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Les idées sont-elles en nous ou hors de nous ?

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« Nous parlons traditionnellement de nos idées comme si elles nous appartenaient.

En effet, avoir une idée, c'est la posséder ou en tout cas, se l'être appropriée.

Il semble donc que les idées soient avant tout en notre esprit, ce sans quoi elles n'existeraient pas.

Toutefois, il faut se demander si cela ne signifie pas alors qu'en dehors de l'esprit les idées n'ont pas d'existence.

Or, nous pouvons remarquer que notre existence n'est peut être pas nécessaire pour que des idées existent.

Par exemple, nous disons que nous découvrons la vérité, cela ne signifie-t-il pas alors que la vérité existe indépendamment de nous ? Le théorème de Thalès, et il en est de même pour toute vérité mathématique, existait avant même que Thalès le découvre.

T elle est la position de Platon qui s'attache à définir les Idées comme existant par elles-mêmes dans la région des Idées puisqu'elles sont définies comme le réellement réel. Toutefois, connaître n'est- ce pas alors s'approprier ces idées ? Qu'est-ce qu'avoir une idée ? Quel sens accorder à cette possession ? Avoir une idée est-ce l'inventer ou bien la découvrir, autrement dit est-ce seulement l'intégrer ou bien la créons nous de nous même ? C ette seconde conception paraît difficile à soutenir, en effet les idées sont caractérisées par leur universalité et leur généralité, c'est-à-dire que tout le monde est capable de les partager, dès lors il semble que les idées existent indépendamment de nous.

Mais comment faut-il concevoir leur subsistance hors de nous ? Et comment peut-on les intégrer, comment passent-elles en nous ? I- Une idée peut être en nous mais nous transcende. Quand nous avons une idée il est certain que cette idée est en nous, dans notre esprit, présente comme objet de notre pensée.

Cette impression est légitimée par l'expérience que nous faisons de notre propre esprit, par exemple nous avons la sensation qu'une idée peut-être plus ou moins présente en nous, selon notre attention, l'idée semble tributaire de notre état de conscience.

En effet je peux oublier, me souvenir d'une idée ou encore la transformer en l'améliorant par exemple, bref j'ai la conviction intime d'être le propriétaire de mes idées. Toutefois il est remarquable qu'autrui puisse avoir la même idée que moi, on dit par exemple que nous partageons une même idée.

Il paraît contradictoire d'affirmer que nous inventons en même temps la même idée, ou que l'un l'a suggéré à l'autre si jamais nous avons eu la même idée sans communiquer.

En mathématique Newton et Leibniz sont les parents du calcul différentiel mais ils l'ont découvert séparément, on ne sait exactement lequel fut le premier.

Un tel cas semble indiquer que l'idée est comme au carrefour d'une situation propice à sa découverte, elle ne nous appartient pas en propre mais semble se profiler selon les circonstances, apparaissant lorsque le contexte est suffisamment mûr aux esprits qui savent la chercher et l'accueillir. Il faut donc concilier à la fois l'impression de propriété et le fait qu'une idée puisse être partagée, si nous sommes plusieurs à posséder la même idée, et c'est le cas puisqu'il existe une Idée pour chaque chose (au sens platonicien et non kantien, en effet pour Kant à chaque chose correspond un concept, les Idées qui existent sont les « concepts » auxquels ne correspond aucune intuition sensible : l'âme, le monde dans sa totalité et Dieu), l'idée est donc en nous sans pour autant nous appartenir ni même dépendre de nous. II- Le problème de la participation. Dans plusieurs de ses œuvres ( Le Ménon, Le Parménide…) Platon se débat avec le problème de la participation, c'est-à-dire avec le fait qu'une Idée puisse se distribuer en une multiplicité d'éléments sensibles.

Par exemple : de quelle façon les lits participent de l'Idée de lit ? Pour Platon une Idée est ce qui est surdéterminé dans sa propre identité : c'est ce qui est lui-même à lui-même le même.

