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L'histoire n'est-elle que désordre ?

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« POUR DÉMARRER Le récit sur le devenir de l'humanité ou bien ce devenir lui-même sont-ils seulement aléas, irrégularités, déviances ? L'historien ou le philosophe n'introduisent-ils pas de l'ordre là où nous percevons du désordre, des lois là où il y a en apparence des aléas ? Plus profondément, le sujet nous interroge sur la rationalité possible de l'histoire. CONSEILS PRATIQUES C'est le concept de désordre qui doit retenir votre attention.

Il est au centre de toute l'épistémologie contemporaine, des mathématiques à l'histoire.

Ordre et désordre tissent ensemble le réel. BIBLIOGRAPHIE HEGEL, La raison dans l'histoire, 10/18-UGE.

E.

MORIN, La méthode 1, Seuil. Introduction • C'est de l'histoire qu'il est ici question.

Mais que désigne ce terme ? Il est ambigu et représente deux ordres de réalité fort différents : d'une part, les événements et les faits du passé, c'est-à-dire la réalité historique objective et, d'autre part, la science du devenir des sociétés, qui incarne la face subjective de l'histoire.

De quoi parlons-nous ici ? À l'évidence d'abord des faits objectifs et de leur déroulement, mais aussi du récit historique, qui est concerné également par la question posée. • Quel est le sens de l'intitulé du sujet qui nous est ici proposé ? Le devenir des sociétés humaines et le récit historique sont-ils seulement absence d'ordre, de dispositions conformes à la raison ? L'histoire désigne-t-elle uniquement un ensemble chaotique d'irrégularités et de déviances ? • Qu'est-ce à dire ? L'histoire est-elle seulement une grande faiseuse de bruits, aussi confuse qu'énigmatique ? Ne nous fait-elle entendre que des sons incohérents ? N'avons-nous affaire qu'à un éparpillement analytique confus ? Ne peut-on dépasser ici la vision d'une incohérence comportant des aléas ? Or cette vision du désordre nous déçoit, elle n'apporte nulle satisfaction à notre besoin profond d'intelligibilité, mais aussi à notre désir de conférer sens à ce qui est humain.

Dès lors une synthèse ultime n'est-elle pas requise, pour tenter de transformer en ordre le désordre apparent ? Le problème est, en définitive, de savoir si l'histoire peut répondre au besoin d'intelligibilité de l'esprit humain et si elle a un sens. *Nous saisissons l'enjeu, l'importance décisive de la question posée, laquelle implique la possibilité - en cas de réponse affirmative - d'organiser un destin collectif authentique et de ne pas désespérer de l'avenir de l'homme. A) Thèse : l'histoire n'est que désordre. Quel désordre, quel ensemble d'irrégularités s'offrent d'abord à notre vue ! Tout, dans le champ historique, nous apparaît instabilité, absence d'articulation, collection de faits, privés à la fois d'ordre et de sens.

Nul effort orienté, nulle progression continue.

Certes, nous sommes en mesure, grâce au récit historique, de dégager quelques lois d'intelligibilité, quelques faisceaux fragmentaires d'ordre, possédant un sens psychologique ou économique, mais, audelà de ces quelques données explicatives, n'avons-nous pas affaire à une réalité aussi déchaînée qu'incohérente, à une absence d'ordre, d'intelligibilité profonde, à des irrégularités et instabilités, à un ensemble d'aléas décevants ? Si l'ordre désigne un arrangement ou une disposition rationnels et satisfaisants pour l'esprit, un enchaînement pénétré par la raison, oui, il faut reconnaître que l'histoire se situe davantage du côté du chaos que de celui de la rationalité et de la disposition conforme à des lois ou régularités.

L'histoire, disait James Joyce, est un cauchemar dont j'essaie de me réveiller. Nous voyons, partout, un immense tableau d'événements et de faits se succédant sans trêve, une succession de formes infiniment variées et désordonnées.

Tout, sans cesse, est entraîné, sans intelligibilité réelle, sans raisons claires et ordonnées.

Il n'y a pas un principe clair à l'oeuvre, mais une infinité incohérente de multiples principes. Certes, nous pouvons - tel est le dessein des historiens-dresser des tableaux d'événements ou nous efforcer d'établir quelques lois, de manière à essayer de transmuter le désordre en ordre.

Mais, ne nous y trompons pas : les causes de l'évolution historique restent opaques, les divisions et irrégularités priment sur le sens et l'ordre. L'irrégulier, le déviant, l'incertain, l'aléatoire dominent.

Si l'historien instaure un ordre, s'il construit de grandes séries intelligibles, s'il tente de conférer un sens, n'est-il pas vrai que les événements fortuits l'empêchent de vraiment construire une intelligibilité profonde ? Les ensembles articulés sont rares. « Nous voyons paraître à la surface l'activité et la souffrance humaine [...] Tantôt c'est la beauté, la liberté, la richesse qui nous attire [...] Tantôt nous voyons l'ample masse d'un intérêt général se mouvoir lourdement et tomber en poussière en devenant la proie d'un ensemble infini de petites circonstances - et, ensuite, nous voyons une bagatelle se produire grâce à un énorme déploiement de forces, ou bien quelque chose d'énorme surgir de conditions apparemment infimes.

Partout la cohue la plus bigarrée, qui nous captive, et quand une chose disparaît, une autre prend aussitôt sa place.

» (Hegel, in Philosophie de l'histoire.

Textes choisis, PUF, p.

14). Toutefois une explication ou une vision qui retient essentiellement le désordre des phénomènes historiques et leurs caractères aléatoires semble particulièrement décevante pour l'esprit.

Si l'histoire n'est qu'une cohue bigarrée- ce que Hegel ne croyait nullement-, comment comprendre les événements de l'humanité ? Ils se dérobent à nous et plongent dans le non sens.

Oui, il nous faut un ordre : notre esprit l'exige et le veut.

Il faut que les désordres se résorbent et se dissipent, à la grande clarté de l'esprit.

Si l'histoire est une collection décevante de faits pour l'essentiel aléatoires, alors l'homme ne retrouve pas la raison dans l'histoire.

Or il lui faut cette clarté rationnelle.. »

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