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Liberté et bonheur

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« Définition des termes du sujet: BONHEUR: De bon et heur (terme dérivé du latin augurium, présage, chance).

État de complète satisfaction de tous les penchants humains. • Le bonheur se distingue du plaisir et de la joie, qui sont des émotions éphémères et toujours liées à un objet particulier.

• Dans les morales eudémonistes, le bonheur est la fin de l'action humaine.

Pour Kant, en revanche, c'est le respect de la loi morale qui doit orienter la volonté, et non la recherche du bonheur.

Car cette recherche est toujours déjà intéressée, égoïste donc contraire à la morale. Les conceptions stoïcienne et épicurienne de la liberté nous permettent d'accéder à une forme de bonheur. La conception stoïcienne • Pour Épictète, liberté et bonheur sont compatibles si l'on sait distinguer « Ce qui ne dépend pas de nous » et « Ce qui dépend de nous »: Mon pouvoir d'accomplir des actes est très limité, par les lois de la nature ou les lois juridiques.

Quant à mon pouvoir de faire réussir mes actions, il est quasiment nul, puisque cela dépend du concours du reste du monde, ou encore de la chance.

En y réfléchissant bien, je ne suis pas absolument certain d'être encore vivant demain ou tout à l'heure.

Tant de choses peuvent arriver… En revanche, il est une chose qui ne dépend que de moi, sur laquelle j'ai un pouvoir absolu : c'est ma volonté.

Moi seul décide de ce que je veux.

Par exemple, si je ne veux pas aller à un endroit, on peut m'y contraindre par la force, mais on n'aura pas pu changer ma volonté.

Je découvre, par cette réflexion, que je possède, comme chaque homme, une volonté absolument libre, ou encore un libre-arbitre, comme disent les philosophes.

Je dispose donc d'un domaine de pouvoir et de liberté, qui est tout intérieur à moi-même. A partir de ce constat, je peux raisonner de la façon suivante : _ certes, je n'ai pas le pouvoir de faire tout ce que je veux ; - mais je peux choisir librement ce que je veux ; - donc, je peux ne vouloir faire que ce que je peux faire, ou ce que je suis en train de faire (je peux limiter ma volonté à mon pouvoir) ; - dès lors, je fais exactement ce que je veux ; - donc, selon la définition, je suis libre, pleinement. La liberté intérieure de ma volonté assure, si j'en use bien, la liberté extérieure de tout mon être. Je peux raisonner de même au sujet de ce que je possède : - je n'ai, apparemment, pas tout ce que je veux, et j'en suis malheureux ; - mais je peux ne vouloir que ce que j'ai ; - dès lors, j'ai tout ce que je veux ; - donc je suis heureux. Voilà donc le secret du bonheur et de la liberté.

Il réside en peu de chose : savoir bien user de ma volonté, ne vouloir que ce que j'ai et que ce qui m'arrive.

Autrement dit, ne pas désirer ce qui excède mon pouvoir.

Dire que ce secret est si simple et que tant d'hommes passent à côté ! • Dès lors, pour atteindre le bonheur de tranquillité ou ataraxie, il suffit de vouloir ce que l'on peut avoir.

Ainsi, maîtres de nos jugements, nous sommes en mesure de gouverner notre vie, sans nous inquiéter davantage des événements qui échappent à notre volonté.

L'homme heureux est aussi l'homme parfaitement libre. La conception épicurienne • Epicure distingue : * Les désirs naturels et nécessaires au bien-être du corps et de l'âme, qui s'appliquent aux objets susceptibles de supprimer la douleur, tels la boisson qui étanche la soif ou la pain qui calme la faim. * Les désirs naturels et non nécessaires.

Les objets de ces derniers sont, par exemple, les mets délicats qui permettent de varier le plaisir.

Ces désirs ne sont naturels que pour autant qu'ils ne se transforment pas en débauche.

Ainsi, le désir sexuel est naturel à condition qu'il ne devienne pas « un appétit violent des plaisirs sexuels assorti de fureur et de tourment ». * Les désirs ni naturels ni nécessaires qu'il faut refouler si l'on veut connaître la sérénité (désirs de gloire, de richesse, d'immortalité, ambition…).

