Les rapports de la science et de la philosophie ?
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«
INTRODUCTION.
— Jadis, la philosophie englobait l'ensemble du savoir et philosophe voulait dire savant aussi bien
que sage.
Mais elle a perdu, au cours des âges le plus grand nombre des branches qui se rattachaient à son tronc
et il ne lui reste plus comme domaine indiscuté que la métaphysique.
Depuis plus de cinquante ans, en effet, la
psychologie passe, aux yeux de certains, pour une science indépendante.
On a plus récemment observé en logique
et en morale un essai analogue de libération : certains logiciens, dans l'esprit de l'école sociologique française,
prétendaient se contenter, comme le psychologue ou comme l'historien, d'observer le mécanisme de la pensée
collective et d'établir ses règles; d'autres, les logisticiens, ramenaient la logique à une algèbre dont les principes
aussi bien que les termes sont complètement conventionnels.
C'est donc à la métaphysique qu'il faut se référer si l'on veut se faire une idée juste de la philosophie.
Cependant,
malgré les prétentions de quelques spécialistes, la philosophie ne se réduit pas à la métaphysique et les philosophes
métaphysiciens continuent à revendiquer comme étant de leur ressort la psychologie aussi bien que la logique et la
morale; sans doute, ils traitent ces disciplines en métaphysiciens plutôt qu'en savants; mais par là même c'est tout
le domaine traditionnel de la philosophie qui nous permettra de caractériser les recherches auxquelles se livre le
philosophe et de déterminer leurs rapports avec les recherches scientifiques.
I.
— RAPPORT DE RESSEMBLANCE ET DE DIFFÉRENCE.
A.
On oppose assez couramment la pensée scientifique et la pensée philosophique; mais il ne faudrait pas
prendre cette distinction à la lettre :il n'y a pas deux modes de penser complètement irréductibles dont l'une ne
vaudrait que dans le domaine de la philosophie et l'autre dans le domaine de la science; le savant n'a pas un esprit
ou une raison différente de l'esprit ou de la raison du philosophe; tous deux se fondent sur les mêmes principes et
sont poussés par le même ressort, le besoin du savoir et surtout de comprendre.
Il ne faudrait pas davantage, avec ceux qui ne connaissent la philosophie que de l'extérieur ou par ses caricatures,
croire que le savant part des faits et reste dans le domaine des faits, tandis que le philosophe plane — et se perd,
disent certains — dans le domaine du rêve.
D'une part, en effet, si tous les savants tirent leurs notions des faits, il
en est, les mathématiciens, qui ne restent pas à ce niveau du réel et qui construisent de toutes pièces le monde
dans lequel ils évoluent.
D'autre part, le philosophe part, lui aussi, des faits : les notions qu'il utilise, par exemple
celles de cause ou de fin, d'esprit on de matière, de bien ou de mal, lui sont données par l'expérience du monde
dans lequel il vit.
De plus, c'est ce monde qu'il veut comprendre et expliquer et non je ne sais quel monde possible
que pourrait lui représenter son imagination.
B.
Néanmoins, la philosophie ne se confond pas avec les autres sciences.
a) Et d'abord, si, comme elles, elle aspire à expliquer le réel, l'explication qu'elle cherche ne se situe pas au même
niveau.
Le savant se contente de l'explication immédiate et directement vérifiable; le philosophe prétend à
l'explication dernière.
Le savant constate que le monde existe et s'efforce de comprendre les phénomènes qu'il y
observe; le philosophe se demande comment et pourquoi il existe, il cherche sa cause première et sa fin dernière.
b) Mais cette différence n'est sans doute pas la plus essentielle.
On peut même dire que le philosophe ne s'occupe
guère du monde, au sens ordinaire du mot dans la bouche des savants, c'est-à-dire du monde matériel; du moins le
regarde-t-il avec d'autres yeux.
Considérant les choses en gros, nous dirons, avec BERGSON, que la philosophie a pour objet l'esprit, tandis que la
science tourne autour de la matière.
Sans doute, il est des sciences, les sciences morales, qui étudient l'activité
spirituelle de l'homme.
Mais parmi ces sciences, l'histoire et la sociologie se
contentent des résidus refroidis de cette activité: monuments, institutions,
correspondance, etc.; elles étudient l'homme comme un objet.
Au contraire, la
psychologie classique, celle qui reste étroitement liée à la métaphysique, l'étudié
comme un sujet; elle procède par des méthodes qui ne sont possibles que dans
l'étude de l'esprit : la méthode introspective et la méthode réflexive.
Il faut bien reconnaître aussi que la métaphysique traite de la matière dont elle
discute l'existence et la nature.
Mais elle n'en traite pas comme le physicien qui
n'éprouve aucune difficulté, à la réduire à des principes matériels.
Pour le
philosophe, au contraire, le type de l'existence est celle de l'esprit et c'est sous
forme de pensée de l'esprit que nous connaissons l'existence des réalités qui
paraissent le plus étrangères à l'esprit.
Aussi cherche-t-il jusque dans la matière
le principe spirituel qui la rend pensable.
Ainsi, jusque dans les chapitres qui
semblent le plus rapprochés de la physique, la philosophie reste la science de
l'esprit.
Une des caractéristiques de l'esprit et de toute réalité dans la mesure où elle
participe à l'esprit, est la liberté qui consiste dans le pouvoir de' choisir le bien
perçu par l'intelligence et le bien de l'intelligence elle-même qui est le vrai.
En
Dieu, esprit que rien ne limite, cette liberté est parfaite : Dieu se porte
nécessairement vers le vrai et vers le bien.
L'homme n'est pas un esprit parfait, et il est sujet à l'erreur.
Il n'est
même pas un pur esprit : corps en même temps qu'esprit, il peut se détourner du bien que lui montre son intelligence
et s'abandonner à l'attrait du plaisir; pour lui, la liberté devient la faculté de choisir entre le bien et le mal.
De là deux parties importantes de la philosophie qui ont pour but de diriger l'homme dans la recherche du vrai et.
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