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L'existence d'un pouvoir judiciaire est-elle nécessaire à l'application du droit ?

Extrait du document

« Introduction Il est frappant de constater qu'une notion aussi riche et abstraite que le droit est omniprésente dans nos sociétés.

Partout où existe un groupement volontaire d'humains existe en même temps les règles qui déterminent les rapports entre les individus.

Mais au-delà de la préexistence d'un droit théorique dans toute société (une législation, un pouvoir de création des lois) est également présent un pouvoir judiciaire (ensemble des institutions reconnues) sensé appliquer les lois tout en faisant respecter le droit positif (désigne l'édifice juridique comprenant les lois et les diverses institutions de la justice). C'est précisément sur ce point que démarre notre questionnement philosophique.

En effet, chaque société dispose d'un tel pouvoir judiciaire (bien qu'il diffère selon les cultures), force légale et manifeste (police, armée, administration, prison...) de contrainte à la loi reconnue et de sanction en cas de manquement à celle-ci.

Cette entreprise étatique de coercition est-elle nécessaire et légitime ? Est-ce à dire que le droit est un principe et une solution contre un chaos naturel ? L'humain n'est-il pas assez sage, ni assez « autonome » ? I.

Droit positif/droit naturel Le fait de répondre oui ou non à la question posée conduit inéluctablement à confronter, opposer même, deux visions du monde.

Si vous considérez, comme les tenants d'un positivisme juridique (Hobbes, Rousseau...), que le monde est chaotique, alors vous faites de l'homme et de sa faculté législatrice un principe de mise en ordre et de transformation de cette situation initiale. Ainsi Hobbes (Cf.

Le Léviathan ) qui, constatant la méchanceté humaine originelle (il reprend le « homo homini lupus » d e Plaute, « l'homme est un loup pour l'homme »), affirme la nécessité d'un droit coercitif, « conventions » soutenues par le « glaive » (d'où la figure autoritaire et métaphysique du Léviathan).

Le bien commun, pense Hobbes, ne peut être garanti que par la force cohésive d'un souverain.

Ce dernier incarne à la fois le droit et le devoir juridique en ce sens qu'il est reconnu « juge permanent ».

Cette théorie de Hobbes s'appuie sur une critique du droit naturel au profit du droit positif. L'idée d'un droit de nature est déjà présente dans les discours de Platon (Cf.

Gorgias), sous la parole de Calliclès.

L'homme n'a pas besoin des conventions artificielles puisque la nature s'occupe de tout. Cette idée radicale du droit naturel conduit à considérer comme légitime un droit du « plus fort ». Appliquer la loi naturelle c'est tout simplement exprimer sa nature.

Il appartient légitimement au fort de dominer le faible, et que ce dernier cherche à sauver sa vie.

Ce droit est finalement destructeur de tout le système juridique positif car ce dernier, au regard de cette inscription dans l'ordre naturel, est jugé superflu et artificiel.

Cette position « jusnaturaliste » (théorie du droit naturel) fut soutenue par Aristote, Thomas d'Aquin, Locke (en un sens plus individualiste) ou encore Kant. Nous voilà devant un dilemme.

L'absence de pouvoir judiciaire rend possible une « loi de la jungle », mais sa présence reste toujours soupçonnable de corruption, d'usage illégitime de la force, d'être en un mot inique. II.

Le droit du plus fort Certes, nous ne connaissons pas d e sociétés sans droit et sans pouvoir judiciaire.

Partout sont présents les deux.

Mais de la même manière que Hume, nous pouvons penser que ce n'est pas parce que ce cas s'est toujours présenté ainsi qu'il doit être pour autant considéré comme une nécessité immuable. Il est en effet remarquable de constater qu'aux prémisses de l'histoire du droit jusqu'à nos jours se sont succédés toutes les formes dévoyées d'un pouvoir voulu juste (despotisme, tyrannie, dictature, totalitarisme...).

Les dérives du pouvoir ne masquent cependant pas les difficultés intrinsèques de tout pouvoir judiciaire cherchant à appliquer le droit.

Kant dit bien que l'homme est fait d'un « bois courbe » et Hobbes de rappeler qu'il est un « loup pour l'homme ».

N'est-il pas nécessaire d e contraindre par la force cette insoumission, cet égoïsme originel, au nom de la paix commune ? Mais, par là même, l'emploi d'une telle force n'est-elle pas un aveu d'impuissance du droit à absolutiser son règne ? L'affirmation d'une nécessaire coercition peut conduire à un « légalisme ».

Cela se définit comme un privilège exubérant accordé au respect formel de la loi, au détriment d'une réflexion sur son bien fondé, son équité, sa légitimité.

Plus généralement elle conduit immanquablement à accepter des régimes iniques.

Dans leurs travaux respectifs, Arendt, Weber, Foucault ont posé la question d e la légitimité des pouvoirs politiques, notamment judiciaires.

Foucault (Cf.

Surveiller et punir) cherche à retracer la généalogie du pouvoir de punir qu'il détermine comme « complexe scientifico-judiciaire ».

Il s'aperçoit que la manifestation de la force du pouvoir judiciaire ne cesse d e se transformer en amenuisant son caractère violent et sanglant.

La prison devient alors le modèle coercitif du pouvoir qui, par expérience (la Révolution française), comprend qu'il faut régner avec prudence.

Foucault entend l'exercice du pouvoir comme « société de surveillance » dont le rôle majeur est de surveiller, contrôler, éduquer, contraindre, assujettir l'individu. Le pouvoir judiciaire peut s'entendre alors comme réponse à une nature humaine agressive.

La force de coercition répond à la violence destructrice d'ordre.

Toutefois la violence collective n'est-elle pas la résultante d'une iniquité ? La Révolution française en est un parfait exemple.

Kant approuva cette révolution face à un pouvoir injuste car celle-ci caractérisait l'évènement, l'avènement du Droit.

En dehors de cet État de droit, toutes les révoltes sont légitimes si elles ont en vue cette proclamation d'un Droit universel (légitimité absolue). Conclusion L'histoire d e l'humanité montre l'interdépendance du droit et de son pouvoir d'application dans toutes les sociétés.

Mais cette nécessité du pouvoir judiciaire est fragile car dépendante de la légitimité du pouvoir et du droit en place. Foucault dénonça cette entreprise, masquée, de contrôle et d'assujettissement d e l'individu au pouvoir en place.

Il est fort envisageable de considérer que l'espèce humaine n'a pas encore trouvé la sagesse nécessaire à l'application libre et volontaire du droit par tous les individus.

C'était le rêve moral de Kant dont il annonçait lui-même le caractère illusoire.. »

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