Ces désirs sont de « vaines opinions » qui trouvent leur origine dans la crainte de la mort, notamment. Epicure nous invite donc à mettre fin à tous les plaisirs non naturels et non nécessaires qui occasionnent le plus souvent des désagréments, des frustrations, qui freinent l'accès à l'ataraxie (absence de trouble ou de douleur). « Nous disons que le plaisir est la fin de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs des hommes débauchés ni de ceux qui consistent dans la jouissance, comme l'imaginent certaines gens, mais nous entendons le plaisir comme l'absence de douleur pour le corps, l'absence de trouble pour l'âme.

Car ce ne sont ni des beuveries et des festins à n'en plus finir, ni la jouissance de jeunes garçons ou de femmes, ni la dégustation de poissons et de bonne chère que comporte une table somptueuse, qui engendrent la vie heureuse, mais c'est un entendement sobre et sage, qui sache rechercher les causes de tout choix et de toute aversion et chasser les opinions fausses, d'où provient pour la plus grande part le trouble qui saisit les âmes.

Or le principe de tout cela, et par conséquent le plus grand bien, c'est la prudence.

Et voilà pourquoi la prudence est une chose plus précieuse que la philosophie elle-même ; car c'est elle qui donne naissance à toutes les autres vertus, en nous enseignant qu'il est impossible de vivre heureusement sans vivre avec prudence, honnêteté et justice, comme il est impossible de vivre avec prudence, honnêteté et justice sans vivre par là même heureusement.

» La raison règle les jugements et c'est par la raison qu'on atteint une vie heureuse.

Ici, stoïcisme et épicurisme se rejoignent. • Être libre et heureux, c'est donc cesser d'attacher du prix à ce qui n'en a pas réellement (plaisirs non naturels et non nécessaires).

C'est laisser s'exercer son génie intérieur (ou "daïmon"), cette force de la raison qui nous guide et que la nature a placée en nous.

Ainsi devient-on capable de se suffire dans le respect de soi et la grandeur d'âme. La conception kantienne: L'opposition entre liberté morale et bonheur Ces dispositions intérieures de l'âme comme la juste mesure, la maîtrise de soi, aussi favorables qu'elles paraissent souvent à la moralité n'ont pas, cependant, cette valeur absolue que leur attribuait Aristote.

Elles peuvent même se prêter à un mauvais emploi : le courage d'un criminel ne le rend-il donc pas plus odieux ? Seul peut être véritablement bon ce qui l'est par soi, ce qui l'est absolument.

Par suite, comme le souligne Kant, dans « Fondements de la métaphysique des mœurs », il n'est rien qui puisse être tenu pour absolument bon, si ce n'est seulement une bonne volonté.

Et ce qui fait que la volonté est bonne ou non, « ce ne sont pas ses œuvres ou ses succès », ni « son aptitude à atteindre tel ou tel but proposé », mais son vouloir même.

La bonne volonté, c'est celle qui se détermine à agir par pur respect du devoir. Or il est bien connu qu'on peut être vertueux tout en étant malheureux, et être heureux sans être vertueux.

On peut même dire que faire son devoir n'est pas le moyen le plus sûr d'être heureux : agir par devoir, c'est souvent aller contre ses inclinations, ses désirs.

Certes agir moralement n'implique pas l'ascétisme, et on peut considérer que c'est aussi indirectement un devoir de travailler à son bonheur car un minimum de bien-être est la condition de la vertu.

Reste que pour Kant la recherche du bonheur n'a de valeur morale que lorsqu'elle n'est qu'un devoir.

Ainsi un homme gravement malade, qui n'a aucun espoir de recouvrer la santé, peut bien manger ce qu'il veut, quitte à en souffrir ensuite, mais l'impératif du bonheur lui commande d'observer les règles de l'hygiène ; c'est dire, au fond, que la recherche du bonheur peut devenir une vertu lorsqu'on a perdu tout espoir d'être effectivement heureux. Si, pour Kant, il y a une certaine opposition entre le bonheur et la vertu, c'est parce que le bonheur obéit à des motivations empiriques rebelles par nature à toute universalisation, alors que le devoir commande universellement.

Ce que les hommes nomment le bonheur n'est souvent que l'objet temporaire et accidentel de leur désir. Le bonheur, selon l'expression de Kant, est « un idéal, non de la raison, mais de l'imagination ». Le bonheur chez Kant. « Pour l'idée du bonheur un tout absolu, un maximum de bien-être dans mon état présent et dans toute ma condition future, est nécessaire.

Or il est impossible qu'un être fini, si perspicace et en même temps si puissant qu'on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu'il veut ici véritablement.

Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d'envie, que de pièges ne peut-il pas par là attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ? Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour lui représenter d'une manière d'autant plus terrible les maux qui jusqu'à présent se dérobent encore à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu'il a déjà bien assez de peine à satisfaire.

