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Les vérités mathématiques constituent-elles le modèle de toute vérité ?

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« [Introduction] La nature de la vérité est, depuis les débuts de la philosophie, un sujet de réflexion et de débats capital.

Pour préciser en quoi consiste la vérité, il est tentant de considérer les domaines dans lesquels elle paraît la mieux établie, et parmi ces domaines, les mathématiques ont fréquemment été reconnues comme le moins contestable.

Au point que, chez certains philosophes, les vérités que l'on élabore en mathématiques font office de modèle, non seulement pour toute vérité scientifique, mais aussi pour la vérité dans quelque domaine que ce soit.

Reste à savoir toutefois si les vérités mathématiques, en raison même de leurs caractères, peuvent inspirer la définition des vérités portant sur des secteurs dont la mathématisation n'est pas intégralement possible, ou, plus gravement encore, dont la mathématisation n'est pas même concevable.

Il apparaît ainsi qu'accepter le modèle mathématique n'est pas si aisé qu'on pouvait d'abord le penser. [I.

LES MATHÉMATIQUES COMME MODÈLE D'ENCHAîNEMENT DÉDUCTIF] Apodicticité de la démonstration mathématique. a) Descartes déclare, dans son Discours de la Méthode, qu'entre toutes les sciences, les mathématiques l'attirèrent « à cause de la certitude et de l'évidence de leurs raisons ». b) Science abstraite, qui fait l'unanimité de ceux qui la pratiquent, la science mathématique apparaît comme un modèle d'intelligibilité auprès des autres sciences. Généralité et abstraction des objets mathématiques. a) Généralité : les mathématiques, dit Descartes, sont « une science générale qui explique tout ce qu'il est possible de rechercher touchant l'ordre et la mesure, sans assignation à quelque matière particulière que ce soit » (Règles pour la direction de l'esprit, 1629).

Elles ne considèrent, dans le domaine où on les applique, « que les divers rapports ou proportions qui s'y trouvent » (Ibid ) b) Abstraction : A propos des objets dont elles traitent, les mathématiques ne se mettent guère en peine de savoir « si elles sont dans la nature, ou si elles n'y sont pas » (Descartes, Méditations métaphysiques, 1641 ).

Selon le mot de Goblot, les mathématiques n'ont pas besoin pour être vraies que leurs objets soient réels.

La certitude de leurs démonstrations ne requiert aucunement la vérification expérimentale. Autre formule célèbre qui souligne l'abstraction de l'objet mathématique : la géométrie, dit-on souvent, est l'art de raisonner juste sur des figures fausses (puisque les segments que je trace sur ma feuille ont une épaisseur, puisque la droite que je figure n'est pas infinie, etc.). Le raisonnement déductif. La démonstration mathématique est nécessaire (ou apodictique).

Sa force probatoire s'impose comme une obligation à l'esprit.

On appelle raisonnement déductif, écrit le mathématicien Jean Dieudonné, « un enchaînement de propositions disposées de telle sorte que le lecteur (ou auditeur) se voit contraint de considérer comme vraie chacune d'elles, dès qu'il a admis la vérité de celles qui la précèdent dans le raisonnement ». [II.

Les vérités mathématiques comme modèle] Dès Platon, la connaissance des mathématiques est affirmée comme nécessaire au philosophe : dépassant l'univers du sensible, elle constitue un premier pas dans l'univers intellectuel, et rapproche l'esprit de la connaissance finale — celle des Idées.

Toutefois, Platon caractérise les mathématiques par le recours au raisonnement « hypothétique » (la dianoia) : on s'y appuie sur des « hypothèses » (que l'on peut comprendre comme l'ensemble des axiomes et postulats fondant un système) qui permettent sans doute d'opérer toutes les déductions possibles, mais ne sont pas en elles-mêmes prouvées.

Or, le stade ultime de la connaissance, où se réalisera l'accès aux vérités les plus hautes, met au contraire en oeuvre une pensée « anhypothétique », qui est davantage de l'ordre d'une intuition intellectuelle que du raisonnement déductif.

Il apparaît ainsi que les vérités mathématiques ne peuvent faire office de modèle que pour des niveaux relativement « inférieurs » de la connaissance ; lorsque celle-ci vise l'Être lui-même, le modèle doit être abandonné. Chez Platon, la vérité la plus ambitieuse est métaphysique, et l'on peut remarquer avec certains logiciens contemporains que s'effectue là une confusion entre vérité et réalité : la connaissance du Vrai nous donne accès au fondement de ce qui, par-delà l'univers sensible, possède le plus de réalité.

Il n'est pas surprenant que, avec le développement de sciences conquérant leur autonomie relativement à la philosophie et progressivement capables d'inventer leurs méthodes spécifiques, le point de vue se modifie. Aussi les mathématiques acquièrent-elles un tout autre statut chez Descartes, qui commence par souligner que leur certitude vient de ce qu'« elles traitent d'un objet assez pur et simple pour n'admettre absolument rien que l'expérience ait rendu incertain ».

Ce qui, selon lui, ne doit pas nous encourager à nous intéresser exclusivement à l'arithmétique et à la géométrie, mais doit nous amener à reconnaître que « ceux qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s'occuper d'aucun objet, dont ils ne puissent avoir une certitude égale à celle des démonstrations » que l'on rencontre en mathématiques.

Dans ce contexte, le raisonnement et la vérité mathématiques servent bien de référence, et désignent le modèle de toute démarche scientifique.

Spinoza, lorsqu'il rédige son Éthique « à la façon des géomètres », sous-entend que ce modèle pourrait valoir également pour la philosophie, qu'il parvient à concevoir comme un système aussi rigoureux qu'un système mathématique : fondé sur des définitions, des axiomes. »

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