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Les hommes n'agissent-ils que par intérêt ?

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« L'existence sociale est un fait assez banal dans la nature, comme si la vie avait fait de ce mode d'existence une stratégie préférentielle.

Devant les difficultés de la survie, la vie fut bien avisée de regrouper les faibles animaux que nous sommes.

Ainsi on pourrait croire qu'une manne providentielle tombant du ciel nous libèrerait de cette vie commune, contraignante par bien des aspects.

Le sauvage heureux que dépeint ROUSSEAU, insoucieux des autres, ignorant toute loi et tout devoir, est en effet enviable à certains égards.

Mais il n'en reste pas moins que notre être aspire à la présence de l'autre, à son affection et à son respect ; la présence en nous de notre capacité à dialoguer, de notre désir de justice ne marque-t-elle pas une nature profondément et nécessairement vouée à l'existence communautaire ? [Il est purement illusoire de penser que les hommes puissent agir autrement que par intérêt.

Même lorsqu'il n'y paraît pas, nos actions obéissent à la logique de nos désirs et satisfont notre égoïsme.] La passion égoïste est à l'origine de la morale Le juste et l'injuste en soi n'existent pas; ils ne relèvent que d'une convention.

Seuls l'instinct de survie et le désir de reconnaissance nous font agir.

Selon Hobbes, lorsque nous cherchons des «compagnons», ce n'est pas par «quelque instinct de nature, mais bien pour l'honneur et l'utilité qu'ils nous apportent» (Du Citoyen). Rien ne nous prédispose au bien pour le bien. La bienveillance est une hypocrisie Ce que nous prenons pour une bonne action dissimule en réalité un intérêt égoïste.

Il n'existe pas en l'homme de penchant naturel au bien ou au désintéressement.

Bien au contraire, selon La Rochefoucauld, «l'intérêt parle toutes sortes de langues, et joue toutes sortes de personnages, même celui de désintéressé» [Maximes).

En conséquence de quoi, le sens moral est intéressé. L'utilité est le seul critère de la moralité Le désintéressement n'est qu'une vaine chimère.

La société a à composer avec ce que les hommes sont, et non avec ce que les hommes devraient être.

La morale et l'action se réduisent à une technique qui nous garantit les meilleures conditions du bonheur.

Pour John Stuart Mill, «le propre bonheur de l'individu» concourt indirectement à «celui des autres» (L'Utilitarisme). «La doctrine qui donne comme fondement à la morale l'utilité ou le principe du plus grand bonheur affirme que les actions sont bonnes ou mauvaises dans la mesure où elles tendent à accroître le bonheur, ou à produire le contraire du bonheur.

Par bonheur on entend le plaisir et l'absence de douleur; par malheur la douleur et la privation de plaisir.

(L'Utilitarisme, 1861.) Faire de l'utilité et du plaisir personnel un principe moral a quelque chose de provocant: il semble que si j'agis pour mon utilité, je n'agis pas par pur devoir, et donc pas de manière morale.

C'est ce que dirait Kant par exemple.

Quant au plaisir, la morale chrétienne le considère comme immoral en tant que tel.

Le revendiquer comme valeur morale est donc quasiment scandaleux [voir Épicure à ce sujet].

Mill se défend que son propos ait une telle portée scandaleuse: il ne s'agit pas pour lui de tirer la morale vers le bas, mais de tirer vers le haut les notions de plaisir et d'utilité.

Celles-ci consistent en fait à accomplir en soi les qualités humaines les plus nobles («Mieux vaut être un homme insatisfait qu'un porc satisfait» dit-il), et à travailler au bonheur de l'humanité. Le texte de Mill est intéressant à mettre en regard de la conception kantienne de la morale, selon laquelle agir par devoir est strictement opposé à agir par utilité.

Encore faut-il bien garder en mémoire, lorsque l'on fait cette comparaison, que Mill ne confond pas utilité et intérêt égoïste.

L'antinomie entre les deux auteurs n'est donc pas aussi forte qu'on peut le croire au premier abord (contrairement à l'opposition Kant / Sade par exemple).

Ce qui est intéressant chez Mill, c'est qu'il introduit d'une part la notion d'une quantification du bonheur: ainsi le bonheur n'est pas un état fixe et défini: être absolument heureux n'est pas concept qui ait un sens, on est seulement plus ou moins heureux; de plus, Mill récuse qu'il y ait une définition unique, universellement valable, du bonheur: la nature de ce qui rend l'un ou l'autre heureux dépend des préférences de chacun ; le seul universel, c'est que chacun recherche le bonheur; quant à son contenu, il varie selon chacun. Rappelons d'abord brièvement les formes qu'à prises la Morale utilitaire au cours de l'histoire.. »

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