Veut-il du moins la santé ? Que de fois l'indisposition du corps a détourné d'excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc.

! Bref, il est incapable de déterminer avec une entière certitude d'après quelque principe ce qui le rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait l'omniscience. […] Il suit de là que les impératifs de la prudence, à parler exactement, ne peuvent commander en rien, cad représenter des actions d'une manière objective comme pratiquement nécessaires, qu'il faut les tenir plutôt pour des conseils que pour des commandements de la raison ; le problème qui consiste à déterminer d'une façon sûre et générale quelle action peut favoriser le bonheur d'un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble ; il n'y a donc pas à cet égard d'impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont on attendrait vainement qu'ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d'une série de conséquences en réalité infinie… » Kant, « Fondements de la métaphysique des mœurs ». L'objet de la « Dialectique » de la raison pure pratique, c'est le souverain bien , défini comme l'accord de la vertu et du bonheur, dont nous avons besoin en tant qu'êtres doués d'une sensibilité.

La vertu et le bonheur sont liés dans le concept du souverain bien.

Par suite, il faut déterminer la nature de cette liaison, de cette unité.

Ou bien elle est analytique et il faut affirmer l'identité de la vertu et du bonheur ; ou bien elle est synthétique et il faut dire alors que la vertu engendre le bonheur.

Les deux grandes écoles morales de l'antiquité, stoïcisme et épicurisme, ont adopté le principe commun de l'identité du bonheur et de la vertu, mais elles l'ont conçu de façons différentes.

Tous deux se trompaient en ceci qu'ils considéraient l'unité du concept de souverain bien comme analytique, alors qu'elle est synthétique ; en d'autres termes, leur erreur commune était de considérer comme identiques deux éléments hétérogènes ou du moins de regarder l'un des deux comme faisant partie de l'autre : « Le stoïcien soutenait que la vertu est tout le souverain bien et que le bonheur n'est que la conscience de la possession de la vertu, en tant qu'appartenant à l'état du sujet.

L'épicurien soutenait que le bonheur est tout le souverain bien –et que la vertu n'est que la forme de la maxime à suivre pour l'acquérir, cad qu'elle ne consiste que dans l'emploi rationnel des moyens de l'obtenir.

» Or, les maximes de la vertu et les maximes du bonheur relèvent de principes totalement différents.

Si la vertu et le bonheur sont liés, cad si le souverain bien est pratiquement possible, ce ne peut être qu'en vertu d'une liaison synthétique.

On doit donc poser le problème ainsi: « Il faut ou que le désir du bonheur soit le mobile des maximes de la vertu, ou que la maxime de la vertu soit la cause efficiente du bonheur.

» Or ces deux solutions apparaissent également impossibles : la première parce qu'aucun mobile sensible ne peut déterminer une volonté bonne ; la seconde parce que la vertu dépend de la loi morale, tandis que le bonheur dépend de lois naturelles, et qu'on ne voit pas, dans ces conditions, comme l'une peut produire l'autre.

Telle est l'antinomie de la raison pratique.

Cette antinomie se résout à peu près de la même façon que celle qui, dans la « CRP », mettait aux prises la nécessité naturelle et la liberté.

Là aussi, en effet, nous devons distinguer deux plans, le plan du sensible et le plan de l'intelligible.

la thèse selon laquelle le désir du bonheur serait le mobile des maximes de la vertu est absolument fausse.

Mais la thèse qui voit dans la maxime de la vertu la cause efficiente du bonheur n'est fausse que conditionnellement.

Dire que la vertu engendre le bonheur n'est faux que si nous considérons l'existence dans le monde sensible comme la seule possible.

Si au contraire nous nous référons à l'existence nouménale : « il n'est pas impossible que la moralité de l'intention ait une connexion nécessaire, sinon immédiate, du moins médiate (par l'intermédiaire d'un auteur intelligible de la nature) comme cause, avec le bonheur comme effet dans le monde sensible.

» Ce n'est pas la vertu en tant qu'elle est prise dans le monde des phénomènes qui engendre le bonheur, mais une cause nouménale en rapport avec la vertu.

En d'autres termes, c'est Dieu qui « proportionne le bonheur à la vertu. « La morale n'est donc pas à proprement parler la doctrine qui nous enseigne comment nous devons nous rendre heureux, mais comment nous devons nous rendre digne du bonheur.

». »

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