impossible, il songe à des solutions
susceptibles d'enrayer le mal.
Une meilleure éducation pourrait atténuer les méfaits produits par une
organisation sociale déficiente : les propositions dans ce sens figurent dans
« Emile ou De l'éducation » (1762).
En supprimant des situations qui ne peuvent que l'inciter à mal faire, une
meilleure organisation sociale permettrait à l'homme de devenir meilleur : les
idées relatives à ce projet figurent dans les différents écrits politiques de
Rousseau et spécialement dans « Du contrat social ou Principes du droit
politique » (1762).
L'examen de ces textes politiques conduit à enrichir la vision du passé de l'humanité propre à Rousseau.
En
effet, on s'en tient souvent au pan négatif de cette vision, résumée par la formule : l'homme naît bon ; la société le
déprave.
Mais Rousseau, en dépit de cette affirmation, et contrairement à l'opinion commune, présente comme
éminemment positif le processus de socialisation qui conduit de l'homme des premiers âges à l'homme civilisé.
L'homme qui, dans l'état de nature, n'obéissait qu'à l'instinct, acquiert, au contact de ses semblables, tout ce
qui le distingue de l'animal : le sens du devenir, l'amour de la vertu, la raison.
Contrairement à ses prédécesseurs, il.
»
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