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Les mots disent-ils l'essence des choses ?

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« Introduction L'homme vit entouré d'êtres et d'objets qui lui sont extérieurs et existent en dehors de lui.

Le langage est le moyen dont il dispose pour dire ce réel, pour l'appréhender et même le connaître.

Mais le langage est fait de mots qui désignent chaque objet réel, chaque chose.

Les mots, ces groupes de sons qui ont un sens, renvoient aux choses du monde, et permettent donc, en principe, d'avoir accès au réel. Mais c'est imparfaitement que les mots décrivent le réel.

Faut-il penser alors que les mots cachent les choses ? Cela signifierait qu'au lieu de dévoiler la réalité et de nous livrer l'essence des choses, les mots seraient incapables de dire la richesse du réel et même seraient un obstacle à notre compréhension de ce qui nous entoure. Pour répondre à cette question qui met en jeu les relations que nous entretenons avec les choses qui nous entourent, mais aussi avec les êtres avec qui nous vivons, il convient de nous interroger sur le rôle du langage et sur sa nature.

Nous verrons donc que les mots, s'ils représentent bien les choses, ne sont pas pour autant capables de saisir l'essence de ce qui est.

Pour pallier cette saisie imparfaite, tronquée et trompeuse, nous verrons aussi que le langage peut être travaillé, et nous livrer alors une vision poétique des choses, capable, contre toute attente, de nous donner à voir le coeur des choses. I- Les mots dévoilent les choses A- Les mots disent la nature des choses *Les mots servent en premier lieu à désigner les choses, l'ensemble de tout ce qui existe autour de nous.

Ainsi, on apprend à l'enfant à faire correspondre un nom à chaque chose.

Cette nomination du réel a pour but de rendre l'homme comme maître et possesseur de la chose : l'homme nomme la chose donc elle lui appartient, il peut la désigner à autrui, il peut s'en saisir ou bien encore connaître sa fonction, puisque le mot renvoie à un sens qui dit ce qu'est la chose. *Mais comment fonctionne ce rapport du mot qui désigne avec la chose qu'il désigne ? C'est-à-dire: de quelle façon est-ce ce mot qui renvoie à cette chose ? C'est là la position de Cratyle dans le discours éponyme de Platon : les mots disent la nature des choses.

Par exemple, le verbe "chuchoter" rappellerait par ses sonorités l'action même qu'il désigne. C'est une thèse séduisante parce qu'elle nous fait croire que le mot désigne ce qu'est vraiment la chose, qu'il me donne à voir l'essence de cette chose. Pourtant cette thèse n'est pas satisfaisante, et ce pour plusieurs raisons. *Tout d'abord nous devons nous souvenir que dans le Cratyle, Platon expose également une thèse opposée à celle du naturaliste Cratyle, celle d'Hermogène, qui soutient un tout autre point de vue puisqu'il prétend que les mots sont conventionnels et qu'ils désignent les choses en vertu d'un lien arbitraire.

Cette thèse conventionnaliste est étayée par les recherches des linguistes contemporains. Ainsi, F.

de Saussure montre dans son Cours de linguistique générale que la croyance en un lien motivé entre le nom et la chose est illusoire, et que même les mots qui semblent dérivés d'onomatopées ont en réalité une toute autre origine.

C'est le cas par exemple du mot "fouet" qui semble imiter le claquement de l'objet qu'il désigne, alors qu'il est en réalité construit sur la racine latine "fagus" qui signifie l'hêtre. De toutes façons, l'existence même de langues différentes selon les pays plaide pour une conception conventionnaliste du langage : en effet, si les mots désignaient vraiment la nature des choses, il ne pourrait y avoir qu'une seule langue pour désigner une même une même réalité.

Or, face à un même objet, l'anglais, le français, le turc ou le japonais utilisent des mots différents.

C'est donc que le caractère du lien qui unit un mot à une chose est d'un tout autre ordre que celui de la nature, ce qui implique que le mot ne dit pas l'essence de la chose, qu'il n'imite pas la chose en la disant, mais qu'il ne fait que la représenter. B- Le mot représente la chose *Dire que le mot ne fait que représenter la chose au lieu de la copier, c'est affirmer que le rapport du mot à la chose est un rapport indirect : le mot est comme un intermédiaire entre moi et la chose. Ce rapport indirect, Aristote l'a parfaitement mis en évidence.

Il affirme en effet, dans son De l'interprétation, que non seulement la réalité avant d'être dite par le mot passe par l'intermédiaire de la pensée, mais qu'en plus le lien qui unit mot et pensées est symbolique.

Ce qui signifie que le mot, au lieu de copier la réalité, la traduit, ce qui est déjà une interprétation, même si chez Aristote le langage tout en étant conventionnel n'est tout de même pas arbitraire. En effet, qui dit rapport symbolique dit représentation, donc substitution d'une chose par une autre, mais représentation motivée.

Le résultat de cette transmission indirecte de la chose par le mot étant que chez Aristote, le mot n'exprime pas la chose, mais l'effet de la chose sur l'âme. *Ce dernier élément de motivation qui existait chez Aristote entre le mot et ce qu'il désigne, disparaît avec la naissance de la linguistique qui radicalise la thèse conventionnaliste, jusqu'à affirmer le caractère arbitraire de ce qu'elle appelle le signe linguistique.

Du coup, on ne peut plus considérer le langage comme une liste de mots auxquels correspondrait une liste de choses, on ne peut plus en effet considérer le langage comme une nomenclature puisque chaque chose pourrait en fait être désignée par un tout autre signifiant que celui que celui qui. »

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