L'Idée d'arbre c'est un arbre qui n'est rien d'autre qu'arbre, qui n'a pas telle dimension, telle couleur, telle odeur, qui n'est ni bouleau ni chêne ni rien de particulier, bref l'idée est en soi irreprésentable, nous ne pouvons qu'en avoir l'idée mais pas l'image. Mais Platon n'hypostasie pas pour autant un monde des Idées (contrairement à ce qui se dit souvent), l'Idée est séparée du monde sensible mais l'intelligible ne doit pas être représenté comme un royaume, une nature supérieure où flotteraient les Idées comme des choses.

Les problèmes liés à la participation sont nombreux et Platon ne les résous pas entièrement.

Par exemple : comment une Idée, en soi supérieure et parfaite peut-elle se distribuer dans le monde sensible sans se décomposer elle-même ? Cela reviendrait pour elle à se dégrader, à dégrader son unité.

Ou encore réciproquement comment peut-on dire que les objets sensibles, par exemple les tables participent de l'Idée de table, ne serait-ce pas faire de l'Idée une addition de toute les tables sensibles et par là même dégrader l'Idée sensée être indépendante du sensible ? On le voit, il ne suffit pas de poser un monde des Idées pour répondre à la question, séparer l'idée de son incarnation c'est se heurter à bien des difficultés.

L'Idée est indépendante du sensible, ce dont témoigne l'évolution du terme grec « Eidos » qui signifia tour à tour les traits du visage, l'espèce (donc l'eidos est encore à ce stade dépendant du sensible, puisque si tout les membres de telle espèce meurent, l'eidos disparaît), puis l'Idée chez Platon. III- Nous sommes les inventeurs de nos idées. Une conception qui sépare les Idées du monde sensible conduit conséquemment Platon à la doctrine de la réminiscence : il fut un temps où nous possédions toutes les Idées, nous les avons oubliées et l'expérience peut nous les faire souvenir.

Simplement une telle théorie nous paraît tenir davantage du mythe que de la réalité. Une autre solution, plus économique en mythe, consiste, avec l'empirisme (Locke et Hume notamment), à ne pas considérer l'idée comme première mais les sensations. Pour Hume, nos idées proviennent de l'expérience, de la sensation.

Elles sont plus faibles, parce qu'elles sont moins présentes à l'esprit.

Ici, même les idées abstraites, les concepts, gardent quelque chose de leur origine sensible. Une idée dérive d'une multiplicité de sensations, comme une généralité est induite d'une multiplicité de cas.

Selon cette vision des choses l'esprit humain fonctionne par inductions et inférences : après avoir vu plusieurs roses je vais avoir l'idée de rose.

L'abstraction de l'idée suppose une série de cas concrets.

L'abstraction de l'idée n'existe pas en soi mais est créée, construite. Une idée est en quelque sorte une invention et il n'est pas contradictoire que tout le monde ait les mêmes idées puisque tout le monde à les mêmes sensations.

Il faut donc inverser le rapport de l'abstrait au concret, du général au particulier, l'idée est bien en nous mais cette appartenance ne signifie pas que nous en possédons l'exclusivité puisque la matière dont elle dérive est elle-même collective à l'humanité, c'est le monde sensible. Conclusion : Les idées nous transcendent, la preuve en est qu'elles appartiennent à un nombre indéfini d'esprit, toutefois nous avons vu qu'une conception qui sépare absolument le sensible de l'intelligible se heurte aux problèmes posés par la participation.

Il paraît philosophiquement plus convaincant d'adopter une position empiriste qui permet de comprendre l'idée comme inférence à partir d'expériences sensibles.

Toutefois il faut concéder que les difficultés ne sont pas définitivement écartées : en effet quel statut accorder à la vérité puisqu'en tant que généralité elle n'est que le résultat d'une inférence et par là même jamais définitivement certaine.. »

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