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Le vrai est-il ce qui est vérifié ou vérifiable

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« Une des premières conceptions de la vérité qui soit apparue dans l'histoire de la philosophie occidentale est la doctrine célèbre de 1' ce adéquation » de l'esprit à la réalité (adaequatio rei et intellectus), c'est-à-dire de la conformité de la pensée à son objet considéré comme une réalité entièrement distincte et extérieure à elle, a Le vrai est ce qui est, dit Bossuet dans sa logique, le faux ce qui n'est pas.

» Selon cette doctrine, l'idée est, au sens le plus strict du mot, la représentation de la réalité. Mais cette notion de conformité de la pensée à la réalité, si séduisante qu'elle soit, à première vue, dans sa simplicité, recèle, semble-t-il, une contradiction fondamentale, car comment parler de la conformité de la pensée et de son objet, puisque l'objet n'est connu que dans et par la pensée ? On raisonne comme si le sujet pouvait sortir de soi pour aller vérifier au dehors l'accord de ses idées avec les réalités extérieures qu'elles représenteraient.

De plus, cet accord serait encore une idée, dont il faudrait à nouveau se demander si elle est ou non conforme à une réalité objective posée comme différente d'elle ; et ainsi à l'infini. Une telle position n'est donc pas, sous cette forme, tenable.

Il est acquis qu'il est impossible de référer directement nos idées à la réalité en soi.

Tournant le dos, par opposition, à cette spéculation métaphysique, faut-il chercher le critère de la vérité dans l'expérience sensible ou, plus précisément, dans les résultats de nos comportements, dans la pratique, l'action (pragma) ? C'est là la thèse centrale de la doctrine philosophique connue sous le nom de pragmatisme qui s'exprime chez à peu près tous les pragmatistes, encore que chacun d'eux l'entende à sa manière : ce Le vrai est ce qui est vérifié.

» Cette doctrine d'homme d'action, aussi caractéristique des Américains que l'esprit cartésien peut l'être des Français, consiste essentiellement en ceci qu'il faut attacher moins d'importance à la théorie qu'à la pratique, aux principes qu'aux conséquences.

Baptisée par William James en 1396, elle a été rendue célèbre, avant la lettre, par un article de Charles Sanders Peirce de 1878 : ce Comment rendre nos idées claires ». Le principe de Peirce, qui définit bien le pragmatisme, est ainsi énoncé par son auteur : ce Considérons l'objet d'une de nos idées, et représentons-en nous tous les effets imaginables pouvant avoir un intérêt quelconque que nous attribuons à cet objet ; je dis que notre idée de l'objet n'est rien de plus que la somme des idées de tous ces effets. » Pour Peirce comme pour James, qui le suit sur ce point, deux idées ne sont pas clairement distinctes l'une de l'autre lorsqu'elles ne conduisent pas à des actions distinctes.

Pour rendre nos idées claires, il faut donc définir toute idée, toute théorie par ses conséquences pratiques.

Un concept conduit aux objets, aux choses, aux résultats, c'est-à-dire que c'est l'expérience qui nous renseignera sur le contenu réel de nos concepts. Le principe de Peirce a pour celui-ci le but premier de débarrasser la philosophie du verbalisme et de la logomachie en distinguant grâce à un critère précis les formules creuses des formules proprement significatives.

Le pragmatisme se défie extrêmement des spéculations obscures, il tient pour suspecte une philosophie verbale qui, rompant les attaches de la pensée avec l'action, se perd dans des jeux de concepts.

Attentif aux besoins de la vie et posant que la vérité doit toujours servir à quelque chose, il cherche à discerner la présence du vrai dans les résultats satisfaisants que le réel éprouvé fait apparaître.

Il a le souci constant de donner à ses propositions, plutôt qu'une démonstration toute théorique, le lest des faits qui les vérifient. James admet, lui aussi, que le sens de chaque concept doit être réduit à ses effets positifs et expérimentables et que le fond de la méthode pragmatiste est cette affirmation que tout concept ayant un sens réel annonce quelque changement déterminé de notre expérience, mais nous verrons qu'il en étend beaucoup le domaine d'emploi. Plus proche encore de celle de Peirce est la doctrine de John Dewey, chef de l'Ecole de Chicago, qu'il appelle luimême instrumentalisme.

La pensée en général et les théories en particulier ne sont que des outils (tools), des instruments pour l'action et la transformation de l'expérience, et c'est leur ce rendement » dans Faction qui fait leur valeur de vérité. **** On voit que le pragmatisme renverse le rapport classique entre la connaissance et Faction.

Selon la philosophie classique la connaissance est première, l'action ou la pratique la suit et en est la conséquence.

Selon le pragmatisme, au contraire, la connaissance nous est apportée par le succès de nos actions et ne peut nous être apportée autrement.

Le vrai c'est ce qu'enseigne la réussite, il est le fruit de Faction. La conception pragmatiste de la vérité se fonde donc d'abord sur une critique de la théorie classique de la vérité, entendue comme toute faite et statique.

Le pragmatisme nie l'idée de vérité en soi et réduit le vrai à son efficacité pratique, c'est-à-dire à Futile.

Pour les philosophes anciens, écrit Bergson dans une préface à la traduction d'un ouvrage de James, il y avait au-dessus de l'espace et du temps un monde où siégeaient de toute éternité toutes les vérités possibles : les affirmations humaines étaient d'autant plus vraies qu'elles copiaient plus fidèlement ces vérités éternelles.

Les modernes ont fait descendre cette vérité sur la terre mais selon certains la vérité serait déposée dans les choses et dans les faits, notre science la tirerait seulement de sa cachette et la produirait au grand jour. Or, pour les pragmatistes, le rôle de l'idée n'est pas de refléter un donné.

L'idée n'est pas une copie, elle ne se modèle pas sur une réalité indépendante de la connaissance, elle est un moyen, un projet.

La science ressemble à un vaste plan de campagne patiemment élaboré en vue de transformer l'expérience.

Il ne faut pas la juger comme un portrait auquel on demande d'abord de représenter fidèlement l'original, mais comme un instrument, d'après les services qu'il est à même de rendre.

« Les rationalistes, écrit James, considèrent la vérité comme une qualité inhérente aux idées elles-mêmes...

Pour le pragmatisme, la vérité ne consiste pas dans une propriété inactive et statique de l'idée ; celle-ci devient vraie, elle est rendue vraie par certains faits, elle acquiert sa vérité par un travail qu'elle effectue, par le travail qui consiste à se vérifier elle-même, qui a pour but et pour résultat sa vérification ; et de même elle acquiert sa validité en effectuant le travail ayant pour but et pour résultat sa validité. » C'est en ce sens que la vérité se définit par le succès : une idée est vraie parce qu'elle réussit ; la vérité se confond avec la vérification.

Aucune proposition ne porte en elle d'évidence immédiate ; toute affirmation est une hypothèse dont la vérité se découvre par la mise en usage, et il faut hasarder nos jugements avant d'en connaître. »

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