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Les pouvoirs et la nature de la raison ?

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« Termes du sujet: POUVOIR: Du latin populaire potere, réfection du latin classique posse, «être capable de ». 1° Verbe : avoir la possibilité, la faculté de.

2° Avoir le droit, l'autorisation de.

3° Nom : puissance, aptitude à agir.

4° En politique, ressource qui permet à quelqu'un d'imposer sa volonté à un autre, autorité.

5° Employé seul (le pouvoir), les institutions exerçant l'autorité politique, le gouvernement de l'État. Nature: Désigne au sens large ce qui existe indépendamment de l'action humaine, ce qui n'a pas été transformé.

Naturel s'oppose alors à artificiel, ou culturel. Aristote définit la nature comme ce qui possède en soi-même le principe de son propre mouvement, autrement dit comme ce qui possède une spontanéité autonome de développement. Raison: Si ses déterminations exactes varient d'un philosophe à l'autre, tous reconnaissent la raison comme le propre de l'homme, et comme la faculté qui commande le langage, la pensée, la connaissance et la moralité.

Descartes l'assimile au « bon sens », c'est-à-dire à la faculté de juger. Kant distingue le versant théorique de la raison, qui a trait à la volonté de connaître, et le versant pratique, par lequel l'homme se soucie de son action et entend en lui l'appel du devoir moral. « Nature » a deux sens en français, puisqu'on parle aussi de la « nature » d'une chose.

En fait, ces deux sens ont la même origine : nature vient du latin nascor, naître.

La nature d'une chose, c'est ce qu'elle était en quelque sorte « à la naissance », avant toute modification. Aristote définit la nature comme ce qui est à l'origine de son propre mouvement : contrairement à l'horloge qu'on doit remonter, la plante semble pousser « toute seule ».

En ce sens, la nature s'oppose aussi bien à la technique qu'à la culture, qui désignent les différents produits de l'action humaine. Donnons une idée des principaux effets dont on crédite habituellement le pouvoir de la raison : - la raison est d'abord un pouvoir d'abstraire et de généraliser.

C'est par la raison que nous concevons la figure, le mouvement, l'ordre ou le nombre, séparément des objets et des situations dans lesquels nous les rencontrons.

C 'est par la raison que nous rassemblons ces qualités, et généralisons leurs relations mutuelles pour élaborer des propositions arithmétiques, établir des comparaisons, formuler des lois de concomitance, de causalité, etc. - La raison est aussi un pouvoir de déduire : de conduire un raisonnement selon un enchaînement réglé et homogène, de percevoir une relation nécessaire entre une cause et des effets, entre un principe et des conséquences. - La raison s'exerce encore dans la coordination systématique des opérations de l'intelligence, en les inscrivant dans une perspective de cohérence globale et synthétique, en formulant les principes généraux de leur coordination, en donnant des « règles pour la direction de l'esprit », pour parler avec Descartes. - La raison peut encore s'élever à la considération des causes premières ou des premiers principes, elle tente alors de transcender le régime de pensée qui consiste à remonter indéfiniment de l'effet à la cause, de la conséquence au principe, de la déduction à l'hypothèse, de l'état à la condition.

Elle prétend ainsi déterminer un absolu (le bien, l'idée suprême, l'un, le premier moteur, Dieu, moi, le monde), que Platon nomme l'anhypothétique, Kant l'inconditionné, non sans remarquer que cet exercice périlleux peut égarer la raison. Telles sont sommairement, les quatre fonctions attitrées de la raison : induction, déduction, régulation, contemplation.

Essayons à présent de cerner sa nature. S'agit-il d'une réalité physique, par exemple d'une complication du système cérébral, dont la neurobiologie nous livrera bientôt les secrets? On n'a jamais vu un homme raisonner sans cervelle.

Pour raisonner, il faut avoir toute sa tête.

