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L'honnêteté suffit-elle à assurer le bonheur ?

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« L'honnêteté suffit-elle à assurer le bonheur ? En quoi en est-elle la condition ? Application d'une question classique : rapports de la moralité et du bonheur, sous un angle plus spécial (l'honnêteté ne représentant qu'un type de nos rapports moraux avec nos semblables) ; mais le problème prend aussi un aspect très précis : l'honnêteté assure moralement les rapports sociaux quotidiens, et, par là, intervient directement dans les conditions matérielles ou économiques de la vie.

La matière de l'exposé et de la discussion sera donnée d'abord par des observations ou des réflexions de bon sens sur la vie journalière, à interpréter et à mettre en ordre par analyse surtout psychologique des conditions de bonheur, et de la réalité de la vie morale (fait des sanctions intérieures, satisfactions ou remords dans une conscience normale; — conditions psychologiques et conditions matérielles du bonheur).

Le problème doit être posé en confrontant honnêteté et bonheur sous des définitions précises. Plan.

— Introduction.

— Définitions : l'honnêteté est la forme des relations morales avec nos semblables, impliquant respect de l'intérêt d'autrui, de son droit avec, s'il le faut, sacrifice de notre intérêt propre ;mais non de notre droit). Le bonheur est la forme d'une vie équilibrée et satisfaite.

Il traduit donc essentiellement les tendances constitutives de l'individualité, tandis que l'honnêteté exprime les conditions de vie sociale. Problème : les définitions faisant ressortir l'idée de deux domaines différents en soi, où apparaîtraient même plutôt des sources de conflits (idées sociales et tendances individuelles), comment peut-il y avoir accord, jusqu'à quel point, ou sous quelles limites ? I.

(Les relations sociales ; conditions matérielles de bonheur).

— I ° On trouvera des éléments de contact si l'on remarque : A) Que par le fait des relations nécessaires et de l'échange, base de la vie sociale, la sécurité de l'intérêt individuel est dans l'honnêteté : sécurité de l'intérêt bien compris (ex.

donné par Kant : le marchand honnête) ; sécurité contre les réactions sociales (le malhonnête homme en butte à la poursuite du juge : donc malhonnêteté, source d'inquiétude). B) Que le bonheur général dépend de l'honnêteté générale parce que l'organisation de la vie ne peut être faite que de confiance mutuelle ; et le bonheur des individus suppose cette atmosphère heureuse d'un bonheur moyen. La nature de la vie sociale ferait ainsi généralement de l'honnêteté une condition de bonheur ; mais non nécessairement. 2° Les idées précédentes comportent en effet des restrictions : A) L'hypocrisie de l'honnêteté pourrait dans bien des cas suffire, malgré la difficulté d'assurer indéfiniment l'accord dans la dissimulation. B) Il arrive, d'autre part, que l'honnêteté devienne le sacrifice de soi, et, spécialement, elle est une cause de faiblesse ou de souffrance, ou même de malheur, en face d'un milieu malhonnête (ex.

: le contribuable honnête par rapport aux fraudeurs). II.

(Conditions intimes du bonheur).

— Mais si par le chemin précédent nous n'arrivons qu'à une solution hésitante, c'est sans doute que sous cette forme le problème est incomplètement posé ; on a seulement considéré l'organisation extérieure de la vie : or, le bonheur ne se définit pas par des intérêts, matériellement et impersonnellement réalisés, mais bien par le sens que nous voulons donner à notre existence, par les sentiments qui la dirigent et, plus spécialement, par l'importance que nous attribuons à la moralité. A) En ce sens, l'honnêteté, en tant que source de satisfaction morale, devient un élément direct de bonheur, et même élément nécessaire pour l'homme d'intention honnête, qui ne peut être heureux, s'il ne pratique effectivement l'honnêteté.

Plus encore, les satisfactions de la probité, devenue notre nature, peuvent suffire à masquer les inconvénients ou la gêne du sacrifice. B) Il est vrai que la malhonnêteté profonde ne souffre pas d'accomplir des actions malhonnêtes, et alors il y a conflit réel, l'honnêteté devient dans ce cas obstacle au bonheur, source de gêne, ou même de remords (voir par ex.

dans J. Aicard, « Notre-Dame d'Amour », la confession du bouvier).

L'honnêteté n'est donc condition nécessaire ou élément positif de bonheur que si elle est devenue la nature profonde de l'individualité. C) Mais encore ce n'est pas condition totale ou suffisante.

Remarquer que pour la généralité des hommes, le bonheur n'est pas fait uniquement d'une attitude intérieure : vivre exclusivement la satisfaction d'être ce que l'on veut être (Épictète ; Job).

Les circonstances extérieures peuvent accabler l'honnête homme, le forcer à ruiner matériellement sa propre vie par honnêteté, et par là briser son bonheur. En résumé : subjectivement, l'honnête homme a besoin de vivre honnêtement ; c'est dire qu'on ne peut concevoir normalement le bonheur que dans l'honnêteté.

Objectivement, dans un milieu honnête, la vie ne prend de sécurité réelle que par l'honnêteté ; mais, en ce sens objectif, s'il est vrai que l'honnêteté assure matériellement la vie, il y a là en réalité un état de choses que l'on subit : aussi, l'honnêteté évite le malheur, mais ne fait pas le bonheur, qui est satisfaction intime.

L'honnêteté n'est donc en définitive moyen, ou condition positive de bonheur que si l'individu définit d'abord sa vie par l'honnêteté même, et elle ne le serait universellement que dans un milieu d'universelle honnêteté.

Et encore, à moins d'héroïsme moral n'est-elle pas condition suffisante, parce que le bonheur n'est pas entièrement fait d'orientation de nous-même et de volonté.. »

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