l'homme doit-il prendre la nature comme modèle ?
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Le terme de nature est polysémique : il désigne soit la nature d'un être et, dans cette perspective, l'ensemble des caractères innés de cet être, soit la
nature en général, c'est-à-dire l'ensemble de tout ce qui existe.
En effet le sens premier que l'on donne dans la vie quotidienne pour la nature est ce qui
existe en dehors du monde humanisé, transformé par l'homme.
La nature dans ce contexte est ce qui existe spontanément.
Le monde naturel est ce qui
existe indépendamment des intentions et des efforts de l'homme.
Il semble donc que nature et travail de l'homme soit indépendants.
Et pourtant d'où
l'homme tire-t-il les enseignements nécessaires à toute activité? Est-il vrai de dire que l'homme construit sans tourner les yeux vers ce qui l'a fait naître?
Pourtant tout est-il à prendre dans cet enseignement ? L'homme ne se caractérise pas justement par la transformation consciente de la nature ?
L'homme apprend en copiant la nature
Si on se demande si la nature est un modèle, cela implique qu'elle est imitée.
Or l'homme est le seul être qui se détache de la nature, donc il faut se
demander si l'homme copie la nature.
"La tendance à l'imitation est instinctive chez l'homme et dès l'enfance.
[...] C 'est par l'imitation qu'il acquiert ses premières connaissances".
( La poétique)
L'homme est un être issu de la nature et il semble difficile d'affirmer que l'évolution de l'homme et des techniques par exemple est due à la simple
intelligence humaine.
On admet de façon générale que l'homme a découvert le feu par la foudre et qu'il a ensuite essayé de reproduire ce qu'il avait vu.
Pour Eric Weil, l'homme a réussi à être maître et possesseur de la nature, non pas parce qu'il a essayé de la comprendre d'un point de vue humain mais
parce qu'il a "essayé de l'étudier telle quelle est et de lire, son grand livre dans le langage même qu'elle emploie, le langage de la mathématique." (La
science et la civilisation moderne)
De même, dans le domaine de l'art, on remarque les oeuvres imitent la nature tel que Platon l'a indiqué et l'a critiqué.
Si on ne peut pas réduire tout l'art à
l'imitation de la nature, l'apprentissage du peintre par exemple passe irrémédiablement par la copie de la nature.
L'exemple de Zeuxis est parlant dans ce
sens qui "peignait des raisins qui avaient une apparence tellement naturelle que des pigeons s'y trompaient et venaient picorer."( Hegel)
L'homme cherche à se détacher du modèle naturel
Pourtant depuis le début de l'humanité, les hommes cherchent à rompre avec la nature.
Comme le dit par exemple, Hegel, l'histoire est strictement humaine
: elle est le processus par lequel les individus se regroupent en société, et par lequel ils se démarquent de la nature.
La philosophie a longtemps tenté d'effacer en l'homme tous les instincts naturels et les traces d'animalité chez lui.
Elle tente d'y substituer la raison en vue
de rendre les actions humaines volontaires et réfléchies, oeuvrant consciemment pour le bien.
A insi par exemple, l'état de nature, selon Hobbes, est un état de guerre perpétuel, où chaque être tente de s'épanouir aux dépends des autres.
C'est un état
où la crainte et l'insécurité règnent.
C'est pour cela pour le philosophe que les hommes en sont venus à se rassembler en société et que le droit a été fondé
pour assurer à tous la sécurité et la tranquillité d'âme.
En dehors de l'Etat, les hommes jouissent d'une liberté absolue.
Mais chacun disposant de la même liberté absolue,
tous sont exposés à subir des autres ce qui leur plaît.
La constitution d'une société civile et d'un État oblige à une
nécessaire limitation de la liberté : il n'en reste que ce qu'il faut pour vivre bien et vivre en paix.
C hacun perd de sa
liberté cette part qui pouvait le rendre redoutable pour autrui.
Dans l'état de nature, chacun jouissait d'un droit illimité
sur toutes choses, mais tous disposant du même droit, nul n'était assuré de ne rien posséder durablement.
