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Les hommes doivent-ils travailler pour être humains ?

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« Se demander si les hommes doivent travailler pour être humains revient à se demander si le travail n'est-il qu'une activité permettant la subsistance de l'homme, c'est-à-dire une annexe dans son existence, ou bien s'il représente-t-il l'activité par excellence à laquelle l'homme se livre ? Ainsi, quel rôle le travail joue-t-il pour l'humanité, autrement dit pour la définition de l'homme ? Cela nous amène à considérer la valeur du travail en lui-même : possède-t-il une valeur positive, alors que souvent il est conçu comme pénible, voire harassant ? Cependant, il nous faut définir plus avant ce que l'humanité recouvre : qu'est-ce qu'être « humain » ? Cela s'oppose-t-il à l'idée d'un travail qui implique l'effort ? En somme, si le travail peut être perçu comme exigeant, n'offre-t-il pas toutefois les conditions mêmes de l'humanité ? Dans ces conditions, si le travail peut apparaître comme une activité dont l'homme se passerait volontiers, n'est-il pas malgré cela ce qui fonde son humanité ? PRÉALABLE: LA SPÉCIFICITÉ DU TRAVAIL HUMAIN La nature, marâtre envers l'homme. a) Pour pourvoir à sa subsistance, l'homme est bien moins armé par la nature que la plupart des autres animaux.

Il n'a ni griffes pour chasser, ni crocs pour se défendre, ni toison pour se protéger du froid : sa simple survie est déjà un problème. b) Le mythe d'un paradis perdu, d'un état dans lequel le travail n'était pas nécessaire (âge d'or du Politique de Platon, Eden de l'Ancien Testament), évoque par contraste cette dure nécessité. Travail humain et « travail » animal. a) Le travail humain implique la conscience d'un projet.

« Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte.

Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche » (K.

Marx, Le Capital, 1867). b) Ainsi, alors que le travail humain est régi par la conscience du but à atteindre, le « travail » animal est instinctif et n'est pas perfectible. • Instinctif: Bergson (dans L'Évolution créatrice, 1907) définit la conscience comme la « différence arithmétique entre l'activité réelle et l'activité virtuelle ».

Dans l'instinct, poursuit-il, « la représentation est bouchée par l'action ».

Au lieu que, chez l'animal intelligent (= chez l'homme), l'existence d'un déficit entre ce qui est donné naturellement et ce qui est nécessaire à la survie favorise l'invention des moyens de survivre. • Non perfectible : La perfectibilité de l'homme (sa faculté de se perfectionner) est liée à la nature même du travail humain.

« Les hommes deviennent plus habiles en trouvant mille adresses nouvelles, au lieu quel les cerfs ou les lièvres de ce temps ne sont pas plus rusés que ceux du temps passé » (Leibniz, Nouveaux essais sur l'entendement humain, 1703).

L'animal ne progresse pas.

Les castors d'aujourd'hui ne bâtissent pas avec plus d'art que les premiers castors, et l'abeille ne perfectionne pas la cellule qu'elle habite. I – La valeur du travail Dès les premières lignes de la Genèse, le travail apparaît comme une sanction infligée à l'homme par Dieu : oisif dans le jardin d'Éden, d'où le péché originel le chassera, l'homme se voit obligé de travailler la terre pour assurer sa subsistance.

La béatitude de l'âge d'or, état premier de l'humanité, tranche avec son destin futur et sa condition laborieuse (de labor, travail). Le travail n'est ainsi que déchéance pour l'homme ; les Grecs illustrent encore cette position, puisque le citoyen se veut oisif, tandis que l'esclave travail.

Il ne s'agit pas tant de ne rien faire, que de s'occuper des affaires de la Cité (politique, économie, philosophie, etc.).

En ce sens, la pensée ne peut véritablement fonctionner que si elle se trouve libérée des servitudes de la matière. De ce point de vue, le travail ne fait qu'apporter son lot de peine : il n'est pas en soi enviable.

Si je travaille, je ne peux pas faire autre chose : je suis asservi.

Certes, je récolte sans doute quelque chose (par exemple, le fruit de mes cultures, si je travaille la terre), mais au détriment de quelque chose d'autre : le repos. Ainsi, comme l'indique son étymologie latine (tripalium = instrument de torture), le travail ne serait que supplice et châtiment.

Cependant, remarquons au moins que la vie exempte de travail correspond à un état quasi divin – une vie d'ange dans le jardin d'Éden – la chute et l'obligation de travailler advenant en propre à l'homme ; mieux, l'homme devient homme (mortel et laborieux) en chutant hors du paradis. II – La dialectique du maître et de l'esclave : le travail selon Hegel Dans la Phénoménologie de l'esprit, Hegel prolonge cette idée que le travail, bien que pénible, permet l'avènement de l'humanité des hommes.

Pour cela, il convoque ce qu'il appelle la dialectique du maître et de l'esclave et qui lui permet de mettre au jour la double fonction du travail.

Cette dialectique exprime la lutte pour la reconnaissance qui s'établit entre un maître et son esclave. Alors que le maître reste oisif et se contente de tirer sa subsistance du travail fourni par l'esclave, celui-ci prend conscience de ses capacités en contemplant le résultat de son travail.

L'esclave objective son esprit, c'està-dire que ses capacités intellectuelles apparaissent dans les objets qu'il façonne, et le maître devient dépendant de son esclave.

Il est désormais obligé de le reconnaître comme un être à part entière. Il y a donc bien là un double mécanisme lié au travail : 1° alors que le maître ne fait rien et n'est reconnu en. »

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