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Le souci de soi recommande-t-il seulement d'être heureux ?

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« Le souci de soi est-il rivé à la seule visée de l'extase pour soi ? Se soucier de soi est-ce seulement vouloir la plénitude ? Un tel lien n'est il pas trop exclusif ? Le souci de soi ne recommande t-il pas tout autant de sortir de soi, de s'ouvrir au monde et à autrui ? Le souci de soi devrait donc concilier à la fois la plénitude (être heureux) et aussi le manque, en effet par l'épreuve du manque (du réel en tant qu'il me résiste), je fais l'épreuve de l'existence, c'est-à-dire de la vie telle me sépare de moi-même.

Le souci de soi ne saurait me recommander la seule extase, sauf à sacrifier le réel au profit du seul désir. I- Le souci de soi est d'abord en deçà du désir. L'étymologie latine de « souci » nous fournit une indication précieuse, « cura, ae » signifie à la fois le souci et le soin.

Se soucier de soi est donc inséparable de l'idée de prendre soin de soi.

D'ailleurs l'expression « se faire du souci » montre bien que le souci surgit lorsque ce dont on se souci est dépourvu de soin.

Le souci serait donc à sa racine en deçà du désir que le projet d'être heureux implique. Le souci est d'abord une préoccupation avant d'être une visée. Le souci de soi recommande d'abord de prendre soin de soi ; dans l'œuvre de Nietzsche la santé est l'une des plus grandes valeurs, en tant qu'elle nous ouvre à une existence authentique c'est-à-dire grosse de possibilités.

Le recouvrement de la bonne santé est semblable à une renaissance, le sujet recouvre en même temps ses potentialités.

La vision nietzschéenne s'oppose aux philosophies qui méprisent le corps, n'y voyant que le signe de la finitude humaine. Dans le Gai savoir, par exemple au livre V on trouve des lignes où la santé retrouvée ouvre à une joie véritable, l'homme est heureux parce que de nouvelles promesses s'offrent à lui.

Toutefois ici la joie a un sens proprement existentiel, elle est conquise au terme d'un doute sur soi même, d'une épreuve difficile.

Nous allons tenter d'éclairer une telle configuration. II- Mais le souci de soi n'est pas la complaisance. Cependant il faut se garder d'un glissement : le souci accordé à la bonne santé peut vite devenir pathologique.

La surenchère actuelle autour de la santé a quelque chose de morbide et qui est souvent dénoncé : tout devient interdit pour le bien de tous.

La norme devient non plus ce qui se construit par rapport à l'excès et donc le tolère mais bien un commandement sanitaire qui interdit tout écart (safe sex, abstinence aux Etats unis, interdiction de fumer, tandis qu'on est prêt à légaliser le cannabis, qui, comme le note le philosophe slovène est précisément nommée drogue douce, et c'est donc en vertu de ce qu'elle est considérée comme produit désubstantialisé qu'on la tolère…). Comme l'écrit Canguilhem dans Le normal et le pathologique être en bonne santé c'est justement être capable de tomber malade.

A trop éviter le danger on construit des comportements aseptisés et finalement morbides.

Le souci de soi doit donc tout autant être oubli de soi, c'est-à-dire que le sujet doit être capable de se confronter au réel sans tenter de prévenir ni de contrôler tout ce qui est à même de lui arriver.

Le souci de soi n'est pas l'auto-complaisance de l'égoïste qui préserve à tout prix son carré de bonheur, un tel souci est en même temps une fuite du réel. La phrase de Du Bellay « heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage » nous souffle que le bonheur se conquiert, la plénitude n'est pas donnée d'emblée, il faut aller la chercher dans l'aventure, c'est-à-dire dans le réel et non dans le virtuel (comme par exemple dans la consommation ou dans quelconque réalité aseptisée où l'on n'a pas fait l'épreuve de la résistance du réel).

Aussi il faudrait lier plénitude et manque, la plénitude véritable réclamerait peut-être du sujet qu'il ai fait l'épreuve du manque.

De même que le désir vise son objet et le vit comme ce qui pourrait le remplir parce que précisément celui-ci lui manque. III- Le souci de soi et l'existence. Le souci de soi doit donc aussi ménager un oubli de soi, c'est-à-dire que le sujet doit parfois savoir entrer de plain pied dans le réel et se heurter aux résistances qu'il rencontre : le réel est garantie par celle-ci, autrement dit faire l'épreuve du réel c'est aussi faire l'épreuve de l'échec.

A chacun d'apprendre à faire quelque chose de son rapport, même manqué, à la réalité.

Sans souscrire littéralement à la dialectique de la reconnaissance thématisée par Hegel on peut y lire un fonds de vérité : l'existence n'est censée que si le sujet c'est confronté à un minimum de risques (le risque de mort chez Hegel).

Mais il est aussi pathologique de se garder à tout prix du risque que de ne se sentir exister qu'à travers le risque, une telle attitude est tout autant complaisante et morbide que la première. Le souci de soi est pur aveuglement s'il ne consiste qu'en la visée du bonheur ; exister comme le dit Heidegger c'est exister sur le mode de la séparation de soi à soi (ek-sister), c'est-à-dire que l'existence humaine est versée dans son autre, tournée vers le monde. Exister c'est non pas se complaire dans le bonheur mais être à soi même son propre projet, ne jamais finir de se réaliser.

Le souci de soi doit donc être aussi la visée d'une existence telle qu'elle ne fasse pas l'économie des difficultés. Autrui peut être une figure de mon propre souci : soit que par l'amour ou la sympathie (ou encore la pitié rousseauiste) le souci de l'autre devienne le mien, soit que à travers la figure de l'autre j'essaie de comprendre quelque chose de moi-même.

Par exemple dans Signes Merleau-Ponty analyse l'attirance des hommes pour le fait divers : moins qu'une préoccupation morbide et voyeuriste (ce qu'elle est également) il y voit un thème du souci de l'existence.

En effet, à travers la petite histoire d'autrui c'est un fantôme de la mienne qui se présente à moi.

C'est moi que je lis dans l'autre et comme un autre, autrui me montre mes propres possibilités et donc prend une part importante dans mon rapport au réel. Conclusion : Le souci de soi ne peut être pure recommandation du bonheur, mais on peut dire que le projet d'être heureux ne doit pas être sacrifié ; simplement le bonheur ne peut être authentiquement que comme moment d'un voyage au sens d'une épreuve du réel. Autrement dit le souci de soi doit tout autant ménager un oubli de soi, par quoi seul l'épreuve du risque et donc de l'existence est possible.

Celle-ci ne se construit pas en effet dans la simple plénitude mais aussi dans la confrontation du manque : l'être humain n'est plein de lui-même que virtuellement, il existe sur le mode de la capacité et donc du manque de lui-même.

Le souci de soi ne doit donc pas occulter cette dimension existentielle en enfermant le sujet dans un bonheur complaisant et irréel. >>> SECONDE CORRECTION DE CE MEME SUJET: http://www.devoir-de-philosophie.com/passup-corriges-166b.html. »

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