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LE SAVOIR EST-IL ESSENTIELLEMENT UN MOYEN DE POUVOIR ?

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« LE SAVOIR EST-IL ESSENTIELLEMENT UN MOYEN DE POUVOIR ? A.

Pour l'affirmative.

— Le résultat qu'obtiendrait un référendum en la matière n'est pas douteux : la masse ne s'intéresse guère à la science que dans la mesure où ses progrès entraînent une amélioration de ses conditions de vie, augmentent son pouvoir sur les choses. Sans doute, la réponse du suffrage universel peut être récusée.

Mais l'attitude qu'ont provoquée dans les masses les transformations spectaculaires de notre temps dans le domaine matériel s'est répandue jusque dans le monde savant : « Nous vivons à une époque où la puissance se substitue de plus en plus aux vieux idéaux, et ce fait se produit aussi bien dans la science que partout ailleurs.

Alors que la science comme poursuite de puissance triomphe de plus en plus, la science comme poursuite de vérité succombe sous un scepticisme, invention habile des savants » On peut d'ailleurs se demander si cette conception utilitaire à la science n'est pas conforme à la sagesse et s'il ne faut pas tenir que la science est pour l'homme et non pas l'homme pour la science.

Or quoi de meilleur pour celle-ci qu'une humanisation progressive de la vie grâce à une maîtrise de plus en plus complète des forces de la nature ? Voilà bien, il est vrai, un but immédiat de première importance, et peut-être le premier en importance.

Mais il reste à préciser les caractères d'une vie vraiment humaine et à se demander si, en définitive, le savoir n'y doit pas primer le bien-être ? S'il en était ainsi, notre réponse devrait être profondément modifiée. B.

Pour la négative.

— « Primum vivere, deinde philosophari », répète le sens commun.

Comme l'art pour l'art, la science pour la science ne peut servir de mot d'ordre que dans un milieu parvenu à un certain niveau de civilisation matérielle et pour des individus dont les conditions d'existence sont suffisamment assurées.

Toutefois, la priorité même que marque l'opposition « primum, deinde » le suggère, ce n'est pas vivre qui constitue la fin, mais philosopher ou savoir : le vivre ou le bien-vivre ne sont qu'un moyen de quelque autre chose qui leur est supérieur, en particulier de la science. Effectivement, penseurs et savants ne manquent pas pour qui le savoir est à chercher indépendamment du pouvoir qu'il procure : « La science aussi bien que la morale, écrit Renan, a sa valeur en elle-même et indépendamment de tout résultat avantageux ».

Et Poincaré : « On s'est étonné de cette formule : la Science pour la Science : et pourtant cela vaut bien la vie pour la vie, si la vie n'est que misère ; et même le bonheur pour le bonheur, si l'on ne croit pas que tous les plaisirs sont de même qualité, si l'on ne veut pas admettre que le but de la civilisation soit de fournir de l'alcool aux gens qui aiment à boire ». D'ailleurs « les découvertes scientifiques ont été faites pour elles-mêmes et non à cause de leur utilité, et une race d'hommes sans un amour désintéressé de la connaissance n'aurait jamais créé notre technique scientifique actuelle ».

On l'a souvent .répété depuis Auguste Comte : le succès de la recherche est conditionné par le désintéressement du chercheur. D'ailleurs, pour qui observe sans préjugé, ce désintéressement n'est pas le propre des théoriciens : il devient de plus en plus commun ; il suffit pour s'en rendre compte de l'intérêt que le grand public manifeste à l'égard de toutes sortes de recherches scientifiques, y compris celles qui, par exemple en astronomie, ne comportent pas d'applications pratiques.

Comme le disait Bachelard aux Rencontres de Genève de 1952, il faut reconnaître, au fond de l'âme humaine « une volonté de connaissance, un devoir de connaissance ».. »

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