L'État
garantira la sécurité d'un droit de propriété limité.
Enfin, dans l'état de nature, chacun était exposé à la menace d'autrui
: il pouvait être à tout instant dépouillé de ses biens et tué.
Dans une société civile, seul le pouvoir de l'État s'arroge ce
droit.
Un Etat capable de protéger tous les citoyens de la violence des uns et des autres, de garantir la sécurité de leurs
corps et de leurs biens, de leur assurer la jouissance des fruits de leur travail, de faire régner la paix, la civilité, le savoir
et la sociabilité ne peut être que despotique.
Pour sortir les hommes de l'empire des passions, de la guerre, de la
crainte, de la pauvreté, de la solitude, de l'ignorance et de la férocité, l'État est une puissance absolue, instituée en vue
de la paix et de la sécurité.
"Quiconque a droit à la fin, a droit aux moyens." C haque homme ou assemblée investis de la
souveraineté sont juges absolus de tous les moyens nécessaires pour protéger ou garantir cette fin.
"Une doctrine
incompatible avec la paix ne peut pas davantage être vraie, que la paix et la concorde ne peuvent être contraires à la loi
de nature." La seule manière d'ériger un État est que tous confient leur pouvoir et leur force à un seul souverain (homme
ou assemblée).
Toutes les volontés doivent être réduites à une seule volonté.
L'État n'est pas un consensus ou une
concorde, mais une unité réelle de tous en une seule et même personne.
C'est que, en effet, dans la nature, règne la loi du plus fort.
La société humaine s'élève contre ce principe et tend à
déclarer l'égalité des droits de tous les individus, justement en opposition aux lois de la nature.
La nature est le point de départ de l'invention humaine
Pourtant on ne peut pas nier que la beauté existe dans la nature.
Certains spectacles nous ravissent l'âme.
De plus, la nature possède une vitalité telle que
même dans les pires conditions, la vie arrive toujours à reprendre le dessus.
On peut par exemple, penser que l'homme a pensé à voler en voyant un oiseau, mais on ne peut pas pour autant dire qu'il a pris la nature pour modèle.
Elle
lui a juste donné une idée à partir de laquelle l'intelligence de l'homme s'est appliquée.
En reprenant l'exemple de l'art, on ne peut pas dire que l'oeuvre d'art reproduise fidèlement la nature.
L'art est un autre monde que la nature et ce n'est pas
d'ordinaire l'émotion provoquée par la beauté de la nature qui donne à l'artiste l'idée de créer une oeuvre.
C omme l'écrit André Malraux : " de même qu'un
musicien aime la musique et non les rossignols, un poète des vers et non les couchers de soleil, un peintre n'est pas d'abord un homme qui aime les figures
et les paysages." A insi Hegel dans Esthétique critique l'idée que l'art imite la nature : c'est certes "dans les données de la nature que l'oeuvre d'art semble
puiser son contenu" mais " de là prétendre que le contenu comme tel, en tant que contenu doit être tout entier emprunté
à la nature, il y a loin."
Il faut bien voir aussi que la nature agit au hasard, ce qui est loin d'être le cas pour l'homme.
Ainsi Marx écrit : "ce qui
distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête
avant de la construire dans la ruche."( Capital).
Ainsi les productions de l'homme se caractérisent par la conscience et
l'intentionnalité, ce qui ne semble pas être le cas de la nature.
Ainsi, il semble que l'homme acquiert ses premières connaissances en prenant la nature pour modèle, puisque c'est la
première chose qui se trouve sous ses yeux et dans laquelle il vit.
Et pourtant il est indéniable que l'homme cherche
très vite à se détacher de ce modèle qui semble défaillant.
Il oppose en effet l'instinct à la raison.
Dès lors, si la nature
fournit un point de départ à l'homme, celui-ci dépasse le modèle initial en lui ajoutant conscience, intentionnalité et
raison.
Il imprime sa marque dans la nature même..
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