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Le sentiment religieux implique-t-il la croyance en un être divin ?

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« VOCABULAIRE: CROIRE / CROYANCE: 1) Attitude de l'esprit qui affirme quelque chose sans pouvoir en donner une preuve (Synonyme d'opinion). 2) Adhésion de l'esprit à des vérités qui ne sont pas connues par la raison (synonyme de foi). Du latin credere, « avoir confiance en », «tenir pour vrai ». Attitude de l'esprit qui affirme quelque chose sans pouvoir en donner de preuve (synonyme : opinion).

Adhésion de l'esprit à des vérités qui ne sont pas connues par la raison (synonyme : foi). • Paradoxalement, La croyance n'est pas l'apanage des « croyants ».

Dans la mesure où l'on ne peut produire la preuve de la nonexistence de Dieu, l'athéisme est aussi une forme de croyance.

• La doctrine kantienne de la moralité admet l'existence de Dieu, la liberté de la volonté et l'immortalité de l'âme à titre de simples « postulats » de la raison pratique : l'existence de Dieu relevant de la croyance et non de la connaissance. Introduction Le sujet ainsi posé se met en quête de l'essence de ce qui est religieux, à partir d'un présupposé (l'attitude religieuse est réductible à un sentiment) et d'une hypothèse de départ (ce sentiment peut être défini par la croyance en un Dieu).

Ce sont ces deux éléments qui donnent ici à réfléchir : le verbe « impliquer » suggère une relation de nécessité logique, comme si la croyance en un être divin était une caractéristique essentielle de l'attitude religieuse.

Contester cela revient à contester le présupposé : l'attitude religieuse n'est peut-être pas que sentiment.

Alors, la foi en Dieu est-elle une caractéristique accidentelle ou essentielle de l'attitude religieuse ? I - Le sentiment religieux se définit par la divinisation de son objet. a) C'est d'abord sur la notion de divinisation, qui est au centre de l'énoncé, qu'il faut faire porter l'analyse.

L'énoncé laisse entendre peu ou prou que cette divinisation serait l'oeuvre d'un homme : le sentiment religieux, besoin consubstantiel à l'espèce, produirait littéralement, par une relation de cause à effet (portée par le verbe « impliquer ») la divinisation de ce sur quoi il porte.

A l'encontre de cela, et même pour répondre positivement à l'énoncé, il faut inverser la relation : c'est Dieu qui me fait croire, c'est la présence du divin qui implique le sentiment religieux.

Ainsi le Dieu « sensible au coeur » de Pascal n'est pas produit par le coeur, mais c'est au contraire lui qui rend le coeur sensible.

C'est tout le sens du « mystère » de Jésus, auquel on croit d'abord, avant de chercher à étayer cette foi, qui est un fait donné. b) Cette relation peut être comprise dans l'autre sens : l'attitude religieuse se définit alors comme divinisation de ce sur quoi elle porte, y compris quand ce n'est plus un objet divin en tant que tel.

L'analyse de Nietzsche vise par exemple à le dénoncer dans les sciences, notamment dans le § 344 du Gai Savoir (« en quoi nous sommes, nous aussi, encore pieux »).

Ainsi, pour lui, la science repose elle aussi sur une « foi métaphysique », qui « fut aussi celle de Platon, pour qui le vrai s'identifie à Dieu et toute vérité est divine ».

L'attitude religieuse, qui consiste à diviniser ce sur quoi elle porte, se retrouve aussi en dehors de la religion. « On dit avec juste raison que, dans le domaine de la science, les convictions n'ont pas droit de cité : c'est seulement lorsqu'elles se décident à adopter modestement les formes provisoires de l'hypothèse, du point de vue expérimental, de la fiction régulatrice, qu'on peut leur concéder l'accès du domaine de la connaissance et même leur y reconnaître une certaine valeur (...).

- Mais cela ne revient-il pas, au fond, à dire que c'est uniquement lorsque la conviction cesse d'être conviction qu'elle peut acquérir droit de cité dans la science ? La discipline de l'esprit scientifique ne commencerait-elle pas seulement au refus de toute conviction ?...

C'est probable ; reste à savoir si l'existence d'une conviction n'est pas déjà indispensable pour que cette discipline elle-même puisse commencer.

(...) On voit par là que la science elle-même repose sur une croyance; il n'est pas de science sans postulat.

» Nietzsche. Quand bien même la connaissance scientifique exclut la notion de conviction au profit de celle de vérité démontrée, cad expérimentalement confirmée, elle repose sur des postulats (cad des propositions acceptées comme vraies sans démonstration). - Une idée admise: les convictions n'ont pas de place dans la science. Explication: la science rejette toute opinion, c'est-à-dire toute croyance non démontrée, non vérifiée.

Or la conviction est une opinion ferme.

Elle ne peut donc être admise dans la science, sinon d'une manière provisoire, à titre d'hypothèse, de point de vue expérimental, de «fiction régulatrice», c'est-à-dire en n'étant plus posée comme véritable conviction (puisqu'elle est posée comme douteuse, non sûre). Une dénonciation de cette conception de la science.

Elle est illusoire : c'est en effet la science ellemême qui repose sur une croyance, une conviction fondamentale.

[Cette conviction fondamentale n'est pas explicitée dans ce texte tiré du Gai Savoir (§ 344), mais nous pouvons la retrouver.

Toute science affirme non seulement l'existence d'une vérité, qu'elle se propose d'atteindre, mais encore la nécessité de connaître cette vérité.

La conviction, le postulat qui constitue la base même de la science, c'est donc la croyance en la nécessité de la vérité.

C'est pourquoi, selon Nietzsche, la science n'est jamais qu'une foi.] II - La divinité n'épuise pas l'attitude religieuse. a) Pour autant, pareille définition de la religion est sans doute insuffisante, comme Durkheim le rappelle à plusieurs reprises dans les Formes élémentaires de la vie religieuse.

Se limiter à cette définition, c'est sans doute accorder une attention trop exclusive aux grandes religions monothéistes instituées : « la seule considération des formes religieuses qui nous sont le plus familières a fait croire pendant longtemps que la notion de dieu était caractéristique de tout ce qui est religieux » (LdP, p.

48).

Durkheim appuie cette remarque sur l'idée que « la définition laisse en dehors d'elle une multitude de faits manifestement religieux » (p.

81).

Le bouddhisme, par exemple, montre bien qu'une religion peut s'établir tout en laissant en dehors d'elle dieux et divinités.

La religion n'implique donc pas nécessairement la croyance en un être divin. b) Il s'agit alors de savoir ce qu'elle implique d'autre.

Durkheim propose une définition complémentaire : « il n'est pas de religion qui ne soit une cosmologie en même temps qu'une spéculation sur le divin » (p.

51).

Le sentiment religieux se caractérise donc par la transcendance de son objet, que cet objet soit divin ou non.

Ce critère affine et élargit à la fois la définition de départ : de même en effet qu'il y a des dieux qui n'ont rien de religieux, de même beaucoup d'attitudes ont encore un sens religieux sans Dieu, ou après ce que Nietzsche appelait la mort de Dieu.. »

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