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Le temps se réduit-il à la durée ?

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« INTRODUCTION.

— Si pour le vulgaire les termes de temps et de durée sont pratiquement synonymes, la réflexion philosophique ne saurait se contenter d'une confusion qui rendrait impossible la résolution des problèmes métaphysiques les plus importants, car elle équivaudrait, en dernière analyse, à se méprendre sur la substance même de l'âme humaine.

Mais, si la distinction des termes s'impose, il est dangereux de se référer, pour l'établir, à un dictionnaire de la langue courante, où l'on risque de trouver des définitions contraires à celles de l'usage philosophique.

C'est ainsi que dans un dictionnaire très répandu, la notion du temps mathématique étant tenue indûment à l'écart, on définit le temps comme une « durée limitée », et la durée comme le « temps en général ».

Il nous faut un guide plus averti en ces matières.

Nous le trouverons en BERGSON.

NOUS inspirant de son Essai sur les données immédiates de la, conscience, nous étudierons d'abord la durée pure et le temps, avant de voir comment ces deux notions se fondent dans la notion de durée concrète. I.

— LA DURÉE PURE. La durée désigne une « succession de changements qualitatifs qui se fondent sans aucun contour précis...

sans aucune parenté avec le nombre ».

[Données immédiates.) Essayons d'en analyser les principaux éléments: A.

— La durée est succession et permanence. La durée psychologique suppose un écoulement, une série de changements dans les affections, les pensées, les volitions.

Il ne faudrait donc pas la confondre avec l'éternité qui se caractérise par son intemporalité, par le fait qu'elle échappe au devenir.

Ce n'est pas ici le lieu de rechercher la raison métaphysique de ce mouvement intérieur qui marque notre vie psychique, comme le mouvement externe marque notre vie physiologique.

Il suffit de le définir. Ce mouvement n'est pas une succession au sens où l'on dit qu'un nouveau roi succède au monarque défunt.

Les changements qui nous ont affectés nous ont marqués et nous accompagnent toujours par la mémoire vécue que nous en avons.

C'est dire que la succession que nous observons en nous n'est pas dispersion.

C'est précisément le sentiment de la permanence de notre identité tout au long de notre vie qui empêche de considérer les phénomènes qui nous ont touchés — ou plutôt les différents états d'âmes qui leur correspondent — comme les perles d'un collier. B.

— La durée pure échappe à la mesure. Nos états de conscience, par leur nature propre, ne peuvent être mesurés.

En effet, on ne peut mesurer qu à condition de pouvoir transporter un certain nombre de fois, et autant qu'il le faudra, l'étalon-unité dans un milieu homogène.

Pour mesurer, par exemple, le sentiment de l'effort, il faudrait pouvoir transposer rigoureusement des termes de conscience en termes d'espace.

Pour pouvoir mesurer la durée d'une sensation (et non le temps d'application de l'excitant), il faudrait qu'il y ait, non pas simultanéité entre la cause physique de la sensation et la sensation elle-même, mais identité.

Or, peut-on seulement parler de simultanéité en ce domaine ? C'est encore abusivement qu'on emploie ce terme à propos de la durée pure : s'il y a simultanéité pour l'observateur impartial qui remarque une coïncidence entre le stimulus et les manifestations physiologiques et mimiques de la sensation, cette simultanéité ne compte pas pour le sujet que la sensation absorbe.

Cette sensation, en aucun cas, ne saurait se réduire à sa traduction physiologique, et donc spatiale, car elle est une réalité irréductible.

Plus le sujet est occupé par son présent psychologique, et moins il songe à l'écoulement spatial des causes de ses sensations, moins, en d'autres termes, il songe à mesurer le temps.

Il est semblable à ces joueurs de football ou à leurs supporters passionnés que le jeu captive et qui laissent à l'arbitre le soin de regarder sa montre. C.

La durée est intensive. Si la durée échappe à la mesure, il est pourtant certain que nos états de conscience ne sont pas semblables.

Ils peuvent se caractériser par le plus ou le moins : par exemple, je me sens très fatigué, ou simplement un peu las.

Ou plutôt, puisque le plus et le moins suggèrent presque fatalement des grandeurs extensives, disons peut-être que nos états psychiques ne se différencient les uns des autres que qualitativement.

La sensation d'être brûlé par un fer à repasser n'est pas sans doute deux ou trois fois plus grande que celle qui est provoquée par la brûlure d'une allumette.

Mais, à ne considérer que la durée pure, et non la durée concrète, il faudrait dire plus encore, et affirmer qu'une telle sensation n'est pas plus grande, mais qu'elle est autre. En définitive, pour arriver à la notion d'une durée pure qui est succession organique et non pas émiettement d'éléments juxtaposés, multiplicité qualitative sans que la mesure ait aucune prise sur elle, il faut exorciser la conscience du démon Espace. II.

LE TEMPS. Le temps est un milieu homogène où s'écoulent les phénomènes physiques.

La notion de temps est une construction de la raison qui fait abstraction de ce qui dure dans les phénomènes du monde pour ne considérer que leur écoulement.

Cette construction est analogue à celle que la raison élabore à partir de l'étendue pour se donner l'espace, avec cette différence que la notion de temps est moins simple, puisqu'elle résulte d'un compromis entre la durée pure et l'espace. A.

— Le temps est succession, comme la durée. Par eux-mêmes, les êtres physiques sont étrangers à la notion de chancellement, puisqu'ils ne sont pas doués de conscience, et que la conscience est nécessaire pour qu'on ait le sens de l'écoulement.

Il ne peut donc pas être question de durée, à proprement parler, pour les phénomènes, mais seulement de simultanéité dans l'espace. Comment sommes-nous donc amenés à la notion de temps ? A chaque moment de notre durée peut correspondre, dans le monde physique, une oscillation de pendule.

Par la mémoire, nous souvenant des battements précédents du. »

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