Est-ce à dire que la raison s'identifie au contenu de la boîte crânienne? Devons-nous étudier la raison comme une simple fonction psychologique (à côté de la perception, de l'imagination, de la mémoire); ou comme la structure fondamentale de l'activité mentale et du comportement humain ? Dépend-elle essentiellement du langage ? Est-ce un idéal d'intelligibilité qui guide nos recherches et sollicite nos spéculations ? Une norme qui régit les opérations de l'esprit humain? Un principe d'organisation commun à l'univers et à la pensée ? Une divinité qui gouverne toutes choses, comme l'ont affirmé Le Livre de la Sagesse, les Stoïciens, Leibniz, Malebranche (« la raison que nous consultons est une Raison universelle...

immuable et nécessaire; elle n'est pas différente de celle de Dieu », Recherche de la vérité, dixième éclaircissement) ou encore la Convention Nationale qui, sous l'impulsion de Chaumette, instaura en 1793 le culte officiel de la déesse Raison, « l'Être suprême ne voulant d'autre culte que celui de la Raison » ? Discutons chacune de ces possibilités. Traiter la raison comme un organe, ou un support neurobiologique, c'est briser un tabou (qu'avaient déjà bousculé Epicure et les Stoïciens).

Mais le risque est grand de passer à côté de la dimension réflexive de la raison.

Une raison qui ne serait pas consciente de ses opérations se réduirait à une machine enregistrant et connectant des représentations, elles-mêmes réduites à des stimulations neuronales.

Pourquoi pas ? Mais il n'est pas certain que l'expérience que nous faisons du raisonnement trouve une traduction fidèle dans ce schéma mécaniciste.

Diderot comparait plaisamment le processus de la conscience réfléchie des perceptions à un clavecin qui aurait la faculté de se pincer lui-même (Entretien avec d'Alembert). Si on définit la raison comme une norme de fonctionnement de l'esprit humain, on rencontre aussitôt la question de l'unité de la raison.

Ne revêt-elle pas les formes les plus diverses, en fonction des domaines où elle s'applique? Faudra-t-il distinguer une raison mathématicienne, une raison physicienne, une raison technicienne, une raison esthétique, une raison pratique (faculté de saisir les maximes de l'action) ou morale ? Il n'y aurait pas dans ce cas une raison définie, mais une multitude de procédures rationnelles, indéfiniment variées en fonction du domaine exploré.

L'exigence rationnelle de cohérence, de coordination, d'ordre et d'enchaînement logique, que l'on récapitule sous le terme fourre-tout de raison, ferait encore l'objet d'adaptations sans cesse diversifiées, en fonction des habitudes de pensée propres à l'explorateur donné d'une époque donnée.

L'évolution de ces normes faisait dire à Bachelard que l'idée d'une raison absolue et éternelle appartient à une philosophie périmée. Si l'on définit la raison comme une instance extérieure à nos facultés intellectuelles — un ordre objectif, un principe d'organisation, un esprit ordonnateur de l'univers, des structures de la matière et des lois de la nature —, alors comment pouvons-nous en dire quoi que ce soit? Ne faut-il pas que cette raison se prête à nos schémas de pensée, qu'elle soit perméable à nos catégories ? Autrement, qu'aurions-nous à faire d'une raison inaccessible ? L'efficacité, même partielle, de nos facultés rationnelles, la pertinence, si souvent vérifiée, de nos explications, fussent-elles provisoires et révisables, suppose une correspondance — ou au moins une analogie — entre nos structures intellectuelles et l'organisation interne de la réalité.

L'explication rationnelle que nous donnons d'un fait ou d'un comportement, le calcul qui permet de prédire les coordonnées d'un phénomène et l'intensité de ses variables, posent une redoutable énigme : l'exercice de la raison humaine pénètre-t-il la cause des choses ? La liaison, l'ordre, la cohérence, l'enchaînement que nous percevons sont-ils dans les choses, coïncident-ils avec ce qui fait qu'elles sont comme elles sont ? Ou bien ces formes rationnelles ne sont-elles que l'oeuvre de notre raison, qui les impose, autant qu'elle le peut, aux données de l'expérience, comme une grille de lecture ou un artifice de présentation, un conditionnement arbitraire mais commode pour le traitement que nous voulons leur administrer? « La chose la plus incompréhensible à propos du monde, déclarait A.

Einstein, c'est qu'il soit compréhensible ». En d'autres termes, il n'y a pas de raison pour que le monde soit accessible à la raison.

Nous ne pouvons rendre raison du fait que la réalité se prête à un traitement rationnel.

Ou comme le déplore Nietzsche avec mépris, que « le monde soit un petit pensum pour mathématicien ». La conquête du monde par la raison reste donc, malgré le désenchantement qu'elle produit, un sujet d'émerveillement.

Sous la froide raison couve parfois l'enthousiasme, comme le feu sous la cendre.. »

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