Aide en Philo

Les principes de la raison sont-ils immuables ?

Extrait du document

« Les principes de la raison sont-ils immuables ? INTRODUCTION.

— Si toutes nos connaissances reposent en définitive sur des intuitions qui nous font atteindre la réalité elle-même, notre savoir est considérablement étendu par l'élaboration rationnelle du donné intuitif : grâce à la raison, l'esprit, en se fondant sur les données expérimentales, déborde toujours plus le domaine de l'expérience; ensuite, par une organisation logique des connaissances acquises, il approfondit sans cesse son intelligence du réel. Or, l'armature de cette activité et d»e ce savoir est constituée par les principes de la raison : dans les sciences mathématiques, dont l'objet n'est qu'une abstraction de l'esprit, n'intervient que le principe d'identité avec ses dérivés, le principe de contradiction et le principe du tiers exclu; dans les sciences expérimentales qui cherchent à déterminer les lois de la réalité concrète, comme d'ailleurs dans la pensée pratique complètement engagée dans le réel, les principes que nous venons d'énumérer restent toujours nécessaires pour assurer la correction logique des opérations mentales; mais le levier essentiel du progrès, de la découverte et de la preuve est le principe de raison suffisante qu'on invoque le plus, souvent sous une de ses formes dérivées, le principe de causalité et le principe de finalité. Par suite, la valeur de nos connaissances dépend de la valeur de cette armature qui a contribué à leur acquisition et les a élaborées en un système cohérent.

Sans doute, il est théoriquement des connaissances intuitives qui, nous donnant l'objet avant toute élaboration rationnelle, présentent une valeur absolue Mais, pratiquement, chez l'adulte, l'intuition pure n'est plus qu'un état limite auquel il est incapable de revenir : le savoir élaboré par l'esprit se superpose constamment au donné intuitif quand il ne se substitue pas à lui.

Aussi n'est-il pas exagéré de faire dépendre la valeur de nos connaissances de la valeur des principes. Il est donc important de savoir si les principes de la raison sont immuables.

Cette immutabilité seule peut garantir la valeur de l'édifice des sciences comme aussi la légitimité de nos certitudes. I.

— La thèse : L'IMMUTABILITÉ.

(Conception classique.) A la question de l'immutabilité des principes de la raison, la philosophie classique répond nettement par l'affirmative. Pour elle, les principes de la raison sont la loi de toute pensée; par suite, il est contradictoire de concevoir un esprit soumis à des principes différents. Les principes ne changent donc pas avec l'âge mental, soit des individus, soit des peuples.

Sans doute, il est un niveau de développement auquel la raison n'apparaît pas ou n'apparaît guère : la vie psychique s'explique alors totalement ou principalement par le jeu des associations.

Mais dès que la pensée prend le caractère rationnel, elle se conforme aux principes qui régissent l'activité intellectuelle de l'adulte civilisé. Il y a donc bien un progrès de la raison en ce sens que les hommes, à mesure qu'ils s'instruisent et se forment l'esprit, s'habituent à penser plus rationnellement et à éliminer de leurs jugements les facteurs extra-rationnels qui les faussent.

Mais ce progrès s'effectue toujours dans le même sens et consiste dans l'extension à des domaines nouveaux de principes d'abord admis dans la partie du réel la plus aisée à connaître : c'est ainsi que le principe de raison suffisante a été progressivement étendu du règne minéral à celui du vivant, puis à l'activité humaine, individuelle ou collective, et même à des faits psychiques qui, comme les lapsus ou les rêves, semblent ne relever que du hasard; la tentative faite par E.

MEYERSON de ramener l'explication causale à l'explication par l'identité nous fournit un autre exemple du progrès de la rationalisation tel que le concevait la philosophie classique. II.

— L'antithèse : LA MUTABILITÉ (Conception dialectique.) A.

Faits contraires à la conception classique.

— La conviction de l'immutabilité des principes de la raison a été fortement ébranlée chez nombre de philosophes contemporains par une observation plus attentive et plus étendue de la pensée humaine et surtout par le développement de la physique dans le sens de l'infiniment grand et de l'infiniment petit. a) La variabilité de la pensée des hommes suivant la latitude, la civilisation et même les dispositions individuelles a été signalée depuis qu'on réfléchit et a fourni le principal argument des sceptiques de tous les temps..

Mais on a procédé au cours de ce siècle à une étude plus méthodique des mécanismes intellectuels des diverses catégories d'humains et on a cru observer en particulier que les principes directeurs de la pensée changent quand on passe de l'enfant à l'adulte ou du primitif au civilisé.

Qu'il nous suffise de rappeler les travaux de PIAGET et ceux de LEVYBRUHL. Jean PIAGET a mis en relief les incohérences de la pensée enfantine, qui ne devient rationnelle que peu à peu, par l'action de l'expérience, de l'éducation et de la vie collective : pour l'enfant, les mêmes causes peuvent produire des effets différents, et le principe de causalité manque de la rigueur qu'il présentera plus tard; parfois même sa pensée s'évade des cadres du principe des principes, le principe d'identité, et il émet des affirmations qui se contredisent les unes les autres. Semblables aux enfants, les primitifs ne sont pas sensibles à la contradiction, et LEVY-BBUHL, se fondant en particulier sur le fait qu'ils admettent une « participation » des êtres les uns aux autres, leur a attribué une « mentalité prélogique », la logique et les principes rationnels qui en sont le levier étant une acquisition de la civilisation. A vrai dire, ces observations ne sont guère probantes, et les auteurs qui les ont faites en ont conclu à l'acquisition progressive plutôt qu'à la mutabilité véritable des principes.

Les illogismes des enfants et des primitifs peuvent s'expliquer, soit par leur maladresse d'expression, soit par l'étroitesse de leur esprit, qui ne leur permet pas les vues synthétiques nécessaires pour apercevoir les contradictions..

Pour PIAGET, les principes ne sont pas reçus tout faits du dehors, du milieu physique ou du milieu social : ils résultent d'une assimilation; la raison est préformée à l'état virtuel chez l'enfant, et c'est elle qui élabore lentement le donné de l'expérience pour le faire entrer dans ses. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles