L'homme est-il le produit de son éducation ?

« PROBLEMATIQUE ENVOYEE PAR L'ELEVE: Ici on vous demande si la conscience résulte de l'éducation.

Vous pouvez entendre par conscience deux choses : la capacité à savoir et la capacité à faire la distinction entre le bien et le mal, ce qui est plus précisément la conscience morale.

Dans le premier cas, la conscience que je peux avoir de moi-même peut être déterminée par l'éducation que j'ai reçue et si j'ai conscience de moi-même comme être humain, c'est précisément parce que j'ai dépassé le stade de l'animalité, que je suis passé de la nature à la culture. L'éducation me le permet justement.

Quant à la conscience morale, étant donné que l'éducation se compose de la discipline (maîtriser notre animalité) et de l'instruction (acquérir des connaissances), on doit bien reconnaître qu'au cours de cette éducation, certaines valeurs nous ont été enseignées qui fondent la morale, comme le respect d'autrui, de la parole donnée, le refus du mensonge et de la violence, etc.

Ainsi la conscience que j'ai d'être moral, de pouvoir répondre à la question " que dois-je faire ? " est formée tout au long de l'éducation.

Seulement l'éducation me fait nécessairement dépendre d'autrui, ce qui risque de limiter mon autonomie.

Car à quoi bon être moral, faire la distinction entre le bien et le mal, si cette distinction est acquise de façon artificielle et indirecte ? Dès lors c'est l'authenticité de la conscience morale qui est ici en question.

N'y a-t-il pas dans la morale la dimension d'une universalité que je peux trouver par moi-même et en moi-même, en dehors de tout intermédiaire ou de toute médiation ? La conscience morale serait alors partie intégrante de la nature humaine, et ne serait plus conditionnée par telle ou telle détermination sociale.

Pour autant, pour que cette pureté de la conscience morale apparaisse, ne faut-il pas lutter contre un certain nombre de préjugés, lutte à laquelle l'éducation nous prépare ? Il n'y a pas de prédispositions innées Pour certains, les hommes, à la naissance, ne disposent pas des mêmes facultés intellectuelles.

De même que des individus naissent avec une constitution robuste et d'autres un corps chétif, de même, il est des êtres qui dès le commencement de leur vie sont en possession de facultés intellectuelles supérieures à d'autres.

C'est ce point de vue que combat Helvétius.

Il ne s'agit là, selon lui, que d'un faux raisonnement par analogie. A la naissance, l'homme est comme une table rase L'empirisme affirme qu'il n'y a rien dans l'entendement qui n'ait été auparavant dans les sens, cad que l'expérience est la source de toutes nos connaissances.

Toutes nos idées ne sont jamais, comme dit Hume, que des « copies de nos impressions sensibles ».

Non seulement l'expérience est la source de nos idées mais encore elle explique l'association de ces idées entre elles, cad le fonctionnement de notre esprit.

Qu'il s'agisse d'association par ressemblance (deux idées s'appellent l'une l'autre quand leurs objets ont été donnés de nombreuses fois soit l'un à côté de l'autre, soit l'un après l'autre).

C'est toujours dans des expériences antérieures et répétées que se trouve la raison de ces associations.

John Locke compare les nouveau-nés à des tablettes de cire sur lesquelles aucune empreinte n'a encore été tracée.

Ainsi, tous les hommes, à la naissance, partent avec les mêmes chances.

Il n'y a pas de prédisposition à l'intelligence.

Seule va alors compter l'éducation, qui, à terme, fera de l'un un génie, et de l'autre un âne. Le hasard détermine le développement de l'intelligence Comment expliquer que, face au même type d'éducation, certains êtres deviennent intelligents, et d'autres non? On peut introduire la notion de hasard dans l'instruction.

Le hasard, qui fait que nous rencontrons, par exemple, un bon pédagogue, préside à notre développement intellectuel.

Que l'on songe à Platon ayant eu la chance de rencontrer Socrate dans sa jeunesse. Nous n'avons pas tous un même cerveau. »